Solutions et alternatives
L’approche globale et les médecines complémentaires sont des solutions envisageables pour utiliser moins d’antibiotiques.
L’approche globale et les médecines complémentaires sont des solutions envisageables pour utiliser moins d’antibiotiques.
Utiliser moins d’antibiotiques en élevage est nécessaire pour réduire les risques d’apparition de bactéries antibiorésistantes et leurs conséquences en santé humaine, rappelle Céline Peudpièce, vétérinaire à Élevage conseil Loire Anjou. Il faut garder les antibiotiques pour les cas nécessaires et envisager pour les autres problèmes des alternatives qui ne doivent pas coûter plus cher ni prendre trop de temps. » Une première piste est de mieux utiliser les antibiotiques. « Dans certains cas, les antibiotiques sont inutiles, voire néfastes. Dans la plupart des diarrhées des veaux, sauf celles à colibacilles, les antibiotiques ne sont pas nécessaires mais déséquilibrent au contraire la flore intestinale, facilitant le développement des pathogènes. De même, les problèmes respiratoires sont souvent dus à des virus sur lesquels les antibiotiques n’ont pas d’action directe. »
Inutile dans la plupart des diarrhées des veaux
En cas de diarrhée, un kit d’analyse permet d’en déterminer rapidement la cause. « On ne le fait pas seulement pour le veau malade mais pour tous les veaux, souligne la vétérinaire. Si un deuxième cas similaire se présente, on sait ainsi plus vite comment le traiter. » En cas de mammite, une analyse bactériologique suivie d’un antibiogramme permet de déterminer l’antibiotique le plus adapté. « Il ne faut pas attendre le retour de l’antibiogramme pour traiter la vache, mais celui-ci servira pour les autres vaches. » Et en pratique, mieux vaut faire ces analyses sur cinq à dix vaches car le coût n’est pas beaucoup plus élevé que pour une vache et le résultat est plus sûr. On peut aussi croiser ces analyses avec des tests PCR sur le lait de tank qui détectent les pathogènes. « Un test peu coûteux et simple pour l’éleveur, que l’on peut renouveler tous les six mois et qui permet parfois de s’orienter vers un antibiotique moins coûteux. »
La meilleure solution reste toutefois de ne pas avoir d’animaux malades ! Premier point : veiller à la quantité et la qualité des repas. « L’alimentation sert d’abord à se chauffer, puis à se construire et enfin à se défendre », note Céline Peudpièce. Un veau qui a froid a plus de mal à se défendre des agressions. Il faut le réchauffer, en le faisant téter sa mère, en le mettant sous une lampe chauffante, en « l’enroulant » autour d’une bouillotte constituée d’un bidon d’eau chaude. « De la paille ou une couverture ne servent à rien si le veau est refroidi », souligne la vétérinaire. Un apport de miel, rapidement assimilé, permet aussi un apport d’énergie flash.
Drainer le foie pour le maintenir en bon état
Autre aspect important pour l’immunité : les vitamines et oligoéléments, qui limitent les morts cellulaires par oxydation. Les besoins varient suivant le niveau de production, la période… « Quand la vache forme le veau, elle a un besoin élevé en sélénium pour construire les muscles du veau. » Certaines carences se voient sur l’animal, mais pas toutes. Il peut donc être utile de faire un profil métabolique du troupeau à partir d’une prise de sang sur quatre à cinq vaches normales.
Des organes sains sont également primordiaux, notamment le foie qui est un organe d’évacuation essentiel. La phytothérapie et l’homéopathie offrent différentes possibilités pour drainer le foie et le maintenir en bon état (voir ci-contre). Autre point important : limiter le stress, qui réduit l’immunité, en ayant une conduite calme et en évitant de cumuler les facteurs de stress.
Enfin, il faut réduire la pression de l’environnement, ce qui implique d’avoir assez de places à l’auge et pour le couchage, de veiller à la qualité de l’air et de la litière, d’éviter les courants d’air… « Beaucoup de problèmes respiratoires sont liés aux courants d’air qui sont souvent dus à des détails comme une planche qui a sauté et que l’on a négligé de remettre. » Réduire la pression de l’environnement, c’est aussi curer en cas de coccidiose, regarder les pieds… Si plus de 5 % des vaches boitent, c’est qu’il y a un problème dans le bâtiment ou sur les chemins. « Il faut avoir une approche globale de l’élevage, résume Céline Peudpièce, regarder l’animal, le bâtiment, l’alimentation, l’environnement… et éventuellement utiliser des médecines alternatives en complément. »
Un pack « approche globale »
Face à la demande des éleveurs pour des alternatives aux antibiotiques, Élevage conseil Loire Anjou a créé un pack de formation-accompagnement à l’approche globale. Le pack comprend une formation en groupe de deux jours à l’approche globale et aux médecines complémentaires, un audit vétérinaire de l’élevage d’une demi-journée permettant la coconstruction d’un plan d’attaque, un accompagnement par les vétérinaires d’Élevage conseil Loire Anjou, une hotline avec réponse sous 48 heures en cas de problème et une visite de bilan au bout de six mois ou un an.
Des solutions en homéopathie et phytothérapie
Certains outils anciens ou plus récents peuvent permettre d’utiliser moins d’antibiotiques. "Il faut d’abord se souvenir des techniques anciennes, indique Céline Peudpièce. En cas de mammite colibacillaire, la traite permet d’évacuer les bactéries. Et pour évacuer les toxines, il faut faire uriner les vaches en les faisant boire, en les drenchant ou en les perfusant. » De nouveaux médicaments comme des stimulants de l’immunité, la phytothérapie ou l’homéopathie sont également utilisables. « Des préparations alliant différentes plantes ou substances homéopathiques sont disponibles sans ordonnance, précise Céline Peudpièce. On peut les acheter chez son vétérinaire, en pharmacie et éventuellement sur internet, en faisant alors attention à la qualité. Et il peut être utile de comparer les prix qui peuvent être assez variables. »
Des traitements peu coûteux
Plusieurs solutions sont possibles pour le drainage du foie. En phytothérapie, le chardon marie, le pissenlit et l’artichaut sont connus pour être efficaces. Le vinaigre de cidre (12 €/10 l), à apporter à raison de 60 ml par jour et par vache pendant cinq jours, est également intéressant. « En quelques jours, il peut améliorer la situation d’une vache à l’appétit capricieux. » Des préparations homéopathiques sont aussi disponibles pour le drainage du foie, comme PVB drainage GA (30 €/l), d’un emploi facile, qui peut être dilué dans l’eau et distribué sur la ration avec un arrosoir. La composition de l’eau semble peu importer, pourvu qu’elle soit buvable. Le traitement, à administrer pendant dix jours, peut être répété à chaque transition alimentaire, en commençant deux à trois jours avant le changement d’alimentation.
Des solutions homéopathiques ou de phytothérapie existent aussi contre les mammites, comme PVB phytolac pour une mammite qui flambe, Bryonia alba pour une mammite qui s’installe lentement, Dolisovet intramammaire en cas de mammite clinique… Dans tous les cas, le lait du ou des quartiers traités doit être écarté de la collecte le temps de la mammite clinique. On trouve aussi des solutions contre les traumatismes (Traumasedyl) pour aider à la mise bas ou à la délivrance (Wombyl) ou encore pour lutter contre le stress. « De l’huile essentielle de lavande sur l’épi dorsal réduit le stress des veaux lors de l’écornage ou celui des génisses que l’on met pour la première fois au robot. » Ces solutions peu coûteuses peuvent permettre d’éviter des situations où l’usage d’antibiotiques devient nécessaire. De l’huile essentielle de lavande, efficace en trente secondes, ne coûte que 0,15 euro par vache. PVB phytolac, qui agit en douze à vingt-quatre heures, coûte 0,30 euro par vache et par traitement. Dolisovet (une seringue matin et soir pendant deux jours, effet immédiat), coûte 6,40 euros par traitement.
Ne pas attendre des miracles
La réglementation sur les huiles essentielles étant très complexe, mieux vaut toutefois demander conseil avant d’en utiliser. « Il ne faut pas croire que ces solutions sont miraculeuses et qu’elles peuvent compenser des erreurs techniques, souligne Céline Peudpièce. Il ne faut pas non plus décider de ne plus utiliser des médicaments classiques ni essayer tout ce que l’on entend sans précautions. Mais il est possible de soigner autrement qu’avec des antibiotiques, en adaptant la solution au cas précis de l’élevage. La réussite implique de sensibiliser voire former tous les associés de la structure, d’avancer par petits pas bien assurés et de se faire accompagner en groupe ou individuellement pour éviter de se décourager. »
V. B.
« La moitié des vaches traitées ont baissé en cellules »
« Nous avons un troupeau de 60 vaches Prim’Holstein. Depuis début janvier, avec l’appui des vétérinaires d’Élevage conseil Loire Anjou, nous testons des solutions d’homéopathie et de phytothérapie. Nous avons essayé PVB phytolac contre les cellules sur six vaches. Nous n’avons pas de gros problèmes de cellules mais nous voulions éviter que les vaches infectées contaminent les autres vaches. Nous leur avons administré le produit en le pulvérisant sur le museau deux fois par jour pendant sept jours. Dès le premier contrôle, nous avons pu voir que la moitié des vaches traitées ont baissé en cellules. Nous avons aussi testé PVB drainage, pour le drainage du foie. Depuis, les vaches mangent mieux, elles font plus de lait, leurs bouses sont plus régulières et leur poil est plus blanc, ce qui est un signe de bon fonctionnement du foie. »
Pierre-André Beaupère, éleveur en Maine-et-Loire