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Conseil national de la FNO
Adapter l’offre d’agneau à la demande du consommateur

Pour la FNO, il faut redoper la consommation d’agneau. Le haché semble être une piste prometteuse mais qui tarde à se concrétiser.

La table ronde organisée lors du conseil national de la Fédération nationale ovine le 11 décembre dernier à Paris posait la question de l’adaptation de l’offre en agneau français face à la demande du consommateur. En 10 ans, la consommation de viande ovine est passée de 3,7 à 2,4 kilos par habitant. « Comment redoper cette consommation pour le prix soit sécurisé et pour qu’il y ait encore demain de l’agneau français dans les assiettes des jeunes et des moins jeunes ? » s’interrogeait en préambule Patrick Soury, le secrétaire général de la FNO.

Premiers éléments de réponse avec le directeur de communication d’Interbev, Denis Lerouge, qui listait comment l’alimentation évolue vers des solutions toutes prêtes et comment les repas pris hors du domicile se développent. « Les comportements alimentaires changent avec les jeunes, le métissage culturel et l’essor de la liberté individuelle ». Les repas ont évolué et on ne mange plus seulement un plat unique à table. De plus en plus, les aliments sont présentés en petites portions. On cuisine davantage en assemblant les ingrédients dans des bols ou des sandwiches que l’on prend à l’extérieur. « On ne planifie plus autant ses repas et il suffit maintenant de quelques clics pour faire ses courses ou se faire livrer un dîner ».

L’agneau reste la plus vieille des viandes

Dans cette évolution, la viande ne disparaît pas mais les achats des ménages évoluent avec moins d’achats en produit frais traditionnel et davantage en traiteur libre-service. « L’agneau est particulièrement concerné par ces changements car c’est la plus vieille des viandes, constate Denis Lerouge. Aujourd’hui, 60 % des acheteurs en boucherie traditionnelle ont plus de 50 ans. Pour la viande d’agneau, c’est 80 %… »

Les valeurs portées par la viande ont changé. « La viande était autrefois considérée comme bonne, nourrissante, conviviale et porteuse d’un certain statut social. Aujourd’hui, il ne lui reste que le goût et le partage lors de repas festif ». La consommation de viande interroge de plus en plus sur l’environnement, l’éthique ou la santé. Le directeur de la communication d’Interbev appelle alors à prendre en compte ces préoccupations pour que la viande soit « bonne à manger et bonne à penser ».

Les atouts de l’élevage sur les territoires et les paysages

« Face à ce mouvement sociétal qui nous dit de ne pas manger de viande, il nous faut rappeler que la production ovine a de nombreux atouts à mettre en avant, notamment en ce qui concerne l’aménagement des paysages et la dynamique des territoires ruraux, oppose Michèle Boudoin, la présidente de la FNO. Manger de l’agneau français, c’est préserver de nombreux emplois en France et maintenir le dynamisme économique de nos campagnes. Manger de l’agneau français, c’est soutenir une filière qui garantit des produits de qualité et qui participe à l’entretien des paysages, de la biodiversité ! »

L’interprofession de la viande communique de façon continue sur ces bienfaits de l’élevage mais force est de reconnaître que la viande est trop souvent mise sur le banc des accusés. Pour tenter de rééquilibrer l’opinion, le stand Interbev devrait réorienter sa communication au Salon de l’agriculture en rappelant le fait que l’homme est un omnivore.

Pratique, moderne et goûteux, le haché tarde à émerger

Pour séduire encore les consommateurs, la viande d’agneau doit continuer à être source de plaisir gustatif mais elle doit aussi s’adapter à de nouvelles formes de consommation. Le haché d’agneau semble être la forme la plus moderne et pratique de consommation. Même s’il reconnaît que les produits ovins ont été moins travaillés que la viande bovine, Christophe Denoyelle, responsable de la qualité des viandes à l’Institut de l’élevage, rappelle la faisabilité de la viande hachée d’agneau. « C’est une viande plus grasse que la viande bovine et son rapport matière grasse sur protéine est conforme à la réglementation ». Le goût est bon est parfois similaire à celui de la viande bovine. « Le seul frein reste d’ordre bactériologique puisque le haché d’agneau est plus chargé en bactéries et il se conserve donc moins longtemps que son équivalent bovin ». Même si des solutions existent pour atténuer ce risque, cela peut être une des explications au fait que peu d’opérateurs se soient actuellement lancés, en France, dans le haché d’agneau.

Une absence dans le commerce qui fait pester Patrick Soury : « où est l’agneau haché dans nos rayons ? On communique sur de nouveaux modes de consommation, les collectivités sont prêtes à mettre un peu plus dans les budgets des cantines pour mettre de l’agneau et on ne trouve pas le produit… » Surtout que le haché d’agneau est, par exemple, bien présent outre-manche et que près de la moitié de la viande bovine est désormais valorisée en haché… « Le marché n’est pas complètement là et les entreprises ne semblent pas encore prêtes à prendre le risque industriel de hacher de l’agneau », tempère Maurice Huet. D’autant plus qu’un industriel qui lance une ligne de fabrication a besoin de volume constant pour fonctionner, pas seulement au premier trimestre…

Du haché dans les cantines régionales

Pour redoper la consommation, certaines entreprises se lancent dans les produits innovants à l’image de la Sicaba qui a produit des filets d’agneau en rôti ou préparés à la façon du magret. « Quand nous faisons déguster dans les salons ou les magasins, les gens adorent cette nouvelle présentation de l’agneau », témoigne Lionel Herodet, le responsable commercial de la coopérative qui réfléchit aussi à proposer du haché d’agneau.

Du haché d’agneau, les collégiens du Bas-Rhin ont eu la chance d’en déguster dans leur cantine. Soutenue par le conseil départemental, l’association Agneau Terroir d’Alsace a proposé une « galette du berger » aux 90 collèges du département pour le mettre sur leur menu en mai-juin. « Les jeunes ont trouvé ça bon et on espère qu’ils incitent leurs parents à en acheter plus souvent chez eux », escompte Hervé Wendling, éleveur et administrateur de l’association. « Attention toutefois car on n’a pas le droit de se louper sur la qualité gustative sinon, on risque de dégoûter les enfants… »

Si la restauration collective peut être un bon débouché quand les collectivités locales suivent, Maurice Huet, éleveur de Saône-et-Loire et président de la section ovine Interbev, rappelle que la restauration hors domicile reste un créneau difficile à percer à cause de sa recherche constante des prix les plus bas. En conclusion, la présidente Michèle Boudoin a exhorté chaque syndicat ovin local à aller voir sa région ou son département pour leur présenter son agneau, son goût et ce qu’il apporte au territoire. « Il faut faire consommer de l’agneau aux jeunes générations dans chaque région ».

Les vertus du haché freinées par le risque sanitaire

Aides PAC, vie syndicale, Brexit, sécheresse et prédation…

Concernant les aides PAC, la FNO appelle à maintenir le budget agricole européen après 2020. Michèle Boudoin est ainsi intervenue à Bruxelles pour faire reconnaître les aménités positives de l’élevage ovin alors que deux rapports européens rappellent que la filière ovine est un bien public. En France, la Confédération nationale de l’élevage s’est aussi fixée comme défi de faire valoir l’élevage herbivore comme contributeur de développement durable.

Vis-à-vis des accords commerciaux avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, Michèle Boudoin rappelaient la position qu’elle a tenue avec la perspective du Brexit. « Nous demandons la création d’un contingent d’importation de viande ovine spécifique au Royaume-Uni qui se base sur une moyenne de trois ans d’échanges » (NDLR : potentiellement 2013-2016). Pour la FNO, il faut aussi partager les contingents tarifaires océaniens sachant que les Britanniques absorbent environ la moitié des envois néo-zélandais et près de 75 % des envois australiens. « On ne peut pas d’un côté financer une campagne européenne pour la promotion de l’agneau et de l’autre ouvrir en grand les contingents tarifaires, pointe la présidente. On a forcément besoin des agneaux anglais pour tenir nos agneaux français dans les linéaires mais il ne faudrait pas que le Royaume-Uni devienne l’Amazon qui achète de la viande de l’hémisphère sud pour nous la refiler… »

Évoquant la sécheresse qui a touché inégalement les régions, l’alsacien Hervé Wendling a rappelé que « le système des calamités agricoles est voué à disparaître et c’est à nous de trouver d’autres pistes pour s’adapter au dérèglement climatique », en évoquant des partenariats avec les céréaliers ou l’irrigation, de la luzerne notamment. Brigitte Singla de l’Hérault évoque aussi l’existence d’assurances prairie qui se basent sur la pousse de l’herbe mesurée par satellite.

La Fédération nationale ovine a aussi interrogé son réseau départemental pour mieux cerner ses attentes et mieux fonctionner pour défendre tous les éleveurs dans tous les territoires. Dans les prochains mois, le syndicat fera évoluer ses pratiques pour mieux communiquer (envoi de SMS, site internet…), animer le réseau (annuaire, réunion des animateurs…) et continuer à rassembler lors des congrès, conseils nationaux et assemblées régionales.

Avec la présence de 500 loups en France, la FNO appelle à renégocier le plan national loup. Le syndicat espère pouvoir bénéficier de tirs de défense simple en dehors de tout quota. Les choses bougent aussi au niveau européen. Le Copa-Cogeca qui rassemble au niveau européen les syndicats et coopératives d’agriculteurs va demander à tous les candidats aux élections de mai de se positionner clairement sur la question de la prédation. « Le loup est en expansion partout en Europe, il coûte de plus en plus cher et il nous faut ramener à la raison les parlementaires » espère Michèle Boudoin.

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