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JOURNÉE « MARCHÉS MONDIAUX DU LAIT »
Une demande mondiale toujours dynamique, mais…

La production mondiale poursuit sa croissance, stimulée par des prix du lait élevés partout dans le monde. La demande, toujours en croissance, absorbera-t-elle tous ces volumes ? La crainte d’un retournement de conjoncture est là.

DES PAYS ONT ACCRU LEUR DÉFICIT EN PRODUITS LAITIERS, comme
la Chine, l’Inde, le Brésil. D’autres ont accru leurs excédents,
comme la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, l’UE et les USA.
DES PAYS ONT ACCRU LEUR DÉFICIT EN PRODUITS LAITIERS, comme
la Chine, l’Inde, le Brésil. D’autres ont accru leurs excédents,
comme la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, l’UE et les USA.
© I. Pailler

«Depuis 2006, la volatilité des prix des produits laitiers est une réalité à laquelle il faut faire face », attaque d’emblée Philippe Chotteau, chef du département économie de l’Institut de l’élevage, pour planter la toile de fond des interventions de la journée organisée le 12 avril par l’Institut, sur les marchés mondiaux du lait.

Après avoir vécu une crise de la demande en 2008-2009, les marchés laitiers mondiaux se sont redressés et ont profité d’un bel anticyclone sur 2011, portés par une demande en forte croissance. « L’excellente conjoncture et des conditions climatiques favorables ont stimulé la production dans la plupart des grands bassins laitiers », résume l’Institut de l’élevage.

La production laitière mondiale est estimée à 737 millions de tonnes toutes espèces confondues (83 % de lait de vache) en 2011, soit une hausse de 2% (+16 millions de tonnes) par rapport à l’année passée, qui était déjà une année de forte hausse (+2,7 %, +19 millions de tonnes). Mais la demande a été plus forte que la production en 2011. Ainsi, malgré une baisse amorcée en 2011, « les cotations des poudres et du beurre étaient encore à des niveaux élevés au début de l’année 2012. Celles des fromages d’exportation restent soutenues. Et les fondamentaux restent bons; la demande devrait continuer à croître et les stocks sont très faibles. Il y a donc de bonnes raisons d’être optimistes », rappelle Gérard You, de l’Institut de l’élevage.

La production dépassera-t-elle les besoins ?

Les cours des produits industriels devraient toutefois continuer à baisser ce printemps, avec le pic de production en Europe. Mais les opérateurs s’attendent à un rebond cet été, si la demande reste aussi dynamique et que les prix des autres matières premières restent élevés. La crainte d’un retournement de marché existe pourtant. La production mondiale continue d’augmenter en ce début d’année. « Les États-Unis sont particulièrement dynamiques (+4 %), la Nouvelle- Zélande et l’Argentine devraient continuer à croître, l’Union européenne fait +3%…», énumère Gérard You. Côté demande, la crise économique dans les pays développés et la croissance ralentie dans les pays émergents font planer un doute, même si pour l’heure, on ne voit pas d’effet de la crise sur la dynamique de la consommation. La croissance de la demande est prévue à +2,8 %. « Donc si la production mondiale croît de 3 % sur 2012, le risque d’un dépassement de la demande solvable est possible », indique Gérard You.

La carte laitière mondiale bouge. Des pays ont accru leur déficit en produits laitiers, comme la Chine, l’Inde, le Brésil. La Russie peine à faire repartir sa production laitière. Elle est donc toujours dépendante d’importations. « C’est un marché difficile. Les Allemands, qui y exportent beaucoup de fromages, préfèrent miser leurs nouveaux investissements dans les poudres, vers l’Asie et le Moyen Orient », souligne Benoît Rouyer, responsable du service économie du Cniel.

D’autres pays ont accru leurs excédents, comme la Nouvelle-Zélande, l’Argentine, l’UE et les USA. Les échanges internationaux ont donc augmenté, même s’ils ne représentent que 7 % de la production laitière mondiale.

L’Océanie est bien placée pour le marché asiatique

L’Asie est le moteur du dynamisme laitier mondial, tant au niveau de la production (+10 millions de tonnes) que de la consommation. L’Inde est le premier pays producteur mondial avec 121 millions de tonnes. La Chine est devenue le premier importateur mondial. La production asiatique ne suit pas la demande très dynamique en produits laitiers. « L’Asie importe de plus en plus de produits laitiers. Ce continent accapare désormais près de la moitié des échanges internationaux de produits laitiers », pointe l’Institut de l’élevage.

« Depuis deux ans, l’Inde est importatrice nette. Cette situation devrait durer, avec la hausse de la démographie », souligne Jean-Marc Chaumet, de l’Institut de l’élevage. Les volumes importés sont néanmoins encore peu importants.

La Chine a fortement accru ses importations. « Elle devrait importer davantage de produits laitiers en 2012, en premier lieu en provenance de Nouvelle- Zélande », pointe Jean-Marc Chaumet, de l’Institut de l’élevage. La Chine cherche aussi à produire dans d’autres pays (Nouvelle-Zélande, Europe), le lait et les produits laitiers nécessaires à son marché intérieur.

En Océanie, la hausse de 2 millions de tonnes de la collecte a été en totalité écoulée sur le marché mondial. « L’Océanie ne répondra pas à toute la demande asiatique », assure Baptiste Lelyon, de l’Institut de l’élevage. La production australienne est très sensible au climat. La Nouvelle-Zélande devrait atteindre les limites de la croissance de sa production, avec l’apparition de problèmes environnementaux. Mais aussi des coûts de production qui augmentent avec l’utilisation de concentrés et de fertilisants minéraux. Et le foncier, moins disponible et plus coûteux. « Toutefois la filière est motivée, et Fonterra noue des partenariats à l’étranger, développe des fermes en Chine… »

Aux États-Unis, la production est repartie depuis 2010. Le pays a ainsi pu répondre à sa demande intérieure en progression, et a développé ses exportations.

L’Argentine revient sur la scène internationale, grâce à une forte une hausse de la production. «Mais le pays va-t-il investir durablement dans le lait, la main-d’oeuvre (pas formée), la recherche et le développement ? », s’interroge Gérard You.

Enfin, l’Union européenne reste un poids lourd. La production a repris sa progression depuis 2010, sauf dans quelques pays. C’est le deuxième exportateur mondial en volume, mais le premier en valeur. Le premier exportateur de fromages et de lactosérum. « Il y a des opportunités pour l’UE et les USA sur les marchés mondiaux. La question est de savoir comment on gère la volatilité », concluent les économistes de l’Institut de l’élevage.

La carte des leaders change de visage

« Le classement des 40 premiers groupes laitiers mondiaux (selon leur chiffre d’affaires) a bien changé en 15 ans. En 1996, il y avait quatorze pays représentés, dont trois hors Europe (USA, Japon, Nouvelle-Zélande).

Depuis, on y trouve des entreprises d’origines géographiques plus diverses, avec des groupes chinois, canadiens, un mexicain. La demande croissante en Inde et en Chine a permis l’émergence de géants laitiers. Au Canada, les coopératives Agropur et Saputo ont multiplié par trois ou quatre leur chiffre d’affaires en dix ans, en s’implantant aux USA », dépeint Benoît Rouyer, responsable du service économie du Cniel.

« Il y a eu beaucoup de restructurations et de concentrations en Europe. Les actifs de 27 leaders européens en 1996, sont désormais intégrés dans quinze entreprises. »

En Europe, on assiste à un regain d’intérêt pour les produits industriels destinés à l’exportation. « Des investissements importants, industriels et commerciaux, sont en projet ou réalisés, dans des coopératives d’Allemagne, Pays- Bas, Danemark, Irlande. On observe un poids grandissant des partenariats de toutes sortes dans les coopératives du nord de l’Europe. Par exemple, Arla Foods a six partenaires (Fonterra, DNK, en Argentine, au Royaume- Uni, en Chine). Mais ces coopératives investissent aussi directement à l’étranger, comme FrieslandCampina en Serbie et aux Philippines. Elles ont toujours été tournées vers l’international, avec des produits transnationaux. En France, plus centrée sur des produits nationaux, très peu de projets ont été officialisés ; celui d’Ingredia (tour de séchage) et celui de la Sill (fabrication de poudre infantile) », détaille Benoît Rouyer.

« Il ne faut pas tomber dans l’euphorie des marchés de commodité pour l’Asie. L’Océanie est très bien placée. Il y a de la place pour l’UE, et pour la France, sur des marchés plus spécifiques, pour des produits à plus forte valeur ajoutée », estime Gérard You.

Des entreprises de pays émergents investissent aussi à l’étranger. Par exemple, Bright dairy (Chine) a pris une participation majoritaire dans une entreprise néo-zélandaise. Les Chinois investissent aussi en Europe, comme Ausnutria qui a pris le contrôle d’une entreprise néerlandaise.

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