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« Tout le monde a trouvé sa place dans le Gaec »

Dans les Deux-sèvres, les cinq associés du Gaec de la Voie lactée travaillent ensemble depuis plus de vingt ans. Un bel exemple d’association réussie avec près de 1,5 million de litres de lait produits, du porc et des cultures.

Le Gaec de la Voie lactée, c’est une longue et belle histoire. Tout est parti d’une discussion lors d’une fête d’école au petit matin, à l’heure où l’on refait le monde : « nous étions quatre jeunes, installés chacun de notre côté avec nos parents sur trois exploitations voisines. On s’est dit qu’on pourrait travailler ensemble plutôt que de partir chacun de son côté dans des investissements », raconte Jean-Pierre Germain, responsable de l’atelier laitier. Ils se sont rappelés dès la semaine suivante, et la machine était lancée : le 1er septembre 1996 naissait le Gaec de la Voie lactée. Un Gaec à cinq associés : Patrice Lièvre, Jean-Yves et son frère Alain Geffard, Jean-Pierre Germain, et son épouse Patricia qui les a rejoints un an plus tard. Vingt-trois ans après, même si tout n’a pas toujours été un long fleuve tranquille, leur association tient toujours, et son bilan est plutôt très positif. L’exploitation, implantée dans les Deux-Sèvres, à Vernoux-en-Gâtine, dans une région où « l’herbe ne pousse plus après le 15 juin », a pris de l’ampleur. Elle produit près de 1,5 million de litres de lait dans un « système intensif très raisonné » avec 136 vaches à 11 000 kg qui restent en bâtiment toute l’année. Le Gaec gère aussi un atelier porcs naisseur-engraisseur de 110 truies, et cultive 220 hectares. Des terres à bon potentiel avec des rendements de 15-18 tMS/ha en maïs et 16-17 tMS en luzerne.

Un objectif social dès la première année

Au moment de la constitution du Gaec, les futurs associés ont veillé à bien s’entourer « pour être conseillés aux niveaux social, fiscal et juridique » et « essayer de tout prévoir ». Chacun s’est porté caution à parts égales pour le capital (20 %). Tout a été mis à plat pour bâtir le projet sur des bases solides : Qui aime faire quoi ? Où veut-on aller ?… « Nous avons fait des stages, des études psychologiques. Tout le monde a trouvé sa place dans le Gaec. » Patrice suit les cultures, Alain les porcs, Jean-Pierre et Patricia le lait, Jean-Yves s’occupe de l’administratif et de la comptabilité tout en suivant d’un peu plus loin les vaches ; « c’est le plus polyvalent de tous ».

« Dès la première année, nous nous étions fixé un objectif social : nous voulions du temps libre, du temps pour la famille », insiste Jean-Pierre Germain. Ce cap a été tenu. Les associés disposent d’un week-end sur deux, du vendredi soir au lundi matin. « On préfère ne pas être assommé par le travail le week-end : le travail d’astreinte sur les vaches – 3 heures le matin et 2 heures le soir – est assuré par deux personnes, soit mon épouse et moi, soit Jean-Yves et une autre personne », précise-t-il. Pour faciliter le respect des consignes le week-end, Jean-Pierre et Jean-Yves assurent en alternance le suivi des vaches pendant la semaine. Côté vacances, les associés ont commencé par prendre trois semaines par an, puis à partir de 2015 cinq semaines. Les congés sont pris hors périodes de gros travaux, en donnant la priorité aux vacances scolaires. « Si on veut conduire les enfants au foot le mercredi ou aller les chercher à l’école, on s’organise. C'est très important. »

Stabulation et salle de traite en service depuis 1997

 

 

Le regroupement des troupeaux n’a pas traîné. La nouvelle stabulation est entrée en service juste un an après la création de la société : un bâtiment avec 118 logettes paillées en système lisier et 124 places au cornadis, d’une taille peu commune à l’époque, avec une salle de traite TPA 2x10. « Cela a été possible parce que nous avons bénéficié de l’aide précieuse de nos parents pendant la première année, avant qu’ils ne partent en préretraite à 55 ans », reconnaît Jean-Pierre. Le Gaec a préféré anticiper d’un an la mise aux normes, quitte à se passer des subventions. « Avec le recul, on n’a pas perdu d’argent compte tenu des 15 % de l’inflation de l’époque, et de la hausse des matériaux et du béton qui a suivi. »

L’étape suivante a été la reprise en 2003 d’une ferme avec 200 000 litres de lait ; la production est alors montée à un million de litres. La stabulation a été agrandie avec un appentis de 1 000 m2 où sont logées sur aire paillée les taries et les vaches en préparation au vêlage, et deux box de vêlage. Il sert également au stockage de fourrages. « Nous avons ainsi récupéré de la place pour les vaches en lactation. Dès qu’une vache est traitée au tarissement, on la sort du bâtiment principal, ce qui limite les risques : on n’a jamais eu de problème avec les antibiotiques. La laiterie met aussi à disposition un détecteur. » Suite à la canicule de 2003, le Gaec a investi dans des brumisateurs et ventilateurs. « C’est très efficace. On l’a encore vu en juillet : la température n’est pas montée à plus de 25-26 degrés et la production n’a pas baissé. »

En 2011, 60 000 euros ont été investis dans des matelas à logettes, et des tapis pour les couloirs d’exercice ont été achetés. « La paille a été remplacée par de la farine de paille (250 €/t – 400 g/VL/j) avec asséchant. Les vaches sont plus propres, les sabots sont secs et, côté travail, il y a beaucoup moins de manipulation manuelle. »

Le salarié préféré au robot de traite

La question s’est posée en 2014 d’investir dans des robots de traite, au moment où Jean-Pierre Germain est devenu président de sa laiterie (Pamplie). Après avoir réalisé une étude économique comparant robot et salarié, le Gaec a préféré embaucher. « Côté polyvalence et disponibilité, il n’y a pas photo. Notre salarié Bruno intervient aussi dans la porcherie les semaines de soins et nettoyage, souligne Jean-Pierre. Il est devenu plus qu’un salarié, c’est le sixème associé ! » Bruno travaille 28 heures par semaine sur l’exploitation, et deux jours par semaine dans un abattoir. « Il venait acheter régulièrement du lait à la ferme et cherchait du travail : un essai de huit jours et le contrat était signé. »

 

 
Patricia assure en général la traite avec Bruno dans une TPA 2x10 de 23 ans très bien entretenue. Des tapis ont été posés sur les quais de traite. © A. Conté

 

Les installations laitières sont donc en grande partie amorties, il reste juste encore les racleurs à changer. Cela a permis au Gaec d’investir il y a deux ans 300 000 euros dans les porcs pour doubler la capacité d’engraissement. « On engraissait seulement la moitié des porcelets de nos 110 truies. Nous avons tout intérêt à transformer notre maïs en viande ou en lait », argumente Jean-Pierre. Toute l’alimentation étant automatisée, une personne suffit pour gérer les porcs, hormis une semaine toutes les six semaines au moment des mise-bas. Cet investissement a permis aussi de sécuriser l’épandage du lisier : « la fosse de réception couverte sert de fosse tampon pour les vaches quand les conditions météo ne permettent pas l’épandage ». L’exploitation dispose désormais de dix mois de stockage.

Du colza à la place du soja depuis deux ans

Le maïs occupe près de la moitié de la SAU. Sur les 105 hectares cultivés, 60 sont irrigués. « La sécurité de l’alimentation passe ici par l’irrigation. » Le Gaec travaille en semis simplifié depuis dix ans, et utilise le guidage satellite et la modulation de dose. Le maïs est semé en un passage avec un décompacteur à dents et biné une fois. 55 hectares sont destinés aux vaches : 45 hectares en ensilage et 10 hectares en maïs grain humide récolté en boudins. Le maïs est l’aliment de base des laitières. L’alimentation du troupeau est gérée par Jean-Pierre qui, depuis trois ans, se fait aider par un nutritionniste. « Nous avons tout recalé. » L’objectif est de distribuer des fourrages de qualité et d’acheter moins de protéines.

Une ration semi-complète équilibrée à 32-33 litres

 

 

Les vaches en lactation reçoivent toute l’année la même ration semi-complète. Une ration équilibrée à 32-33 litres composée de 38 kg de maïs, 8 kg de méteil, 3 kg de luzerne (moitié foin/moitié enrubannage), 2 kg de maïs grain humide, 4,8 kg de tourteau de colza, minéraux/sel/bicarbonate. La ration, trop sèche, est mouillée avec 3 litres d’eau par vache et par jour. Une VL 3,5 l enrichie en matière grasse, limitée à 4 kg, est distribuée par un vieux DAC (deux stalles achetées en 1985 !). « Avant, nous travaillions avec du foin et de la paille, mais cela encombrait et déconcentrait la ration en énergie. » Le soja a été abandonné depuis deux ans au profit du colza, ce qui permet au Gaec de toucher la prime « sans OGM ». Les vaches produisent 36-37 kg/j pour un stade de lactation moyen autour de 6 mois et avec une efficacité alimentaire de 1,5 kg de lait standard/kgMS ingérée. Le point faible de l’élevage, ce sont les taux, en particulier le TB (36 g/kg) ; en revanche, le Gaec décroche toujours la qualité A. 

Si les vaches en lactation ne sortent pas du bâtiment, les vaches taries ont accès à une parcelle de deux hectares pendant la belle saison. Elles reçoivent la ration des laitières à raison d’une ration pour trois taries, avec un ajout de paille, de minéral spécial tarie, vitamine E et selenium. Quant aux vaches en préparation au vêlage pendant deux à trois semaines, elles consomment pratiquement la ration des vaches en lactation avec un peu de paille, 100 g de minéral et du chlorure de magnésium. Les vêlages sont étalés sur l’année : « c’est plus facile à gérer : pas de pic de travail, et pas de souci sur les veaux ».

Les génisses logées dans les anciens bâtiments

 

 
La farine de paille utilisées dans les logettes équipées de matelas est stockée dans l’espace entre les logettes initialement prévu pour de la paille. De quoi en stocker pour six mois !  © A. Conté

Les anciennes stabulations ont toutes trouvé un usage avec les génisses. La nurserie et le démarrage de l’alimentation sèche se font sur le site des laitières. Ensuite, les génisses partent sur les autres sites où elles sont sur aire paillée, avec de la paille à volonté et du concentré. À 15-16 mois, elles reviennent sur le site des vaches en lactation pour la mise à la repro : elles sont conduites en un seul lot d’une cinquantaine de bêtes, sur des logettes avec tapis et avec une table d’alimentation. La mélangeuse étant sur le site, elles reçoivent une ration de méteil-foin-paille avec un peu de concentré pour un GMQ de 850 g. « On les nourrit tous les deux-trois jours le lundi, mercredi et vendredi, précise Jean-Pierre. Une fois confirmée pleines, elles sortent de mars à octobre tant qu’il y a de l’herbe ; elles n’ont rien d’autre. » L’âge au premier vêlage est descendu à 26 mois et demi. « La pose de colliers de détection des chaleurs (15 sur les génisses et 70 sur les vaches) nous facilite beaucoup le travail et a permis de gagner 20 jours sur l’intervalle vêlage-vêlage. »

Les associés du Gaec ont aujourd’hui un grand défi à relever : celui de la transmission. Tous sont dans la cinquantaine ; les premiers à partir à la retraite dans cinq à six ans seront Jean-Pierre et Patricia. Ce grand virage, Jean-Pierre et ses associés ne veulent pas le louper. « Nous commençons à en parler et préparons notre sortie en commençant à rembourser nos comptes associés », affirme-t-il. Le fils de Patrice et celui de Bruno, deux jeunes de 16-17 ans, s’intéressent beaucoup l’un aux cultures, l’autre aux vaches. Jean-Pierre est très optimiste : « nous sommes nés là, nous avons vécu là, nous avons vraiment envie de transmettre ».

Chiffres clés

° SAU 220 ha dont 60 ha irrigués : 105 ha de maïs (55 ha pour les VL), 25 ha de méteil, 10 ha de colza, 60 ha de blé, 10 ha de luzerne, 30 ha de prairies naturelles, tout en couverts hivernaux

° Cheptel 136 vaches à 11 000 kg et la suite

° Référence laitière 1,5 million de litres

° Porcs 110 truies naisseur/engraisseur

° Main-d’œuvre 5 associés et un salarié (28 h) dont lait 2,5 associés et 0,5 salarié

La génisse française avec le plus fort ISU !

« Nous avons eu la chance de sortir une génisse avec un ISU à 175-180. Evolution nous a conseillé de la prélever : nous avons obtenu six femelles vivantes, dont une a été prise en station. Elle a donné une génisse indexée à 244 d’ISU, Noblesse : c’est la génisse la plus indexée connue en France ! », s’enthousiasme Jean-Pierre Germain. L’avenir est prometteur : sur les 22 embryons issus de Noblesse dont cinq déjà nés, deux mâles sans corne hétérozygote ont été retenus par Evolution, et une femelle est partie en station. 

Le génotypage des génisses a été mis en place en 2015. « Avec l’arrivée de la génomique et les taureaux qui changent tous les six mois, je ne m’y retrouvais plus. » Les génisses indexées au-dessus de 150-160 d’ISU sont inséminées avec de la semence sexée. Les autres le sont avec des paillettes conventionnelles ou du Limousin. Et 30 % des vaches sont inséminées avec du Blanc bleu belge.

Du lait 100 % sans OGM à partir du 1er janvier

La coopérative Pamplie, présidée par Jean-Pierre Germain, valorise 37 millions de litres de lait produits en Gâtine.

« Pamplie est une petite laiterie qui se porte bien », affirme Jean-Pierre Germain. Pamplie exporte 15 % de son chiffre d’affaires grâce à son beurre de baratte AOP Charentes Poitou. Un beurre haut de gamme qui représente la moitié de son chiffre d’affaires. Au 1er janvier, tous les produits de la coopérative (beurre, crème, yaourts, fromage blanc et lait UHT Pamplie) porteront l’allégation « sans OGM ». Une prime de 6 €/1 000 l a été versée dès 2018 aux producteurs passés au « sans OGM », et de 10 €/1 000 l en 2019.

Sur 2019, le prix de base devrait atteindre 340 €/1 000 l, soit 10 € de plus que le prix minimum garanti annoncé en début d’année aux producteurs (58 points de collecte VL(1)). Particularité de Pamplie, la matière grasse est payée presqu’autant que la matière protéique depuis le 1er janvier 2018 : 0,00435 c/gMG et 4,7 c/gMP/1 000 l.

La laiterie n’est pas en mal d’innovations. Depuis deux ans, elle propose des yaourts haut de gamme vendus 50 centimes. « Ce sont des yaourts au lait entier aux arômes naturels sans conservateur ni aucun autre additif. » Elle a par ailleurs contribué au lancement du Lait des Charentes et du Poitou en créant l’Union laitière centre atlantique avec deux autres petites laiteries de la région (Maillezais et Verneuil ). 9 millions de litres de ce lait sont commercialisés sur la région. « Cette démarche permet de revaloriser le litre à 210 €/1 000 l, au lieu du prix du marché spot. »  D’ici 18 mois, Pamplie lancera avec ses partenaires un lait bio : « nous avons deux élevages avec chacun un jeune installé, soit 2,5 millions de litres, qui sont en conversion bio. Il faut s’adapter ».

(1) 7 points de collecte chèvres.

Avis d'expert : Ludovic Cotillon, chambre d’agriculture des Deux-Sèvres

« Un système très productif à la surface »

« Le Gaec de la Voix lactée est dans une logique de volume. Le système est très productif à la surface avec 17 000 litres produits par hectare de SFP (avec production de dérobées), mais le volume produit par unité de main-d’œuvre est comparable à la moyenne des élevages en zéro pâturage de la région. L’atelier laitier a une bonne efficacité économique et le système est cohérent techniquement. Il est en régime de croisière avec des installations en grande partie amorties. Les économies sur les amortissements sont rattrapées par un coût de concentrés proche des 100 €/1 000 l avec la partie des génisses qui est assez coûteuse. Le poids des aides est assez faible dans le produit lait, ce qui pénalise la rémunération permise. Si l’on devait réamortir 20-25 €/1 000 l de bâtiment, c’est la rémunération d’une UMO qui disparaitrait. Le gros défi à relever pour les prochaines années sera celui de la transmission. C’est vrai pour le Gaec de La voix lactée mais aussi pour le département qui, depuis deux ans, perd des volumes. Les estimations d’évolution à cinq ans pour les Deux-Sèvres prévoient une baisse de production de 40 à 50 %. »

 

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