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Une unité à la ferme pour méthaniser le lisier

Le Gaec des Buissons, dans le Maine-et-Loire, fait partie des unités pilotes de petite méthanisation suivies par l’Ademe. Le fonctionnement et les résultats économiques sont globalement conformes aux attentes.

Lorsque sa coopérative lui a soumis l’idée d’un projet de méthanisation à la ferme, Anthony Ménard, un des cinq associés du Gaec des Buissons, dans le Maine-et-Loire, a posé un cahier des charges très clair : que cette nouvelle activité ne soit pas « chronophage » et qu’elle présente un « intérêt économique ». L’unité de méthanisation, en voie liquide, traite uniquement les effluents issus de la stabulation des vaches laitières (110 vaches et génisses). Les autres ateliers (génisses, jeunes bovins, et volailles) situés sur des sites différents et pourvoyeurs d’effluents solides en sont exclus. L’appel à projets de l’Ademe pour étudier des technologies innovantes de petite méthanisation, assorti d’aides financières importantes et d’un suivi de 12 mois (voir page XXXXX), a donné le coup de pouce pour se lancer. « Nous voulions bien être les premiers mais à condition d’avoir des garde-fous pour baliser le projet », affirme Anthony Ménard. Par ce projet pilote, la coopérative Terrena cherchait aussi à élaborer un modèle d’unité de petite méthanisation à proposer aux exploitations laitières d’une centaine de vaches ou plus.

La paille remplacée par des matelas et de la menue paille

L’unité de méthanisation est en service depuis février 2014. D’une puissance électrique de 65 kWe, elle est constituée d’un digesteur tour isolé, dans lequel se produit 80 % de la production de biogaz (12 jours de fermentation), et d’un post-digesteur en béton (37 jours). Le digestat est stocké dans une fosse géomembrane de 3 000 m3. Le constructeur néerlandais, Host, avait déjà deux unités en fonctionnement dans son pays. La mise aux normes de la stabulation avait été faite en 2009. Mais, les effluents étaient trop pailleux - 5 kilos de paille par logette et par jour - pour être traités par cette technologie qui supporte au maximum 12 % de matière sèche. Les logettes en béton ont été équipées de matelas et sont désormais recouvertes d’un kilo de menue paille, récoltée sur l’exploitation (50 à 70 tonnes). Une pré-fosse ouverte de 50 m3, avec un fond en pente, a été creusée à la sortie de la stabulation. Les refus des animaux et déchets de silos, ou encore des déchets de pommes fournis gratuitement, mais sans contrat, par une entreprise voisine, y sont directement incorporés au godet. La menue paille et les pommes, bien qu’elles ne représentent que de petites quantités, améliorent sensiblement le pouvoir méthanogène du substrat. Mais, gare au risque d’acidose avec les pommes.

Quelques difficultés pour homogénéiser le substrat

« Bien balisé » et construit sur un « prévisionnel très dur », le projet n’a pas réservé de mauvaise surprise. Seulement quelques problèmes mécaniques, mais qui ont été vite résolus par le constructeur. La pompe prévue initialement pour mélanger la matière a été remplacée et un malaxeur rajouté car la menue paille restait en surface. « En passant d’un système fumier à du lisier, on ne savait pas comment se ferait le mélange. La pré-fosse, qui a nécessité des ajustements afin de pouvoir incorporer plus de matière sèche, a été le point central pour le fonctionnement du système », indique Anthony Ménard. Les effluents se sont également révélés plus liquides que prévu : « on avait sous-estimé la quantité d’eau provenant des robots ». Si le pouvoir méthanogène s’en est trouvé affecté, la résolution des problèmes d’homogénéisation et l’incorporation de déchets de pommes ont permis de le remonter. « Les performances biologiques et technologiques de cette installation sont tout à fait satisfaisantes sur la première année de fonctionnement », conclut l’Ademe à l’issue de son suivi. Finalement, la principale difficulté, comme dans tous les projets de méthanisation, est liée à l’absence de visibilité dans les délais de raccordement au réseau électrique et d’obtention du contrat, alors qu’avec un transformateur 20 000 volts à 100 mètres du site, les conditions semblaient idéales.

Une technologie automatisée très peu chronophage

Si les résultats de production de biogaz et d’électricité sont au rendez-vous, l’éleveur estime que la transformation des effluents en digestat lui a permis aussi d’économiser 20 à 25 % d’engrais chimiques. Il remplace notamment le premier apport d’azote sur céréales. En revanche, seulement la moitié de la chaleur disponible est valorisée, pour fournir l’eau chaude sanitaire de l’élevage et chauffer des logements d’habitation. Quant au temps de travail, le contrat est parfaitement rempli. « Hormis l’ajout d’un godet dans la pré-fosse, je passe 15 minutes par jour pour la surveillance de l’unité, une heure par semaine pour un tour plus global et, de temps en temps, deux heures pour l’entretien », détaille Anthony Ménard. Soit en moyenne 19 heures par mois. Le fort degré d’automatisation de l’unité limite considérablement le temps nécessaire à son pilotage. Au-delà de la rentabilité, le secrétaire général des Jeunes agriculteurs du Maine-et-Loire y trouve un intérêt non quantifiable : « pouvoir dire que nous réduisons par deux les émissions de gaz à effet de serre de notre production laitière et que nous participons à l’effort écologique me plaît beaucoup. Ce modèle d’économie circulaire avec une ferme qui produit des céréales et du lait et une production bovine qui fertilise les terres et produit de l’électricité, c’est celui que j’ai envie de voir émerger pour l’agriculture française de demain. »

Des résultats conformes au prévisionnel

La mise en place de la méthanisation a coûté 603 000 euros, dont 576 000 euros pour l’unité (8 900 €/kWe). Le reste concerne les matelas à logettes et la reprise de la menue paille. Cet investissement a été financé à hauteur de 38 % par une subvention de l’Ademe et par deux emprunts (7 et 13 ans). Terrena a apporté également une garantie par le biais de ses contrats Sentinelles de la terre, qui promeuvent les solutions innovantes en faveur d’une agriculture écologiquement intensive. Pendant deux ans, la coopérative garantit la production d’électricité à hauteur de 80 % du prévisionnel. Au-delà de 120 %, le surplus lui revient. L’Ademe a calculé la rentabilité de l’unité en considérant les trois derniers mois de suivi en régime quasiment stabilisé. La production électrique est de 18 % supérieure au prévisionnel, grâce notamment à l’apport de déchets de pommes. Ramenée à une année entière, elle s’élève à 400 MWh. « Après correction des dernières difficultés techniques », estime l’agence, elle pourrait atteindre 500 MWh. Les charges (35 000 euros), notamment la maintenance de la cogénération (45 % des charges), se sont avérées supérieures de 18 %. Il en résulte un excédent brut d’exploitation (EBE) de 39 000 euros, conforme au prévisionnel et couvrant largement l’annuité de 28 000 euros. Avec le nouveau tarif d’achat de l’électricité, l’EBE augmentera (sur ces mêmes bases) de 18 000 euros par an. Le taux de retour sur investissement (hors frais financiers) est estimé à 9 ans. « D’un point de vue économique, il est nécessaire de respecter une taille critique d’élevage qui ne saurait être inférieure à 110 vaches laitières, la configuration optimale pour un 65 kWe se situant autour de 150 vaches », conclut l’Ademe à propos de la technologie mise en œuvre au Gaec des Buissons.

Chiffres clés

294 hectares

5 700 tonnes de substrats (3 800 tonnes prévues initialement)

135 m3 pour le digesteur et 500 m3 pour le post-digesteur

400 MWh d’électricité par an

175 euros/MWh. 220 euros depuis le 1er janvier 2016

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