Prairies multiespèces
Rechercher le bon équilibre entre espèces
Prairies multiespèces
Jean-Marie et Marie-Odile Perrault ont commencé à implanter des prairies multiespèces il y a vingt ans. Convaincus par leurs nombreux avantages, ils ne sont pas près d´en démordre.
Stagiaire, puis salarié agricole dans le Doubs, Jean-Marie Perrault est revenu dans sa région d´origine, le Maine-et-Loire, avec des projets pleins la tête. Cet éleveur de 54 ans, aujourd´hui installé au Lion d´Angers, a gardé de son expérience franc-comtoise un vif intérêt pour les prairies composées et pour la race Montbéliarde. Deux passions qu´il cultive chaque jour sur son exploitation.
En 1982, Jean-Marie et son épouse Marie-Odile ont repris une exploitation comportant 35 ha de terres regroupées autour du corps de ferme. Tout juste arrivés, les éleveurs ont commencé par drainer l´ensemble de la surface. « Quand nous nous sommes installés, la structure du sol était catastrophique. La conduite était jusqu´alors très intensive avec des rotations maïs-ray-grass d´Italie sur des terres limono-argileuses très humides, se souvient Jean-Marie. Avec le drainage et l´implantation des prairies, la structure du sol s´est nettement améliorée. » Les éleveurs ont d´abord semé du ray-grass hybride-trèfle violet, pour obtenir rapidement du fourrage, ainsi qu´une association de ray-grass anglais et trèfle blanc.
« Bien adaptée au pâturage, cette association s´est révélée peu adaptée à la fauche, regrettent-ils. De plus, nous avons eu des problèmes de rouille sur le ray-grass anglais. » Les exploitants avaient également implanté au printemps 4 hectares de prairies composées pour moitié de graminées diverses (RGA, RGH, fétuque des prés, brome, pâturin des prés et fléole) et de légumineuses (trèfle violet, trèfle hybride, trèfle blanc, lotier et minette). « Pour essayer », raconte Jean-Marie dans un sourire. L´essai s´est avéré concluant, et aujourd´hui, toutes les prairies de l´exploitation sont des multiespèces. Toutefois, le mélange semé n´est plus tout à fait le même qu´à l´origine.
« J´ai notamment arrêté d´incorporer du brome. Il se plaisait trop et étouffait les légumineuses. Je l´ai remplacé par de la fétuque élevée. Même si elle n´est pas très appétente, elle aide bien à la fenaison et structure les andains. » Le pâturin des prés a également disparu du mélange initial. « Il présente un intérêt pour coloniser les trous, mais dans nos sols plutôt riches, nous n´en avons pas l´utilité. » Quant à la minette, elle n´a jamais vraiment réussi à percer dans les parcelles de l´exploitation.
©E. Bignon |
La composition de la prairie évolue dans le temps
En fait, le mélange actuel a été concocté au fil des années. Pour affiner ses choix, l´éleveur a pris soin de consigner toutes ses évolutions de pratiques. « J´y suis allé progressivement, à tâton », confie l´éleveur, en précisant qu´il n´a jamais eu besoin de casser une prairie. « Il n´y a pas de recette miracle, c´est à chacun de faire ses propres expériences pour trouver un juste équilibre selon le contexte pédo-climatique et le type de conduite choisi. » Concrètement, il sème aujourd´hui 19 kg de graminées, avec une base de RGA (10 kg dont la moitié en tétraploïde, et l´autre moitié en diploïde), de fétuque des prés (4 kg) et de ray-grass hybride (2,5 kg). Enfin, la fléole (1,5 kg) et la fétuque élevée (1,5 kg) complètent le tout. Pour les légumineuses, le mélange réunit du trèfle violet (4 kg), du trèfle hybride (3,5 kg) et du trèfle blanc (3 kg, dont 2 kg en TB géant et 1 kg en TB nain). « Je maintiens aussi 2,5 kg de lotier car c´est une plante non météorisante, qui améliore sensiblement le taux protéique. Mais il n´est réellement présent que la première année. »
C´est vrai aussi pour le trèfle violet et le ray-grass hybride qui assurent un bon rendement les deux premières années suivant l´implantation (8 tMS/ha) mais disparaissent ensuite. « Avec ce type de prairies, il faut accepter une certaine évolution. D´une année sur l´autre, on n´obtient jamais la même composition entre espèces. »
Le mélange est semé sous couvert d´avoine, le plus tôt possible au printemps. Cette pratique permet de bien maîtriser le développement des adventices. De plus, l´avoine, fauché en foin à la mi-juin, offre du rendement (4 à 7 tMS) et un fourrage de qualité aux génisses. Les semis d´avoine (80 à 100 kg/ha) se réalisent à la volée. Pour le mélange prairial, Jean-Marie utilise le semoir à céréales, mais il efface les tubes de descente pour pouvoir disperser les graines. « Cela favorise une colonisation rapide et totale du milieu et évite en même temps l´invasion des adventices entre les lignes de semis. »
Des semis de printemps sous couvert d´avoine
Autre règle d´or : la composition du mélange et son introduction dans le semoir se réalise hectare par hectare pour préserver une meilleure homogénéité sur la parcelle. « Mieux vaut semer au printemps, quitte à perdre une demie année de production, insiste l´éleveur. Les semis d´automne ont tendance à trop favoriser les graminées, au détriment des légumineuses. » Visuellement, l´année de l´implantation, la prairie semble étouffée par les légumineuses. « Mais il ne faut pas s´inquiéter, c´est bon signe ! », s´enthousiasme Jean-Marie. En première année, la proportion de graminées s´élève environ à 40 %, et le rapport s´inverse au fur et à mesure que la prairie vieillit.
Les éleveurs apprécient aussi la souplesse d´exploitation permise par les prairies multiespèces. De par leur composition, elles permettent une utilisation mixte pour la fauche et la pâture. Les animaux s´y adaptent bien. Pour preuve, les bonnes performances techniques et économiques de l´élevage. « Et côté sanitaire, en vingt ans, je n´ai pas eu un seul problème de météorisation », rassure Jean-Marie. De quoi convaincre d´autres éleveurs de se lancer à leur tour.