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Réussir le soja dans l'Ouest

La culture du soja est testée en Bretagne et Pays de la Loire. Le choix de la parcelle, de variétés très précoces, et la maîtrise du peuplement sont essentiels.

« Le soja est une plante tropicale. Son zéro de végétation est à 6°C. Et il nécessite 100° jour entre le semis et la levée », a rappelé Matthieu Charron, de Terres Inovia, lors d’une journée Protéines organisée par la chambre d’agriculture de Bretagne. Les sommes de température sont de plus en plus élevées et les semenciers proposent des variétés de plus en plus précoces. « Comme le soja nécessite beaucoup d’eau et que les sols bretons ont de bonnes réserves utiles, il est désormais possible d’en cultiver en Ille-et-Vilaine, Morbihan, Sud-Finistère. Et d’ici quelques années, on pourra sans doute en cultiver dans les Côtes-d’Armor et le Nord-Finistère. » L’objectif est un rendement d'au moins 25-30 q/ha pour que la culture soit compétitive vis-à-vis des autres cultures de printemps.

Parcelle à 150 mm de réserve utile

Le soja est sensible au stress hydrique du début de la floraison (fin juin) à l'apparition des premières gousses mûres trois semaines avant récolte (début septembre en Bretagne). Un stress hydrique impacte la floraison et donc le nombre de gousses (5-9 étages en général). S’il intervient lors du remplissage des gousses, le nombre de grains par gousse (1 à 4 en général) sera affecté. « Ce qui est important, c'est l'eau de toute fin de cycle qui permet la meilleure remobilisation de l'azote des feuilles vers les graines et assure une bonne teneur en protéine », précise Xavier Pinochet, de Terres Inovia. Hors Bretagne, Normandie et Hauts-de-France, le soja est très souvent irrigué. « En Bretagne, l’irrigation est peu développée. Il faut donc privilégier les parcelles ayant une réserve utile d’au moins 150 mm », insiste Matthieu Charron.

Des variétés précoces triple zéro

Le choix de variétés triple zéro et des plus précoces est essentiel pour que le soja puisse faire son cycle entre le 1er mai et le 30 septembre. Le semis en Bretagne doit être réalisé entre le 20 avril et le 10-15 mai, à 2-4 cm de profondeur. « Il faut un sol qui se réchauffe assez tôt, mais aussi pouvoir récolter un soja mûr dans de bonnes conditions », indique Matthieu Charron. Le semis peut se faire au semoir à céréales à écartement réduit ou au semoir monograine à 50 cm d’écartement. « L’objectif est d’atteindre 500 000 plants par hectare. La levée peut être problématique, avec des pigeons qui mangent les graines et les jeunes plantes. Il faut donc semer à densité élevée, de 600 000 à 650 000 graines par hectare. Le semoir monograine garantit une plus grande régularité dans le positionnement des graines, une meilleure levée et une moindre sensibilité aux oiseaux. Il est toutefois compliqué d’atteindre les densités souhaitées. »

La difficulté de désherber en bio

L’inoculation est en général obligatoire. « Le soja piège l’azote atmosphérique pour 80 % de ses besoins grâce à une bactérie symbiotique, qui n’est pas présente naturellement dans les sols français. Une première culture de soja doit donc être inoculée, et de même s’il n’y a pas eu de soja sur la parcelle depuis quatre ans. » Exceptionnellement, avant floraison, si la culture présente un aspect jaunâtre, un apport d’azote peut être recommandé.

 

 
Nodosités du soja. Le soja piège l’azote atmosphérique pour 80 % de ses besoins grâce à une bactérie symbiotique, qui n’est pas présente naturellement dans les sols français.
Nodosités du soja. Le soja piège l’azote atmosphérique pour 80 % de ses besoins grâce à une bactérie symbiotique, qui n’est pas présente naturellement dans les sols français. © Terres Inovia

 

Le soja est peu sujet aux ravageurs ou maladies. « Le seul risque est le sclérotinia. Le soja est donc déconseillé dans les rotations légumières et avec un retour fréquent d'oléoprotéagineux. » Il est conseillé de ne revenir que tous les quatre à cinq ans dans une parcelle. Par rapport au risque sclérotinia, il est conseillé de « choisir une variété résistante à la verse et ne pas semer trop dense, ajoute Xavier Pinochet. En cas de présence de sclérotinia, on peut après récolte, épandre un produit de biocontrôle (champignon parasite des sclérotes) pour préserver la parcelle ».

La principale difficulté, surtout en bio, est la maîtrise des adventices. « En conventionnel, un programme herbicide combinant prélevée et post-levée permet de gérer l’enherbement. En bio, le désherbage peut se faire à la herse étrille, à la herse rotative et par binage si l’écartement le permet », indique Matthieu Charron.

Pouvoir récolter toutes les gousses

La récolte doit intervenir quand les graines sont à 14 % d’humidité, sinon il faut sécher, ce qui augmente le coût de production. Il est aussi conseillé de récolter sur un sol bien nivelé et sans cailloux pour récolter toutes les gousses, les premières pouvant se situer à 7-8 cm du sol. Le rendement en Bretagne est en moyenne de 20 à 30 q/ha en conventionnel, mais varie de 0 à 30 q/ha en bio. Les taux de protéines ont été moins élevés que dans le Sud (43-45%), allant de 35 à 40 %. « Il n'y a pas de différence de teneur en protéine entre groupes de précocité. Les différences observées sont souvent liées aux contextes pédoclimatiques et sont donc très variables d'une année à l'autre », souligne Xavier Pinochet. 

Avis d'éleveur : Yves Pihery, Gaec Plemalo en Ille-et-Vilaine

« Choisir les variétés les plus précoces »

 

 

 

« Nous sommes en conversion bio et cherchons à être autonomes en protéine. En 2020, nous avons cultivé 4 ha de soja, de la variété triple zéro Albelina, la plus précoce, avec inoculation de la parcelle. Nous l’avons semée le 18 mai, à 500 000 graines par hectare, au semoir monograine à 50 cm d’écartement, pour pouvoir biner. Mais nous n’avons pas eu à biner ; quatre passages de herse étrille ont suffi. Nous avons récolté le soja fin septembre et avons obtenu 20 q/ha, ce qui est correct en bio. Nous n’avons pas pu ramasser toutes les gousses du bas, car la herse étrille soulève de la terre ; 5 à 10 % des gousses ont ainsi été perdues. Il aurait fallu une barre de coupe flexible. Nous avons fait toaster les graines par entreprise et les avons données aux vaches laitières. Les résultats sont corrects, mais du soja toasté est plus proche d'un tourteau de colza que d'un tourteau de soja.

En 2021, nous avons semé le 3 mai, car nous étions limite fin septembre 2020 pour pouvoir récolter. Nous avons semé cette fois au semoir à céréales, à 30 cm d’écartement, à 600 000 graines par hectare. Un système pour effaroucher les pigeons a été installé. La météo a été plus humide avec plus d'adventices, mais nous avons réussi à gérer l'enherbement avec des passages de herse étrille. Le soja nous semble plus beau cette année. Par contre, comme l'été a été moins chaud, le soja a eu du mal à atteindre la maturité. Dans un même groupe de précocité, il y a des écarts importants et il faut choisir les variétés les plus précoces. Nous avons dû faucher le 9 octobre avant récolte, ce qui accélère le séchage des graines. La récolte aura lieu le 15 octobre avec une moissonneuse équipée d'un pick-up à tapis. »

Un pourcentage de plantes levées insuffisant

En Pays de la Loire, un groupe d'agriculteurs en conventionnel et un groupe en bio testent depuis quelques années le soja.

 

 
De nombreux essais sont menés en Bretagne par Terres Inovia et la chambre d’agriculture sur les variétés, les densités, les types de semoir…
De nombreux essais sont menés en Bretagne par Terres Inovia et la chambre d’agriculture sur les variétés, les densités, les types de semoir… © V. Bargain
En conventionnel, dans le groupe sarthois de dix agriculteurs en 2019 et six agriculteurs en 2020 (vente et autoconsommation des graines), le rendement moyen du soja était inférieur à 27 q/ha. 2018 fut une bonne année avec 27 quintaux en non irrigué et 32,5 quintaux en irrigué. « Les autres années, il n'y a pas eu de différence entre les parcelles irriguées et les autres, car l'irrigation n'a pas été suffisante et positionnée au bon moment », pointe Matthieu Charron, de Terres Inovia. Chez certains agriculteurs, la marge brute a été faible, voire négative. « Certains conventionnels se découragent et arrêtent le soja, à cause des rendements et des prix insuffisants », constate Matthieu Charron.

 

De bonnes marges brutes en bio

En bio, le groupe ligérien compte six à sept céréaliers (vente des graines), tous irrigants. En 2019 et 2020, les rendements moyens étaient de 20 et 23 quintaux. Les marges brutes allaient de 600 à 1 500 €/ha.

En conventionnel comme en bio, dans les points qui pêchent, Matthieu Charron note que le soja a souvent mal levé, « quand il fait trop froid, ou quand les sols ne sont pas adaptés comme des sols caillouteux, mal nivelés, ou quand le semis est trop profond ». Puis, les pigeons et les lièvres ont pu faire des dégâts, en mangeant des graines, des jeunes plants et des feuilles. Or, d'un peuplement insuffisant découlent des difficultés pour gérer les adventices. « En 2019 et 2020, il y a eu des parcelles en bio tellement envahies d'adventices qu'elles n'ont pas pu être récoltées. »

Côté positif, les teneurs moyennes en protéines (conventionnel et bio) étaient de 38 à 42 % selon les années.

Améliorer le coût de production

Le Ceta 35 réalise des essais soja depuis 2016 en bio et conventionnel. Les rendements sont souvent corrects : 25 à 30 q/ha selon les années et les itinéraires. Les MAT allaient de 27 à 31, voire 34 en bio en 2019.

Le Ceta 35 a aussi évalué le coût rendu auge en 2019, pour un rendement de 28 q/ha. Au total, il atteint 430 €/t avec des semences certifiées et 370 € avec des semences fermières. « Nous comptons vraiment tout : semences, inoculation (60 €/ha), passage de deux traitements herbicides (environ 100 €/ha), frais de récolte (130 €/ha), charges de structure (300 €/ha), rémunération du travail (150 €/ha), toastage (60 €/t), broyage (9 €/t)... », énumère Anaïs Charmeau.

Pour baisser ce coût, la valorisation des graines crues broyées devrait être étudiée. Autre piste pour améliorer la rentabilité du soja autoconsommé : « la valorisation du soja immature (plante entière ensilée) en tant que fourrage riche en protéines ; mais cela n'a pas été testée au Ceta 35 », évoque Anaïs Charmeau.

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