Un bain de sang
« Dire qu’elle était très bien, ce serait pousser le bouchon un peu loin mais dire qu’elle était bien mal, ce n’était pas vrai non plus. Elle aurait dû être en meilleur état pour une vache à six mois de lactation surtout au regard de sa production qui avait gentiment diminué mais très progressivement depuis trois mois. C’est ce genre de chose qu’on se dit après coup, une fois qu’on sait qu’elle est morte brutalement, sans prévenir et en crachant du sang. Quand on se doute que ça va mal tourner, ça ne fait pas le même effet… Avoue qu’il y a un côté choquant. »
Ça part de loin !
On est bien d’accord ! L’histoire démarre en effet il y a plusieurs mois et sans doute quelque temps avant que la production fléchisse anormalement. Comme pas mal de vaches, elle a pu avoir un épisode d’inflammation digestive peut-être même une petite blessure dans le rumen, enfin… un truc sans grande importance mais qui tombe sur une vache fatiguée. Et voilà des bactéries emportées dans la circulation sanguine digestive. Elles s’arrêtent à la station suivante, c’est-à-dire dans les très fins vaisseaux du foie et y créent quelques foyers de suppuration. Pas de quoi inquiéter la vache qui ne manifeste rien du tout. Et ces petits foyers deviennent plus importants et comme ils jouxtent les vaisseaux sanguins par lesquels ils sont arrivés, des bactéries repartent dans la circulation du foie qui se collecte dans une grosse veine sur la paroi de laquelle elles élisent domicile. Mais là, l’inflammation locale est responsable du dépôt progressif d’une gomme purulente qui peu à peu obstrue la veine et qui gêne pas mal le passage du sang et en amont le fonctionnement du foie. Évidemment des fragments de cette gomme purulente se détachent et vont s’arrêter en aval dans les petits vaisseaux pulmonaires. Et là devinez… Ils sont à l’origine d’abcès qui peuvent être très nombreux et qui jouxtent les vaisseaux sanguins, y compris des artères sous pression. La paroi d’une artère rongée par l’abcès… et l’hémorragie massive.