Antibiotiques
UN ACCORD DE FILIÈRE POUR GÉRER LES CITERNES « POSITIVES »
Un accord interprofessionnel a été signé pour la gestion des citernes
positives aux antibiotiques. Il prévoit la création d’un fonds interprofessionnel
pour l’indemnisation des laiteries concernées.
Même si le nombre de citernes contenant des résidus d’antibiotiques est très faible — l’interprofession laitière l’évalue à 0,04 % — la prise en charge de ces citernes était parfois source de tensions entre producteurs et transformateurs. « L’accord interprofessionnel récemment signé devrait permettre d’y remédier, tout en montrant les garanties apportées par la filière dans la gestion de ce risque de résidus d’antibiotiques, toujours très sensible dans l’opinion publique, explique Anne Richard, directrice de l’organisation économie et qualité au Cniel. Pour pouvoir être appliqué, cet accord doit encore être homologué par les Pouvoirs publics. Il n’entrera donc pas en vigueur avant le 1er janvier 2008. »
JANVIER 2008 AU PLUS TÔT
En termes de contenu, le protocole signé comprend deux grands volets. Le premier permet de garantir une procédure identique dans toute la France pour la prise en charge et la destruction du lait des citernes détectées positives aux antibiotiques, et le second concerne la prise en charge financière des coûts liés à la gestion de ces citernes. Pour Patrick Wecxsteen, directeur amont adjoint du groupe Entremont Alliance, « cet accord en projet depuis plusieurs années va dans le bon sens. Les citernes positives aux antibiotiques ne constituaient pas un problème de santé publique car le lait en question était éliminé par les industriels et n’entrait pas en fabrication. Mais, avant la mise en place de l’accord, c’était l’entreprise ou l’assurance du producteur à l’origine de la contamination, lorsqu’il en avait une, qui prenait en charge le coût. Le protocole signé a le mérite de préciser les responsabilités et de limiter l’impact financier subi par les laiteries ». Satisfaction également du côté des producteurs. « L’accord s’inscrit dans la droite ligne du paquet hygiène selon lequel chaque maillon de la filière est responsable de la qualité du produit qu’il livre au maillon suivant, souligne ainsi Jean Turmel, président de la section laitière de la FRSEA Basse-Normandie. De plus, il permet aux éleveurs de bénéficier, via la création du fonds interprofessionnel, d’un système de prise en charge collective pour couvrir ce risque de dégradation de citerne, ce qui était une priorité. » Le coût lié à la prise en charge de ces citernes positives aux antibiotiques, estimé entre 6 000 et 8 000 € selon leur contenance, est en effet considérable. « Il semblait plus rationnel et profitable de prendre en charge ce risque collectivement plutôt que d’entrer dans un système d’assurance individuelle, plus aléatoire car tous les producteurs n’auraient pas forcément été assurés et dont le coût global aurait sans doute été plus élevé. »
PAS DE COTISATION SUPPLÉMENTAIRE
« Cependant, rappelle la FNPL, tant que l’accord n’est pas entré en vigueur, les producteurs qui ont une assurance individuelle pour couvrir ce risque ont intérêt à la conserver. » « Attention, le producteur reste responsable de ce qu’il livre, souligne de son côté Anne Richard. Chaque producteur dont le lait sera détecté positif aux antibiotiques suite à la positivité d’une citerne sera pénalisé. De la même façon qu’il est pénalisé si son lait est détecté positif lors des analyses mensuelles aléatoires réalisées pour le paiement à la qualité. » En pratique, la pénalité prévue dans le cadre de l’accord porte sur le litrage livré le jour de la positivité de la citerne et correspond à 125 % minimum du prix de base mensuel. S’y ajoute une franchise de 250 €, doublée dans l’année en cas de récidive. Enfin, le producteur incriminé doit assurer le coût de l’élimination du lait de la citerne positive par épandage, en respectant bien sûr la réglementation en vigueur. Un guide pratique a d’ailleurs été récemment réalisé à ce sujet par le Cniel et l’Institut de l’élevage. «Si l’éleveur est trop loin de la laiterie ou ne peut assurer lui-même l’élimination du lait, la laiterie peut prendre le relais en lui facturant les coûts correspondants, estimés entre 8 € et 9 €/1 000 l. »
PRODUCTEUR RESPONSABLE
Ainsi, un éleveur qui livre 1 500 litres de lait contenant des résidus d’antibiotiques responsables de la positivité d’une citerne de 15 000 litres, supportera un coût voisin de 1000 € (pénalité : 1 500 x 0,32€ x 125 % + 250 € de franchise + 130 € de coût d’épandage). La valeur du lait contenu dans la citerne payé aux producteurs de la tournée, additionnée du coût de collecte et du coût de réacheminement du lait contenant des résidus jusqu’à son lieu d’élimination, sera remboursée à la laiterie. Toutefois, une participation aux frais de gestion de 250 € restera à la charge du transformateur pour chaque citerne dont il demande la prise en charge par le fonds interprofessionnel. Et pour pouvoir bénéficier de cette indemnisation, les laiteries s’engagent à respecter une procédure bien définie, notamment en termes d’analyses. Chaque citerne doit ainsi faire l’objet avant dépotage d’un test rapide de recherche de résidus d’antibiotiques. En cas de résultat positif, la laiterie fait parvenir au laboratoire interprofessionnel un échantillon de la citerne et de chacun des producteurs de la tournée. Si la citerne est confirmée positive et qu’au moins un lait des producteurs est détecté positif, la laiterie est indemnisée.
UNE PROCÉDURE D’ANALYSES BIEN DÉFINIE
Le fonds interprofessionnel dédié à cette indemnisation sera alimenté par une partie des Cotisations volontaires obligatoires versées au Cniel par les laiteries et les producteurs. « Aucune cotisation supplémentaire n’est créée, ce qui est une bonne chose », souligne Jean Turmel. L’accord intervient dans un contexte où le problème des résidus d’antibiotiques dans le lait est plutôt en diminution. « Au niveau de la collecte bretonne du groupe Entremont Alliance, le nombre de citernes positives aux antibiotiques sur les neuf premiers mois de l’année 2007 est en baisse de 40 % par rapport à la même période de 2006, relate ainsi Patrick Wecxsteen. Un résultat sans doute à mettre en parallèle avec l’augmentation observée depuis quelques années déjà des demandes de recherche de résidus d’antibiotiques faites par les producteurs à titre préventif. La majorité des tests réalisés se révèlent en effet négatifs. » Mais pour l’industriel, « les efforts ne doivent surtout pas être relâchés. Les traitements antibiotiques demeureront incontournables en élevage, avec un risque inhérent de retrouver des résidus. D’autant que les troupeaux s’agrandissent et que l’on observe souvent dans ces élevages de taille importante davantage d’accidents d’inhibiteurs, en raison notamment du nombre plus important de personnes pouvant être amenées à faire la traite. Le contexte actuel doit aussi inciter à la plus grande vigilance. Les éleveurs sont en effet invités à produire plus de lait mais ils vont pour cela garder le maximum de vaches, y compris un certain nombre d’animaux qu’ils auraient autrement réformés, avec à la clé une augmentation probable des traitements, donc du risque potentiel de résidus. » ■
Les cinq règles d’or pour limiter le risque « inhibiteurs »
Si la majorité des contaminations du lait par les résidus d’antibiotiques sont liées aux traitements intramammaires, toute utilisation d’antibiotique, y compris sous forme d’une pommade ophtalmique, peut être à l’origine de résidus. Quelques règles permettent cependant de limiter les risques :
1 / Avoir en tête et respecter les protocoles d’utilisation des médicaments mentionnés sur la prescription de votre vétérinaire : doses, durée de traitement, délais d’attente et voie d’administration. Un produit conçu pour une utilisation intramusculaire ne doit pas être administré en intramammaire. Certaines pratiques comme l’utilisation en lactation d’une spécialité prévue au tarissement sont également à proscrire.
2 / Bien identifier les animaux traités, de préférence juste avant de procéder au traitement de façon à être sûr de ne pas oublier. Bracelets « velcro » de couleur aux pattes, crayons marqueurs, bombes de couleur sur la mamelle ou le corps de la vache : les moyens ne manquent pas, n’hésitez pas à en utiliser plusieurs. Deux précautions valent mieux qu’une !
3 / Noter tous les traitements réalisés. La réglementation impose l’enregistrement sur le cahier sanitaire de tous les traitements pratiqués sur les animaux. Mais mieux vaut compléter cet enregistrement obligatoire par un autre, sur un tableau en salle de traite, par exemple, de façon à ce que l’information soit bien visible de tous les trayeurs.
4 / Être vigilant sur les vaches taries. Traire par erreur une vache ayant reçu un produit de tarissement à la traite précédente peut conduire à la contamination de centaines de milliers de litres ! Pour l’éviter, séparez les taries (préalablement identifiées) dès que possible après l’application de l’intramammaire. Si vous les réintroduisez dans le troupeau avant vêlage, vérifiez qu’elles sont toujours bien identifiées et pensez à les rajouter à la liste des vaches « à risque » sur le tableau en salle de traite. En cas de tarissement inférieur à cinq semaines ne remettez pas le lait au tank avant le 15e jour. La période colostrale réglementaire de sept jours est en effet définie pour une durée de tarissement d’au moins cinq semaines.
5 / Eviter les laits « résiduels ». Attention aux bidons de dérivation trop petits. Si c’est possible, trayez de préférence les vaches traitées en dernier ou rincez les griffes. ■