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Vers un traitement sélectif des génisses contre les strongles

La réduction de l’usage des antiparasitaires est nécessaire. Un traitement sélectif des génisses en première saison de pâturage pourrait permettre de réduire le risque d’apparition de résistance.

Une pression de sélection qui augmente depuis plusieurs années

° Les strongyloses gastro-intestinales sont une contrainte de l’élevage à l’herbe. Les œufs d’Ostertagia ostertagi, parasite de la caillette, sont évacués par les fèces et continuent leur cycle dans l’herbe avec trois stades larvaires successifs (stades libres), L1, L2 et L3, ce dernier pouvant à nouveau contaminer les animaux. L’immunité, qui reste incomplète, n’est acquise qu’au bout de 8 mois de contact. « Il n’y a que trois familles d’anthelminthiques, dont deux non rémanents, donc les ressources sont limitées », note Christophe Chartier, professeur à Oniris.

° Une enquête menée dans le Grand Ouest dans plus de 500 élevages laitiers (1) montre que 80 % des génisses en première saison d’herbe, 70 % des génisses en seconde saison d’herbe et 18 à 32 % des vaches adultes sont aujourd’hui traitées. « Le nombre de traitements est en augmentation, constate le vétérinaire. Le plus souvent, les éleveurs utilisent un anthelminthique rémanent de la famille des lactones macrocycliques, en 'pour on'. Et ils traitent les jeunes et les adultes. Cette évolution est sans doute liée à la facilité d’usage de ces anthelminthiques, à leur coût et à la volonté de sécuriser les productions. »

° Conséquence, le contact hôte-parasite est de plus en plus limité, ce qui retarde l’installation de l’immunité. « Plus on traite les génisses en première saison de pâturage, plus on est amené à traiter les génisses en seconde saison de pâturage, voire les animaux adultes, constate Christophe Chartier. Et plus l’immunité des vaches est faible, plus le niveau d’infestation et la réponse en lait sont fortes, ce qui incite à traiter. » Résultat : la pression de sélection sur les populations de strongles augmente car s’exerçant sur toutes les classes d’âge, ce qui favorise l’apparition de parasites résistants aux anthelminthiques. Une enquête récente montre ainsi qu’en France, 1 élevage sur 8 présente une résistance à l’ivermectine et 3 élevages sur 8 une résistance à la moxidectine. « Une solution pour limiter le risque d’apparition de résistance est de garder des populations refuges de parasites non traités pour « diluer » les vers résistants et ainsi baisser la pression de sélection. Cela implique donc de réduire l’usage des anthelminthiques en allant vers un usage raisonné de ces traitements. »

(1) Seigneurin 2016.

Cibler les périodes et les animaux à risque

° L’usage raisonné des anthelminthiques implique à la fois de cibler les interventions sur les « périodes à risque », en laissant si possible une population refuge (stades libres sur les parcelles) importante, et sur les « individus à risque », c’est-à-dire les animaux les plus parasités ou « souffrant » le plus du parasitisme. Cela permet de ménager une population refuge de vers sensibles chez les animaux non traités. Une thèse (2) a été engagée pour déterminer le meilleur moment pour traiter et les animaux à traiter.

° « Il faut des indicateurs validés, souligne Christophe Chartier. L’apparition de diarrhée est trop tardive pour réagir. Les analyses parasitologiques sont coûteuses et pas toujours fiables. La croissance semble par contre un indicateur intéressant, car la relation négative croissance-parasitisme est nette si l’exposition est forte, alors que cette relation n’existe pas si l’exposition est faible. Le lien croissance-parasitisme dépend donc du lot de génisses. Il implique d’évaluer d’abord le niveau d’exposition du lot qui est lié au nombre de générations larvaires sur le pré. » L’appréciation du niveau d’exposition peut se faire d’après quelques indicateurs simples : la date de sortie (avant ou après juin), le niveau de supplémentation (des animaux supplémentés vont manger moins d’herbe, ce qui limite le risque d’infestation), la durée de pâturage (plus ou moins de 6,5 mois). Plus finement, on peut prendre en compte les parcelles et les rotations ainsi que la météo dans un modèle de calcul de risque (modèle Parasit’Sim).

(2) Aurélie Merlin, chaire AEI.

Définir un GMQ seuil en dessous duquel on va traiter les animaux.

« Si le niveau d’exposition est élevé, il y a intérêt à mesurer la croissance. S’il est faible, il n’y a pas nécessité de traiter. » La méthode peut consister à peser les génisses en sortie de bâtiment puis à nouveau 2 à 4 mois après la sortie si l’on a décidé de traiter à mi-saison. On calcule ainsi le GMQ de chaque génisse. Puis on définit un GMQ seuil en dessous duquel on va traiter les animaux. « Ce GMQ seuil et donc le pourcentage d’animaux à traiter, par exemple 50 % ou 40 %, dépendent de l’éleveur et de la situation. Le pourcentage d’animaux à laisser non traités pour limiter le développement de résistance n’est pas connu. Intuitivement, l’éleveur peut cibler les génisses qui ont besoin d’être traitées car présentant un GMQ non satisfaisant. Moins on traite d’animaux, mieux cela vaut dans l’objectif de limiter le risque de résistance dans le troupeau. Mais on prend alors plus de risques pour ce lot. »

Cette méthode de traitement sélectif pourrait permettre de réduire l’usage des anthelminthiques sans conséquences négatives majeures pour le troupeau. Et d’autres approches de contrôle intégré sont possibles. La gestion de la date de sortie (après mai), une sortie sur des parcelles saines, la fauche des parcelles avant le pâturage, la supplémentation permettent de limiter le risque d’infestation. Et dans l’avenir, d’autres pistes pourront être développées comme les fourrages bioactifs tels que le sainfoin (tanins condensés), les champignons prédateurs de nématodes et à plus long terme les vaccins.

Une méthode de traitement sélectif validée en élevages

Un traitement anthelminthique sélectif de mi-saison avec un seuil de GMQ flexible (adapté selon le lot) a été testé sur 23 groupes de génisses de première saison de pâturage très variés (races, élevage en bio…) (1). Le traitement a été réalisé 2 à 4 mois après la sortie. La moitié de chaque lot a été traitée collectivement, l’autre moitié de façon sélective (animaux ayant un GMQ plus faible que la moyenne). Dans le traitement sélectif, 51 % des animaux en moyenne ont été traités, avec un GMQ seuil moyen de 618 g/j (338 à 941 g/j). Il n’y a pas eu de différences entre les lots collectifs et sélectifs pour le GMQ post-traitement et les paramètres parasitologiques en fin de saison de pâturage. L’utilisation a posteriori du modèle Parasit’Sim a montré que dans 55 % des cas, le risque était avéré au moment du traitement ou avait été évité par le traitement. Pour 25 % des lots, le risque avait été postérieur au traitement. Pour 20 % des lots, il n’y avait pas eu de risque sur la saison.

(1) Merlin et al. 2016.

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