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Maïs : comment leurrer les corbeaux

Différents essais menés en Bretagne montrent une efficacité intéressante du blé utilisé comme plante-appât en cas d’attaques modérées de corvidés sur maïs. Mais à condition de réaliser un semis en plein plutôt qu’en ligne.

Les attaques de corvidés sur les semis de maïs ont été intenses et fréquentes le printemps dernier dans beaucoup de régions de la moitié nord de l’Hexagone. L’arsenal chimique s’amenuisant – seule la spécialité Korit 420FS est encore disponible pour la prochaine campagne —, des éleveurs se tournent vers des solutions alternatives. Notamment les plantes-appâts. « Cette stratégie a déjà montré des résultats satisfaisants contre les taupins et nous avons observé qu’elles pouvaient aussi avoir un effet positif contre les corvidés dans certaines situations », témoigne Anaëlle Macquet, du Ceta 35.

Aidés de leurs conseillers, plusieurs adhérents du Ceta ont mis en place l’an dernier une expérimentation participative en semant du blé dans le maïs, et ils ont comparé les résultats obtenus sur une bande témoin semée avec du maïs. Les comptages ont été réalisés sur 20 mètres à la frontière entre les deux zones et répétés plusieurs fois sur la parcelle selon une méthodologie validée par Arvalis.

Parmi les 25 parcelles en test, 4 ont subi des attaques de corbeaux notables mais sans dégâts liés aux taupins. Des différences sont visibles. « À Chateaubourg par exemple, avec un semis de maïs à 102 000 grains/ha, il ne reste que 44 000 plants/ha en maïs seul contre 69 000 plants avec le blé », illustre la conseillère. Même constat à Plouneventer dans le Finistère sur une parcelle suivie par la chambre d’agriculture avec 60 % de pertes en maïs seul contre 35 % en maïs + blé. Dans ces deux essais, les plantes-appâts ont été semées en plein (80-100 kg/ha). « L’efficacité n’est que partielle mais les plantes-appâts ont permis de limiter la casse en réduisant les attaques », analyse Eric Masson, ingénieur régional d’Arvalis. 

Si le semis en plein parvient à « brouiller » les rangs, le positionnement de l’appât sur une seule ligne semée au fertiliseur a quant à lui montré des résultats très variables, dont certains clairement insuffisants.

35 % de pertes avec les plants-appâts contre 60 % en maïs seul

L’objectif est de faire coïncider la levée du maïs et du blé. « Pour cela, il est recommandé de semer le blé la veille ou le jour du semis de maïs », indique la conseillère du Ceta 35. En semis précoce, le blé démarre plus vite que le maïs ; il faut bien surveiller la parcelle pour déclencher la destruction. En semis tardifs, c’est l’inverse. « Dans tous les cas, lorsque le blé est semé à la volée, et que l’on recourt à la herse rotative pour semer le maïs le jour même ou le lendemain, le blé se retrouve entre 1 et 4 cm maximum, précise-t-elle. C'est un bon compromis entre les possibilités du matériel, la vitesse de développement de la plante-appât et son efficacité à la fois sur corbeaux et taupins pour lesquels on recommande un semis plus profond que le maïs. »

Résultats décevants avec du blé sur une seule ligne de semis

Autre enseignement de l’expérimentation : l’importance d’une bonne maîtrise du stade de désherbage de la plante-appât. « Les programmes classiques de désherbage avec deux traitements en post levée du maïs gèrent bien la destruction du blé, à condition d'être vigilant sur le déclenchement. » Pour éviter toute concurrence avec le maïs, il faut viser un premier passage dès 3 feuilles du blé, stade auquel 0,3 l/ha de Nisshin ou 0,4 l/ha de Choriste suffisent.

« Indépendamment des plantes-appâts, de nombreux autres éléments liés à la conduite culturale jouent sur les attaques de corvidés, conclut Anaëlle Macquet. En particulier la profondeur de semis, mais aussi la structure du sol (rappuyé, soufflé…), la date de semis, la rotation, les résidus en surface et peut-être même le type de semoir… » Les corbeaux semblent notamment s’attaquer davantage aux zones écroutées par la houe rotative par exemple. Les essais vont se poursuivre cette année. 

Lire aussi : Quelles recommandations pour la lutte contre les corvidés en 2021

 

Côté éco

Semer du blé au fertiliseur à 40 kg/ha revient à 10 €/ha. Pour les semis en plein (100 kg/ha), le coût passe à 25 €/h auquel s’ajoute le coût d’un passage avec le distributeur à engrais. La destruction n’engendre pas de coût supplémentaire ou moins de 4 €/ha si traitement avec 0,3 l/ha de Nisshin.

Blé comptabilisé à 250 €/t (170 €/t + 80 €/t de tri)

Avis d'expert : Anne-Sophie Colart, ingénieur Arvalis

Anne-Sophie Colart, ingénieur Arvalis © A.-S. Colart
Anne-Sophie Colart, ingénieur Arvalis © A.-S. Colart

 

« D’importants dégâts sur les semis en 2020 »

« L’ampleur des dégâts constatés au niveau national en 2020 rappelle la situation subie en 2000, même si dans certaines régions, un tel niveau de dégâts n’avait jamais été observé précédemment. Plusieurs éléments expliquent la résurgence de ce problème. Premièrement, la protection des semences de maïs a quasiment disparu. En 2018, la quasi-totalité de la sole de maïs bénéficiait d’une protection. En 2019, le thiaclopride n’était plus disponible mais le thirame couvrait encore environ 75 % de la sole de maïs. L’année dernière, seul le produit Korit 420FS à base de zirame était disponible, mais il a été très peu employé avec seulement 2 à 4 % des surfaces concernées par cette solution. Deuxièmement, les semis ont globalement été réalisés dans des conditions sèches. Or, lorsque le lit de semences est sec et/ou motteux, l’accès aux graines et plantules est grandement facilité. Les années au cours desquelles les dégâts de corvidés ont été les plus importants se caractérisent par des conditions chaudes et sèches en avril. Cela dit, l’inverse n’est pas vrai. Toutes les années chaudes et sèches au cours de la période des semis ne sont pas concernées par d’importants dégâts de corvidés.

Autre hypothèse avancée : les conditions particulièrement douces en sortie en sortie d’hiver-début de printemps seraient propices à faire coïncider la période de sensibilité du maïs en début de cycle avec la période de forts besoins alimentaires des corvidés. Le climat du printemps influence en effet les périodes de couvaison, d’éclosion et donc les pics alimentaires des oiseaux qui doivent nourrir leurs petits. Enfin, la question de l’augmentation des populations se pose également, même si à l’échelle nationale, les suivis (vigienature.fr) ne mettent pas en évidence d’augmentation significative des populations de corvidés (corbeau freux, corneille noire et choucas) au cours des dernières années. »

 

 

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