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Mammites peu sévères : faut-il retarder le traitement pour mieux cibler le recours aux antibiotiques ?

Un traitement ciblé des mammites légères à modérées permet de réduire la consommation d’antibiotiques en élevages laitiers. Mais cette stratégie nécessitant une analyse bactériologique ne se révèle pas toujours rentable pour les éleveurs.

« Les antibiotiques, c’est pas automatique ! » Cette campagne régulièrement scandée en médecine humaine, peut également s’appliquer à l’élevage laitier. Si l’usage des traitements intramammaires a reculé, les marges de progrès restent encore importantes.

« Une réduction s’avère possible dans le cas de mammites cliniques légères à modérées, a dépeint Sofie Piepers, professeure spécialisée dans la santé de la mamelle à la faculté vétérinaire de Gand, en Belgique, lors d’un symposium organisé par MSD Santé animale. Plutôt qu’appliquer un traitement antibiotique systématique, il est envisageable de recourir à des analyses bactériologiques qui, selon le germe à l’origine de la mammite, orienteront la décision de traiter ou non avec un antibiotique et de jouer sur la durée et la voie d’administration du traitement. »

Concrètement, en cas de mammites peu sévères, l’éleveur a deux possibilités. Soit il traite le quartier sans attendre avec un antibiotique, soit il attend de recevoir les résultats de l’analyse, généralement 18 à 24 heures après l’apparition des symptômes. Si l’analyse révèle que l’infection est causée par une bactérie à Gram-négatif ou qu’il n’y a pas de croissance (stérile), les antibiotiques ne sont pas justifiés et seuls des anti-inflammatoires sont nécessaires. Si, par contre, l’infection provient d’une bactérie à Gram-positif, un traitement antibiotique est nécessaire.

Une baisse de 25 à 50 % des antibiotiques

Limiter la durée du traitement peut aussi dans certains cas s’avérer un levier de réduction de la consommation d’antibiotiques. « Avec une mammite à coliformes, il ne sert à rien de prolonger un traitement intramammaire, illustre Sofie Piepers. Cinq jours de traitement n’améliorent quasiment pas la probabilité de guérison par rapport à un traitement administré seulement trois jours. »

À l’inverse, pour une mammite à staphylocoque doré, le taux de guérison double en allongeant de deux jours le traitement. « Quant à la possibilité de compléter l’intramammaire avec l’administration d’un antibiotique par voie sanguine, certes cela augmente les chances de guérison mais le coût est nettement renchéri. »

D’après plusieurs études menées aux quatre coins du globe, la stratégie de traitement ciblé des mammites après analyse bactériologique peut contribuer à réduire de 25 à 50 % l’usage des antibiotiques. « La réduction des usages possibles est déterminée par les germes prédominants », relève Sofie Piepers. Une étude aux États-Unis a conclu à une baisse allant jusqu’à 49 % de la consommation d’antibiotiques. Outre-atlantique, le germe dominant à l’origine des mammites n’est autre qu’Escherichia coli, une bactérie Gram-négatif. « Dans un tel contexte, il apparaît effectivement plus facile de se passer d’antibiotiques. » A contrario, en Nouvelle-Zélande où Streptococcus uberis (bactérie Gram-positif) domine à 60 %, la réduction totale d’antibiotiques se montre bien moins importante (-25 %).

La rentabilité du traitement sélectif dépend des germes

En outre, on peut se demander quelles sont les conséquences économiques d’un éventuel délai de traitement. « Selon le contexte, les éleveurs n’auront pas intérêt à attendre pour traiter, souligne Sofie Piepers. Tout dépend des germes présents. »

Une étude menée au Royaume-Uni sur 5]]>000 mammites cliniques simulées apporte un éclairage sur cette question. Le protocole est simple : soit une approche classique avec des vaches recevant trois tubes d’antibiotiques, soit une approche sélective et tardive dans laquelle les vaches sont traitées en fonction des résultats de la recherche bactériologique. Seuls les cas de bactéries Gram-positif ont reçu un traitement antibiotique.

Le fait de retarder le traitement de 24 heures peut avoir des impacts négatifs sur le taux de guérison bactériologique. Aussi, pour apprécier la stratégie du traitement sélectif, les auteurs ont distingué deux cas de figure en fonction de l'écart de taux de guérison bactériologique entre les vaches traitées immédiatement aux antibiotiques et celles en approche sélective. .

Premier cas : si la différence de taux de guérison est faible (moins de 5 %) alors le traitement ciblé et tardif est rentable uniquement si moins de la moitié des mammites sont causées par des bactéries Gram-positif.

Second cas : si la différence de taux de guérison devient modérée (6 à 17 %), le traitement sélectif perd de sa rentabilité. Celle-ci devient négative si 10 % ou plus de cas de mammites cliniques sont causées par des bactéries Gram-positif.

 

Les plus

Du traitement tardif des mammites non sévères :

+ Utilisation plus rationnelle des antibiotiques

+ Délai d’attente plus court

Les moins

- Perte de temps entre le diagnostic et le début du traitement, voire parfois diminution du taux de guérison

- Coût des diagnostics

De gros écarts de consommation

 

 
Sofie Piepers, professeure spécialisée dans la santé de la mamelle à la faculté vétérinaire de Gand, en Belgique. « Plutôt qu’appliquer un traitement antibiotique ...
Sofie Piepers, professeure spécialisée dans la santé de la mamelle à la faculté vétérinaire de Gand, en Belgique. « Plutôt qu’appliquer un traitement antibiotique systématique, il est envisageable de recourir à des analyses bactériologiques qui orienteront la décision de traiter ou non avec un antibiotique et de jouer sur la durée et la voie d’administration du traitement, selon le germe à l’origine de la mammite. » © E. Bignon

Une étude menée en Belgique sur 60 élevages bovins lait, entre 2012 et 2014, a révélé une grande variation de la consommation d’antibiotiques entre élevages laitiers. « Il y a douze jours de moins sous traitement par vache et par an entre les plus faibles consommateurs (3,2 j/VL/an) et les plus gros (15,2 j/VL/an) », expose Sofie Piepers. « Dans les élevages à faible consommation, il y a moins de cas de mammites traitées et le tarissement sélectif est plus souvent appliqué », poursuit la chercheuse. Les exploitations à grosse consommation, quant à elles, appliquent souvent un traitement systématique et ont également plus de cas de mammites traitées.

 

 

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