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Le CTIFL évalue l'impact du retrait du glyphosate

Le CTIFL a dressé un état des lieux technico-économique pour apprécier les enjeux du retrait du glyphosate en France. Des méthodes alternatives existent mais impossible de prédire si une adoption généralisée ne sera pas sans risque pour les productions fruitières.

Le désherbage des cultures fruitières est une condition essentielle de leur compétitivité. Sans un contrôle efficace des adventices, celles-ci se développent au détriment de la croissance des arbres, avec une conséquence directe sur les rendements et leur régularité. Alors que le gouvernement a confirmé le plan de sortie du glyphosate d’ici fin 2020, les instituts techniques évaluent les conséquences de cette décision. En début d'année, l'Inrae a publié son rapport pour l'arboriculture. C'est au tour du CTIFL de présenter de présenter les premiers résultats d'une enquête réalisée à l'automne auprès des producteurs (arboriculture, petits fruits, raisin de table). L'objectif est de dresser un état des lieux détaillé des pratiques de désherbage actuelles pour chacune des filières de production fruitière. « Chez les professionnels enquêtés ayant recours au désherbage avec des produits phytosanitaires, le glyphosate est très fréquemment utilisé (98 %) en raison de son efficacité sur un large panel d’adventices et de sa souplesse d’utilisation, démontrent les résultats de l'enquête Cette substance active reste au cœur des stratégies herbicides appliquées en production fruitière ».

Déjà 20 % des exploitations intègrent déjà des méthodes alternatives dans leurs stratégies de désherbage

Cependant, les applications d’herbicides s’effectuent de façon ciblée sur le rang de plantation et uniquement sur 25 % à 50 % des surfaces cultivées. L’enquête CTIFL montre aussi que les vergers en Production Fruitière Intégrée (PFI) sont déjà largement engagés vers des pratiques de réduction de l’utilisation des herbicides. Ainsi, 20 % des exploitations intègrent déjà des méthodes alternatives dans leurs stratégies de désherbage, 18 % ont totalement exclu l’application d’herbicides. Cette intégration des pratiques alternatives de désherbage est toutefois très différenciée selon les espèces en raison d’impasses techniques liées à certaines productions. La tonte des lignes de plantation, et le désherbage par travail mécanique du sol sont les deux méthodes alternatives mises en œuvre sur le terrain. Même si le panel de méthodes alternatives décrites comme facilement transférables est large.

Selon l’étude, certaines méthodes alternatives trouvent difficilement leur place dans les pratiques actuelles car elles ne sont pas sans conséquence sur les performances de production. En effet, l’impact sur les systèmes racinaires des arbres du désherbage par travail du sol se traduit, a minima, par une perte de rendements transitoire de 10 % sur les trois années suivant l’adoption de cette pratique. A titre d’exemple, en intégrant une valorisation moyenne des productions, ces pertes peuvent être de 500 à plus de 3 500 euros selon les espèces fruitières. Ces méthodes alternatives entraînent également une augmentation des charges de production pouvant aller jusqu’à 470 euros/ha/an (voir encadré). « L’augmentation des charges de désherbage liée à l’adoption de ces pratiques, conjuguée aux pertes de rendement prévisibles, sera plus ou moins impactante selon le niveau des marges associées à chacune des espèces, et pour une même espèce, selon le niveau de valorisation des fruits par segments de commercialisation », assurent les analystes du CTIFL. « Ces méthodes ne seront pas techniquement applicables pour certaines filières, et pour les autres, pour certaines situations clairement identifiées », précisent-ils. Ceux-ci ont décliné trois niveaux d'impasses absolues pour lesquelles la transition n’est pas envisageable, des situations pour lesquelles une transition serait potentiellement envisageable à moyen terme, moyennant la mise en œuvre de mesures complémentaires et des situations pour lesquelles la transition est techniquement possible mais la mise en œuvre de mesures alternatives sera particulièrement délicate. Car deux points limitants sont mis en exergue : le parc matériel existant et les ressources en main-d’œuvre qualifiée. « Ils représentent des freins à une généralisation à court terme de ces méthodes lorsque leur intégration est techniquement et économiquement envisageable », précise le document. Le CTIFL prévient également que ces deux méthodes alternatives présentent un risque prévisible de favoriser l’installation et l’extension de foyers d’adventices et de nuisibles particulièrement indésirables dans les conditions particulières des cultures fruitières. Pour exemple, le travail du sol favorise la multiplication des adventices vivaces en venant morceler leurs organes de multiplication souterrains. La tonte des rangs de plantation, pratiquée avec les outils existants aujourd’hui, favorise les pullulations de campagnols, qui peuvent mettre en péril la viabilité des plantations.

Pas sans risque agronomique et économique

Ainsi, si des solutions techniques alternatives au désherbage chimique existent, elles ne sont pas encore adoptables par tous les arboriculteurs. Pour un certain nombre de situations et/ou d’espèces, les arboriculteurs sont sans solution technique pour envisager cette évolution de pratiques. « Il est donc important de retenir qu’il est encore à ce jour impossible de prédire que l’adoption généralisée des méthodes alternatives ne soit pas sans risque agronomique et économique pour l’avenir des productions fruitières en France », conclut l’enquête. Après plus d’une décennie et 56 expérimentations réalisées par le réseau national, la recherche de méthodes alternatives au désherbage chimique en cultures fruitières est aujourd’hui plus que jamais au cœur des travaux de recherche et d’expérimentation du CTIFL et des stations d’expérimentation. « Au vu des verrous technico-économiques à lever, il semble impossible de mettre au point et valider des solutions pour toutes les productions fruitières dans un délai extrêmement court », assure le centre technique.

La transition vers les méthodes alternatives a un coût

Les pertes de rendements transitoires de 10 % sur les 3 années suivant l'adoption du désherbage par travail du sol pourraient se situer dans une fourchette de :

1 840 €/ha (10 % de pertes) à 3 680 €/ha (20 % de pertes) pour la pomme

1 600 €/ha à 3 200 €/ha pour l’abricot

587 €/ha à 1 173 €/ha pour la noix

Le surcoût des méthodes alternatives peut être évalué à :

+62 €/ha/an à +206 €/ha/an pour la méthode de tonte des rangs de plantation

+193 €/ha/an à +470 €/ha/an pour la méthode de désherbage par travail mécanique du sol

(En se basant sur une pratique moyenne, qui ne permet pas de présager d’une qualité optimale de désherbage)

En pratique

L’enquête du CTIFL sur les pratiques de désherbage des cultures fruitières a été réalisée en ligne du 26 août au 9 octobre 2019. Elle concerne 959 exploitations qui totalisent 19 938 hectares en production fruitière, soit 12,1 % du verger France. L’enquête porte sur 27 des principales espèces fruitières produites en France métropolitaine. L’échantillon enquêté comprend 65 % de vergers en PFI, 25 % de vergers en Agriculture Biologique ou en conversion et 10 % de vergers mixtes (PFI et AB).

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