Agriculture : la transmission est un défi de taille pour les territoires
L'attractivité des métiers et l'accompagnement des cédants sont deux grands axes d'actions des OPA, laiteries, collectivités... pour faciliter l'installation.
L'attractivité des métiers et l'accompagnement des cédants sont deux grands axes d'actions des OPA, laiteries, collectivités... pour faciliter l'installation.
"Dans les cinq ans à venir, un éleveur sur deux partira en retraite. Si on n'arrive pas à installer davantage de porteurs de projets, le taux de renouvellement sera très bas : une installation pour quatre voire cinq cessations", expose José Jaglin, de Jeunes agriculteurs. Avec environ 1600 installations en lait en 2018, le taux de renouvellement est insuffisant. "Il faudrait chaque année plus que doubler le nombre d'emplois nouveaux — nouveaux installés mais aussi salariés — pour remplacer l'ensemble des départs à la retraite", mentionne un rapport de la CNE (Confédération nationale de l'élevage). "Avec le flux actuel, on sera au mieux à 30 000 exploitations laitières en 2035", prédit Christophe Perrot, de l'Institut de l'élevage.
"La conséquence sera des agrandissements conséquents et une baisse de la production laitière française car une partie du lait ne sera plus produit. La France s'expose à deux risques : une perte de vitalité économique et sociale des territoires, et des fermes dont les capitaux, aujourd'hui majoritairement détenus par les éleveurs, passent petit à petit dans les mains d'investisseurs. L'enjeu est celui du modèle d'élevage que les citoyens, consommateurs et élus souhaitent favoriser à l'avenir", décrit José Jaglin.
Améliorer l'attractivité du métier
Pour installer davantage, "il faut plus de candidats et notamment des hors cadre familiaux et des hors milieu agricole. Pour attirer, il faut améliorer l'attractivité du métier, donc la rentabilité de l'élevage et l'image du métier", estime Loïc Quellec, vice-président de JA. À entendre les témoignages de jeunes "hors cadre", une des difficultés majeures qu'ils ont rencontrée est le manque d'accueil et de soutien qu'ils ont reçu de la part des autres agriculteurs, ou des organismes para agricoles.
Les candidats veulent du temps libre
Pour attirer un candidat, encore faut-il connaître ses attentes. "Aujourd'hui, les profils sont plus variés : ils sont plus ou moins jeunes, certains ont vécu une autre expérience professionnelle auparavant, dans le milieu agricole ou pas. Ce sont des passionnés, mais ils ont une attente forte en terme de temps libre. Les projets sont plus variés. Et même si les candidats sont mieux formés, certains peuvent avoir des projets mal ficelés. L'accompagnement du business plan est donc important", énumère un président de section jeune d'une coopérative laitière.
"Il y a davantage de demandes pour des installations sur de petites structures. Or l'offre se compose essentiellement de grosses structures avec de lourds capitaux, pointe Loïc Quellec. Il faut donc accompagner les cédants et les porteurs de projets pour parfois diviser l'exploitation, la spécialiser..."
En Bretagne et dans le Grand Est, les chambres remarquent qu'il y a toujours beaucoup de postulants en individuel. "Donc un des enjeux est de "vendre" l'installation en société, et de préparer les associés à attirer et à faire une place au jeune."
Inciter les cédants à transmettre
"L'accompagnement à l'installation s'est plutôt bien amélioré. Il y a des points accueil installation dans tous les départements, des chartes à l'installation un peu partout. Par contre, les points accueil transmission ne sont pas présents dans tous les départements, et sont parfois inconnus des éleveurs. L'appui à la transmission est dispersé entre plusieurs OPA qui ne communiquent pas. Certains cédants peuvent penser que leur ferme n'est pas transmissible, alors qu'il existe des solutions pour la rendre transmissible. D'autres ne veulent pas s'embêter à préparer une transmission, quand il est si facile et lucratif de vendre à l'agrandissement", pointe José Jaglin. Le répertoire départ installation (RDI) illustre cette problématique ; sur cette plateforme de rencontre, il y a plus de gens qui cherchent des exploitations à reprendre que de cédants.
L'enjeu est déjà de repérer les cédants cinq ans avant leur cessation. Les intervenants sur les élevages (contrôle laitier, technicien de laiterie, centre de gestion...) sont bien placés pour le faire. Puis, il faut pouvoir les accompagner efficacement dans un parcours à la transmission adapté à chaque cas. "Une transmission se prépare cinq ans avant la cessation pour que le cédant puisse rendre son outil transmissible et qu'il s'assure que l'opération soit aussi valable pour lui", rappelle Xavier Bailly, JA Grand Est. Enfin, JA défend la création d'outils fiscaux ou financiers incitatifs pour éveiller l'intérêt des cédants.
Chiffres clés
Les laiteries favorisent l'installation
Qu'elles soient coopérative ou transformateur privé, les laiteries ont des plans jeunes. Elles accordent des références laitières supplémentaires au nouvel installé. Plusieurs laiteries pratiquent un prix du lait spécifique ou une marge laitière sécurisée, du cautionnement, une aide financière, de l'avance de trésorerie sans intérêt pour l'acquisition de cheptel, de l'appui technique gratuit, des aides à la formation... Les coopératives proposent souvent au nouvel installé d'acquérir ses parts sociales de façon progressive. Et les cédants peuvent conserver les leurs comme un placement.
Certaines laiteries font du repérage des cédants et organisent pour eux une réunion d'information avec la chambre d'agriculture sur les solutions pour transmettre.
Devenir éleveur.euse : attirer et informer
www.devenir-eleveur.com est une plateforme web créée par la CNE pour découvrir les métiers de l'élevage, la diversité des systèmes actuels, et préparer son installation à l'aide d'une banque de documentations. Depuis le lancement du site en février 2017, sept éleveurs correspondants parlent de leur métier, près de 40 000 utilisateurs consultent le site, 164 documents sont hébergés.