Tests pendant la traite : au plus près du trayon
Lors de problèmes de cellules et/ou de mammites difficiles à résoudre, les tests pendant la traite peuvent permettre de détecter certaines anomalies qui ne pourraient pas l’être autrement.
Lors de problèmes de cellules et/ou de mammites difficiles à résoudre, les tests pendant la traite peuvent permettre de détecter certaines anomalies qui ne pourraient pas l’être autrement.
Les tests pendant la traite, parfois appelés tests dynamiques de traite, permettent d’analyser grâce à des équipements spécifiques ce qui se passe pendant la traite à différents endroits de l’installation, et notamment sous le trayon. Ils peuvent ainsi permettre de détecter des anomalies non visibles lors des contrôles machine à traire classiques ou d’affiner les réglages de la machine pour qu’ils soient vraiment adaptés à l’élevage, en fonction du matériel utilisé et de la configuration de l’installation, des caractéristiques des vaches (plus ou moins productives, donnant leur lait plus ou moins rapidement…) ou encore des pratiques des trayeurs.
À la différence des contrôles machine à traire « classiques » Certi’Traite et Opti’Traite qui se font à sec, ces tests ont lieu en présence des vaches de l’élevage, avec du lait en circulation dans l’installation et en prenant en compte les pratiques du (des) trayeur(s).
Les tests pendant la traite sont donc des outils de diagnostic pointus. « Mais pour qu’ils apportent une réelle valeur ajoutée, leur utilisation doit être ciblée, souligne Jean-Louis Poulet, chef de projets R & D traite à l’Institut de l’élevage. Ce n’est pas un test à utiliser en première intention mais plutôt à réserver aux élevages ayant des problèmes de mammites ou de cellules difficiles à régler. » Le GDS Bretagne, par exemple, qui pratique ce type de test depuis une vingtaine d’années, l’utilise « dans les élevages en suivi santé mamelle dont la machine à traire a été vérifiée mais pour lesquels les observations réalisées pendant la visite de traite, notamment des lésions de trayons ou des glissements de manchons trop fréquents, suggèrent un effet négatif de cette traite sur la santé des mamelles », explique Daniel Le Clainche, référent technique pôle technique et innovation au GDS Bretagne.
« Les tests pendant la traite consistent généralement à vérifier, en conditions de traite, les niveaux et variations du vide et des débits de lait et éventuellement la pulsation », explique Jean-Louis Poulet. Les mesures peuvent être réalisées en plusieurs points de l’installation : au niveau de l’embouchure du manchon, sous le trayon (dans le tuyau court à lait), en sortie de la griffe et dans le lactoduc.
« Le vide appliqué sous le trayon est déterminant de l’effet de la traite sur la santé de la mamelle, rappelle l’ingénieur. Ce que l’on recherche, c’est une traite complète, rapide mais douce. Le niveau de vide doit être suffisant pour avoir une bonne tenue des faisceaux, mais pas trop élevé pour ne pas faire souffrir les trayons. » Les mesures réalisées associées à l’observation des animaux et des trayons vont permettre de voir si ce vide est confortable ou non pour les vaches. « Mais on va également s’intéresser aux variations de ce niveau de vide pendant la traite, explique Jean-Louis Poulet. Le niveau de vide varie avec la pulsation. Mais l’amplitude de ces variations cycliques doit rester limitée. Et on ne doit pas observer non plus lors des mesures réalisées, de variations importantes du vide indépendantes de la pulsation et de l’écoulement normal du lait. Ces variations acycliques et/ou irrégulières peuvent être liées à des entrées d’air 'anormales' ou un écoulement du lait non régulier, suite, par exemple, à des phénomènes d’engorgement. Et ces anomalies peuvent générer des phénomènes comme l’impact ou la traite humide pouvant avoir un effet négatif sur la santé des mamelles. » Lorsque ces variations de vide sont repérées, l’opérateur va essayer d’en déterminer la (les) cause(s) qui peut être diverse, pour les corriger.
Complémentaire aux mesures de vide, le suivi des débits de lait est parfois réalisé pour voir comment se fait l’éjection du lait (ce qui renseigne notamment sur la qualité de la préparation de la mamelle), de suivre la circulation de ce lait dans l’installation et aussi de mettre clairement en évidence les phénomènes de surtraite.
Contrairement à ce qui se passe pour les tests à sec, il n’existe pas de normes officielles pour l’interprétation des données obtenues lors des tests dynamiques de traite. Les recommandations de réglages ou de modifications à apporter à l’installation de traite se font d’après l’expérience et l’expertise de la personne qui a réalisé les mesures. « Lorsque nous proposons un changement de réglage suite à un test pendant la traite, c’est toujours en concertation avec l’installateur », précise Daniel Le Clainche. Certains matériels particuliers, comme les manchons trayeurs ventilés au niveau de la chambre d’embouchure, par exemple, peuvent faire l’objet de la part des fabricants de recommandations spécifiques.
« Les tests pendant la traite doivent absolument être associés à une observation de traite", souligne Jean-Louis Poulet. Pendant cet audit, l’opérateur va observer le comportement des animaux, l’état des trayons en début et fin de traite, les pratiques des trayeurs et noter tout élément pouvant influer sur les enregistrements (déconnexion de points de mesure, incidents de traite…). « Toutes ces observations sont indispensables pour pouvoir ensuite interpréter les mesures réalisées. De plus, chaque vache et parfois même chaque quartier étant différent, il est important que les mesures soient réalisées sur un nombre d’animaux suffisant, au moins une dizaine, si l’on veut que les valeurs obtenues soient représentatives du troupeau. »
« La réalisation de tests dynamiques de traite dans les élevages équipés de robots de traite est plus complexe et pour l’instant pas vraiment opérationnelle, reconnaît Jean-Louis Poulet. Cela étant, les robots de traite enregistrent déjà un certain nombre de paramètres qui rendent moins nécessaires la réalisation de tests dynamiques de traite. »
Un appareillage spécifique
Les tests pendant la traite nécessitent des appareils spécifiques. Les mesures sont réalisées par l’intermédiaire de petites canules introduites dans la caoutchouterie (au niveau de l’embouchure du manchon, du tuyau court à lait, à pulsation…). Deux types d’appareils de mesure peuvent être utilisés : des équipements que l’opérateur déplace, pour faire des mesures ponctuelles en différents points de l’installation et sur différentes vaches, ou des boîtiers « autonomes », installés pour toute la traite sur certains postes et qui font les mesures en continu en enregistrant tous les animaux traits sur ces postes. « La masse de données collectées est alors plus importante, ce qui nécessite de la part de l’opérateur de faire le tri pour en retirer l’essentiel. Mais ces équipements sont associés à des logiciels permettant une mise en forme des données qui peut faciliter la restitution à l’éleveur », QUI PARLE ????
« Un outil complémentaire intéressant »
Chez Marc Leffondré, dans les Côtes-d’Armor, un audit de traite avec test dynamique a notamment conduit à modifier le réglage du décrochage automatique, en contribuant à régler le problème de mammites et de cellules de l’élevage.
En octobre 2016, Marc Leffondré, éleveur à Plémy, appelle son GDS suite à une dégradation de ses résultats cellulaires et une augmentation des mammites cliniques depuis trois à quatre mois. « Plusieurs vaches avaient aussi des trayons abîmés, avec des gerçures, explique l’éleveur. Depuis, tout semble rentré dans l’ordre, se réjouit-il. Et l’audit de traite avec le test dynamique y ont contribué. Cette intervention m’a aussi permis, grâce aux observations précises et quantifiées réalisées, de mieux me rendre compte de l’effet de la traite sur l’état des trayons. »
« L’audit de traite a montré la présence sur les trayons de pseudo-variole, avec 14 vaches atteintes sur la quarantaine de laitières de l’élevage ainsi que des anneaux de compression et des trayons violacés en fin de traite, avec six vaches concernées à chaque fois », explique Bernard Le Guern conseiller spécialisé santé mamelle au GDS Bretagne. Des observations qui, malgré un contrôle Opti’Traite sans anomalie majeure réalisé l’année précédente, suggéraient un effet négatif de la machine à traire sur l’état des trayons. Un test dynamique de traite est donc réalisé pour y voir plus clair.
« Le contrôle de la pulsation et des niveaux de vide des différents postes - 2x5 en ligne basse - était satisfaisant, sauf pour un poste au niveau duquel le vide, normalement réglé à 38 kPa n’était que de 31 Kpa, sans pour autant que cela ne génère de glissements de manchons, relève le conseiller. On observait également une perte de charge entre le faisceau trayeur de ce poste et le lactoduc. Ces anomalies, non visibles en contrôle Opti’Traite, étaient liées à une membrane défectueuse au niveau de la vanne de coupure du décrochage. » La membrane a donc été changée. « Ce n’est néanmoins pas ce défaut qui pouvait expliquer les soucis de l’élevage. »
Par contre, lors de l’audit, le conseiller suspecte un phénomène de surtraite, qu’il confirme par des mesures de volume de lait résiduel post-traite sur une dizaine de vaches. « J’ai alors préconisé de refaire un contrôle Opti’Traite, qui datait d’un an, en augmentant le seuil de décrochage de 420 à 480 g. »
La traite un peu agressive a fragilisé les trayons
En complément de ces interventions sur la machine à traire, le conseiller, pour favoriser la guérison de la pseudo-variole, recommande de ne plus laver les vaches propres mais de leur appliquer de la graisse à traire. Cette graisse est également appliquée en post-traite à la place du trempage habituel, de façon à améliorer l’intégrité de la peau des trayons.
« Dans cet élevage, analyse Bernard Le Guen, le problème de mammites et de cellules constaté était lié à la conjonction de plusieurs facteurs. La traite un peu agressive a fragilisé la peau des trayons et facilité l’implantation au niveau de ces trayons du virus de la pseudo-variole, très courant et présent en suspension dans l’air. Le virus, très contagieux, s’est répandu, les trayons fragilisés constituant un terrain très favorable. Le nettoyage de la mamelle à l’eau ne contribuait pas à la guérison. Les croûtes mouillées des lésions de pseudo-variole tombaient avant d’être complètement sèches en laissant une petite plaie non cicatrisée. Différents germes ont ensuite contaminé les trayons à la faveur de ces plaies, en générant cellules et mammites. » En supprimant l’effet agressif de la traite et en mettant en place des mesures pour protéger la peau des trayons, la pseudo-variole a pu être contrôlée. Les trayons ont retrouvé leur intégrité, ce qui a permis de limiter les contaminations.
Pour compléter ces mesures, quelques vaches infectées chroniques ont été réformées.
Une deuxième visite de l’élevage effectuée fin janvier 2017 a permis de constater la résolution du problème de pseudo-variole et des résultats satisfaisants au niveau cellules et mammites. « Entre deux mois et demi, deux mammites — dont une au vêlage — ont été dénombrées pour la quarantaine de vaches. Et, depuis novembre 2016, les taux cellulaires de tank sont inférieurs à 200 000 cellules/ml."