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« Nous couplons séchage en grange et méthanisation »

Dans les Côtes-d’Armor, l’EARL Dolo est passée d’un système basé sur l’ensilage d’herbe et de maïs au foin séché en grange pour valoriser la chaleur du méthaniseur. Ce foin de qualité profite aux vaches et le surplus est vendu.

Après avoir été des années en zéro pâturage, avec distribution d’ensilage d’herbe et de maïs, l’EARL Dolo, qui élève 120 vaches prim'Holstein et jersiaises, à Magoar dans les Côtes-d’Armor, est passée à un système basé sur l’herbe et le séchage en grange. « La Pac est aujourd’hui favorable à l’herbe et à l’extensification, analyse Pierre-Louis Dolo, associé avec son frère Philippe et leur cousin Damien Lefèvre. Les consommateurs et les salariés y sont également sensibles. Et l’herbe est plus adaptée à notre région et plus facile à produire que le maïs. » Le pas est franchi en 2016 avec la construction d’un séchoir en grange en parallèle du démarrage d’une unité de méthanisation. « À l’époque, il était possible d’obtenir une prime énergie en valorisant la chaleur de la cogénération. Nous avons choisi de créer un séchoir avec quatre cellules de 200 m² pour sécher du foin et deux cellules de séchage à plat multiproduit. Le séchage en grange fournit un foin de qualité bénéfique pour la longévité des vaches et plus adapté à la transformation que nous voulons développer. Et comme nous avons aussi une entreprise de travaux agricoles, cela permet de sécher des céréales ou d’autres produits en prestation. »

Sur 215 hectares de SAU, 100 hectares sont désormais en herbe, contre 10 en 2015. L’ensilage d’herbe a été abandonné et toute l’herbe est séchée en grange. « En même temps que nous avons créé le séchoir, nous avons signé une Maec SPE 28 % qui impliquait plus de 55 % d’herbe dans la SAU et moins de 28 % de maïs dans la SFP, précise Pierre-Louis. La Maec est terminée et nous distribuons à nouveau de l’ensilage de maïs en plus du maïs épi. Mais notre objectif est d’en apporter de moins en moins. » Une grande attention est portée au choix des espèces et à la récolte et au séchage de l’herbe. « Les prairies sont constituées d’un mélange suisse de quinze espèces associant plusieurs trèfles, de la fléole, de la fétuque, de la luzerne indique Philippe Dolo. Le but est d’avoir un volume et une qualité constante. Et nous n’implantons que des variétés diploïdes qui se sèchent mieux que les tétraploïdes. » En moyenne, quatre coupes par an sont réalisées de mi-avril à fin septembre. « Si l’herbe n’est pas de bonne qualité en sortie d’hiver, avec des problèmes de rouille, la première coupe est ensilée pour la méthanisation, car nous ne voulons récolter que de l’herbe de qualité. »

Le foin sort entre 20 et 25 % de MAT et 0,86 UFL

 

 
« Nous couplons séchage en grange et méthanisation »

 

La récolte est faite avec le matériel de l’ETA qui s’est équipée d’une autochargeuse et d’une faneuse plus conséquente pour répondre aux besoins de l’EARL. L’herbe est coupée à 40-50 % de matière sèche. Elle est ramassée 48 heures après et disposée dans le séchoir, en petite quantité si possible pour assurer un séchage de qualité. Le séchoir est doté d’un toit solaire noir qui réchauffe l’air, d’un échangeur qui récupère la chaleur de l’eau chaude issue de la méthanisation et d’un déshumidificateur d’air qui permet de sécher la nuit. « En 48 heures, le foin est sec et a gardé pratiquement toute la valeur de l’herbe, assure Pierre-Louis. Cela permet d’avoir du foin entre 20 et 25 % de MAT pour 0,86 UF. » Par ailleurs, 15 hectares de la SAU sont consacrés au pâturage tournant dynamique, avec des paddocks de 1 hectare.

Le passage de l’ensilage au foin a nécessité des adaptations pour retrouver l’équilibre de la ration. Celle-ci comprend aujourd’hui du foin, du maïs ensilage et de la paille, l’énergie étant apportée par du maïs épi, de l’orge, du blé et, en 2022, de la betterave, pour varier les sources d’énergie. « La difficulté avec du foin à 20-25 % de MAT est de reconcentrer la ration en énergie sans risquer l’acidose si les vaches trient et mangent d’abord le concentré, explique Pierre-Louis. Nous traitons le maïs épi et le blé à l’Aliplus, qui augmente le pH et rend la ration moins acidogène. Mais avec notre distributrice, même avec un foin très appétent, il y avait du tri. Les vaches laissaient des brins de luzerne. Il y avait aussi un manque d’ingestion et moins de lait. » Les résultats n’étaient pas ceux attendus, la production diminuait. « Face à ce constat, nous avons donc voulu apporter de l’eau pour coller les éléments fins et grossiers et permettre une ingestion régulière. »

 

 
1,4 tonne d’eau est apportée dans la mélangeuse avant le chargement du foin et des autres aliments. © V. Bargain
La distributrice ne permettant pas l’ajout d’eau, les éleveurs ont choisi de s’équiper d’une mélangeuse à pâles Keenan de 24 m³. «Les pâles permettent d’avoir une ration aérée, apprécie l’éleveur. Et le système de couteaux et créneaux assure une coupe nette en fragments de 7-8 cm et sans défibrer. » L’eau (13 l/vache/jour) est apportée au tuyau dans la mélangeuse, avant le foin et les autres aliments. « L’eau réduit le taux de matière sèche de la ration, qui doit être de 40-45 %, et assure une répartition homogène des fibres et des concentrés, souligne Mickaël Jacq, nutritionniste Keenan. En trois mois, l’efficacité alimentaire est passée de 1,06 à 1,20 et la production de 22 kg à 25 kg de lait. » Depuis ce changement, la marge sur coût alimentaire, calculée avec des prix de cession des aliments, est passée de 3,89 €/VL/j fin 2020 à 4,83 €/VL/j en avril 2021.

 

La vente de foin permet de valoriser l’outil

 

 
La presse à poste fixe installée en sortie de séchoir a permis de développer la vente de foin. Le foin est pressé en flux tendu pour limiter les besoins en stockage. © V. Bargain
L’accroissement de la part d’herbe sur l’exploitation et le séchage en grange ont également permis de développer la vente de foin. « Nous récoltons en moyenne 700-800 tonnes de foin, alors que la capacité de stockage du séchoir n’est que de 400-500 tonnes, indique Pierre-Louis Dolo. Comme nous avons un foin de qualité, nous pouvons vendre les surplus et avons pour cela acheté une presse à poste fixe d’occasion. »

 

Trois types de clients sont visés : des éleveurs laitiers en manque de fourrage, des éleveurs préparant des animaux pour les concours et les propriétaires de chevaux. « Les éleveurs laitiers recherchent du foin riche en protéines. Pour les concours, il faut un foin appétent, fauché le soir et plus riche en sucre, avec une MAT d’environ 15 %. Enfin, les éleveurs de chevaux de course cherchent des foins autour de 12 % de MAT. Avec notre foin séché à l’air, sans terre ni poussière, les chevaux ont moins de problèmes respiratoires. » Le foin est vendu 200 euros la tonne départ ferme. « Le foin séché en grange a un coût, mais la vente permet de valoriser nos outils », estiment les éleveurs.

Chiffres clés

3 associés

215 ha dont 110 ha d’herbe

120 vaches

880 000 l de lait (dont 50 000 l transformés)

4 000 m² de volailles de chair

Méthanisation 420 kW

Adapter le lait à la transformation

En mars 2021, Adeline et Katell Dolo, femmes de Pierre-Louis et Philippe, ont lancé une activité de transformation du lait de l’EARL, « Les belles frangines ». Cinquante mille litres de lait devraient être transformés en 2021 en yaourts et crèmes dessert. « Le foin séché en grange donne un lait plus adapté à la transformation que l’ensilage, d’autant qu’à l’avenir, il y aura sans doute une fabrication de fromage, souligne Pierre-Louis. Le développement de la transformation nous a aussi amenés à vouloir passer tout le troupeau de la race prim'Holstein à la race jersiaise. Cette année, les jersiaises en première lactation ne donnent que 15 litres de lait par jour, contre 25 litres pour les prim'Holstein. Mais leur lait comporte quatre points de matière grasse en plus et une jersiaise mange 30 % de moins qu’une prim'Holstein. »

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