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Robot de traite et pâturage sont compatibles

Le passage à la traite robotisée rime souvent avec diminution voire suppression du pâturage. Mais les conclusions du projet Casdar « Robot et pâturage » offrent de nouvelles perspectives.

À Moorepark en Irlande, un système avec trois paddocks disponibles par 24 h est utilisé depuis deux ans pour favoriser la circulation des animaux. Une parcelle « fraîche » est accessible en milieu de nuit.
À Moorepark en Irlande, un système avec trois paddocks disponibles par 24 h est utilisé depuis deux ans pour favoriser la circulation des animaux. Une parcelle « fraîche » est accessible en milieu de nuit.
© L. Delaby

L’installation de robots de traite est en forte progression en France et en Europe de l’Ouest. Ainsi, en 2011, on dénombrait « plus de 12 700 exploitations avec un robot de traite dans le monde dont 80 % sont en Europe de l’Ouest », a souligné Jean-Louis Poulet de l’Institut de l’élevage, lors du colloque « Robot de traite : impact sur les systèmes laitiers ». L’année dernière, selon les estimations de l’Institut de l’élevage, plus de 3 100 exploitations françaises étaient équipées d’au moins une stalle. La progression varie cependant « selon les secteurs géographiques et le contexte économique ». Dans l’Hexagone, les installations sont nombreuses dans le Grand Ouest, voire dans le Nord et l’Est, mais plus rares dans les zones fromagères…
Deuxième constat, le choix du robot de traite rime le plus souvent avec diminution voire abandon du pâturage. C’est vrai en France comme dans certains pays européens tels que la Belgique, les Pays-Bas, l’Autriche. En revanche, l’Irlande, où le pâturage est roi, mais aussi la Suède et le Danemark font figures d’exception. Dans ces pays scandinaves, le maintien du pâturage est lié à la réglementation qui impose notamment « l’accès possible des vaches aux pâtures six heures par jour pendant quatre mois de l’année », a précisé Valérie Brocard de l’Institut de l’élevage.


Vingt exploitations avec des systèmes très diversifiés


Concilier robot de traite et pâturage est « une question partagée par les pays d’Europe de l’Ouest même si la problématique diffère selon les pays : question d’image pour les Pays-Bas, de réglementation bien-être pour la Suède, régions avec prairies naturelles obligatoires en France… ». Par ailleurs, compte tenu de la flambée du prix des matières premières et en particulier du tourteau de soja, il est toujours bon de rappeler que l’herbe pâturée est la source de protéines la plus économique.
Cette stratégie est possible, comme l’illustrent les vingt exploitations laitières qui ont été étudiées dans le cadre du Projet Casdar « Robot de traite et pâturage ». Projet qui incluait également les fermes expérimentales de Derval (Loire-Atlantique) et de Trévarez (Finistère). « Cet échantillon d’exploitations n’est pas représentatif, mais fournit une source de savoir-faire différents dans laquelle chaque éleveur pourra puiser des idées en fonction de sa situation », précise Valérie Brocard. Ces exploitations diffèrent en effet en terme de droit à produire (de 136 000 à 850 000 litres de lait), de production par vache (de 4900 à 9800 kg de lait), de saturation du robot… La contribution de l’herbe pâturée à la ration des vaches y est également très variable (de 1 t de MS d’herbe pâturée/VL/an à 2,5 t de MS/VL/an). Reste que pour concilier robot et pâturage, il faut remplir trois conditions : la motivation de l’éleveur (et des vaches), l’accessibilité des prairies et enfin trouver une solution pour gérer la circulation des animaux adaptée au niveau de saturation de la stalle. Comment optimiser l’accessibilité au pâturage ? La question est d’autant plus cruciale quand le robot est saturé. Les solutions récoltées lors du projet Casdar feront l’objet d’une publication d’ici la fin de l’année sur le site de l’Institut de l’élevage. Notons d’ores et déjà qu’un éleveur a tracé deux traits à la peinture sur une petite route pour canaliser le passage des vaches entre deux paddocks en vis à vis. D’autres utilisent des barrières canadiennes, des fils d’alpage, des parcelles accessibles que pendant quelques heures, l’échange parcellaire. Et demain, pourquoi pas un robot de traite mobile ? Attention, cette option est lourde de conséquences. Mieux vaut mûrir son projet avant de prendre une décision. Une plaquette de recommandations est disponible sur le site de l’Institut de l’élevage.

Moins de lait mais aussi moins de concentrés


Le cas de la ferme expérimentale de Derval est intéressant parce qu’il allie pâturage et robot de traite saturé (72 vaches traites par stalle). « Il nous a fallu trois ans pour trouver la bonne solution pour pouvoir fermer le silo pendant plusieurs semaines », a expliqué Thomas Huneau, le responsable des expérimentations. Concrètement les 85 Prim’Holstein (740 000 litres de lait livrés) vêlent toute l’année. Vingt-huit hectares de pairies de RGA-TB divisés en trois parcelles sont accessibles aux vaches avec un seul chemin pour y accéder. « Nous avons opté pour un système de circulation guidé inversé avec présélection (deux portes de tri) et un pâturage tournant simplifié. » La distance maximum à parcourir est de 800 mètres. « Il n’y a aucun point d’eau dans les parcelles, mais ce n’est pas une obligation pour favoriser la fréquentation du robot », souligne Thomas Huneau. Pendant la période de 100 % pâturage, les vaches restent dans le bâtiment de 18 à 21 heures, puis sont autorisées à sortir quand elles ont été traites depuis moins de 8 heures (ou production attendue inférieure à 10 kg de lait). Autrement dit, les dernières vaches traites sont restées dans le bâtiment de 18 heures jusqu’à 8 ou 9 heures le lendemain matin sans rien manger. « Elles se rattrapent très bien quand elles retournent en pâture. »

 

Une palette de solutions en fonction des situations


En 2013, les vaches du troupeau de Derval ont été en pâturage exclusif pendant 53 jours. Elles ont consommé une quantité totale d’herbe pâturée de 1 100 kg de MS/vl. Globalement la production laitière a baissé de 1,7 kg/vl/j par rapport à la période hivernale mais avec un apport de concentré également inférieur de 2 kg/vl/j. « Le coût alimentaire (charge de structure comprise) a été réduit de 60 % (de 150 à 50 €/1000 litres). »
Les témoignages des 20 éleveurs sont tout aussi intéressants et sources d’astuces qui seront consultables d’ici la fin de l’année sur le site de l’Institut de l’élevage.
Par ailleurs, le sujet va continuer à être étudié au travers du projet Autograssmilk regroupant six pays européens dont la France.

Constats et conseils d’éleveurs enquêtés

La gestion du pâturage peut rester identique à celle d’avant l’installation du robot
. Bien réfléchir à la position du robot dans le bâtiment
. Laisser le temps aux vaches de s’habituer
. Donner des parcelles fraîches après passage au robot pour favoriser la circulation des animaux sans intervention humaine
. Peu d’impact sur la fréquence de traite
. Chemin d’accès de très bonne qualité. Un seul suffit à condition de faire 2,50 à 3 mètres de large
. Pas d’organisation type de la journée : à chacun son système
. Utiliser éventuellement un chien de troupeau
. Signaux sonores associés à une récompense (distribution de fourrage ou concentré) pour favoriser le retour
. Aller chercher si besoin les animaux en portant attention à celles qui ne reviennent pas
. Baisse de la production (environ 1,7 l/VL/J) compensée (et expliquée en partie)
par la baisse d’apports de concentrés (2 kg/VL/J)
. Diminution du coût alimentaire (divisé par 2 en moyenne) mais variable selon les exploitations
. Le concentré spécial robot n’est pas indispensable : les céréales marche mais attention à la poussière (possibilité de mettre de la mélasse).
. Meilleure longévité des animaux
. L’eau dans les parcelles ne nuit pas à la fréquentation du robot

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