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Rations hivernales, adapter et anticiper !

Maïs hétérogènes, manque de fourrages, recours à des achats… Les difficultés se multiplient pour équilibrer les rations. Pour y voir clair, prenez le temps de réaliser un bilan fourrager et d’anticiper vos besoins pour l’année à venir.

Les stocks fourragers sont globalement très bas et la qualité du maïs hétérogène, avec toute la complexité que cela implique pour l’alimentation des troupeaux. © F. Mechekour
Les stocks fourragers sont globalement très bas et la qualité du maïs hétérogène, avec toute la complexité que cela implique pour l’alimentation des troupeaux.
© F. Mechekour

Si les situations sont variables – des pluies d’orage au bon moment ont sauvé quelques maïs – les stocks fourragers sont globalement très bas et la qualité du maïs hétérogène, avec toute la complexité que cela implique pour l’alimentation des troupeaux. Dans l’Est, le déficit fourrager est très marqué. « C’est la pire année qu’on ait connu, déplore Julien Homand, spécialiste nutrition à la chambre d’agriculture de la Haute-Marne. Sur notre département, les rendements sont en baisse de 40 à 70 %. » Une baisse estimée de 30 à 40 % sur le Grand Est. « Dans la Meuse, les rendements varient de 3,5 à 11 tMS. En plus de ce problème de quantité, s’ajoute un manque d’énergie et des valeurs alimentaires très variables, avec des teneurs en amidon de 4 à 34 %, une énergie de 0,82 à 1 UFL », chiffre Lionel Vivenot, de l’ULM.

Même constat de baisse de rendement et d’hétérogénéité dans le Massif central. « Le rendement est de 30 à 50 % en baisse pour le maïs », constate Philippe Andraud, dans le Puy-de-Dôme. Ces baisses de rendement s’ajoutent à l’absence de stocks de report, après une année 2018 déjà tendue et un été où l’affouragement a débuté très tôt.

Diluer les maïs de qualité

Dans l’Ouest, les rendements sont aussi en baisse. « Sur notre zone des Pays de la Loire, les rendements varient de 5 à 15 tMS », avance Mickaël Sergent, nutritionniste chez Seenovia. Heureusement la qualité semble au rendez-vous. « Sur les 250 analyses que nous avons déjà réalisées, on voit des maïs avec une bonne valeur alimentaire, autour de 0,92 UFL, une bonne digestibilité de la matière organique, supérieure à 72 %, une bonne MAT donc un faible encombrement », analyse Mickaël Sergent. Ce qui se traduit par un fourrage très ingestible, que la vache va vite transformer. « L’ingestion augmentera certainement de 1 à 1,5 kg de matière sèche », prévient le spécialiste de l’alimentation. Il faudra donc prévoir d’ajouter des fourrages grossiers pour saturer l’ingestion et ne pas pénaliser l’efficacité alimentaire. S’y ajoutent de fortes variabilités des taux d’amidon, de 15 % à 30 %, selon la pluviométrie au moment de la fécondation des grains. « Globalement, la valeur alimentaire est bonne. Comme cet ensilage est peu encombrant, les vaches pourraient en consommer plus qu’elles n’en valoriseraient. Il faut le diluer avec un autre fourrage, par exemple, avec 3 à 4 kgMS d’ensilage d’herbe, de l’enrubannage, même du foin ou de la paille hâchée », conseille Mickaël Sergent.

Apporter de l’énergie pour compléter les fourrages grossiers

Dans les zones à très fort déficit fourrager, c’est toute la stratégie des rations qu’il faut revoir. Des fourrages, foin, luzerne, paille, ont déjà été achetés pour compléter le peu de stock de maïs. Dans ces rations, c’est l’énergie qui va manquer. « Il faut couvrir les besoins énergétiques en veillant à l’équilibre énergie/amidon, rappelle Philippe Andraud. Par des céréales, des coproduits. Des achats qu’il faut anticiper pour en trouver en quantité suffisante et à des prix corrects. »

Face au manque de stocks, les meilleurs fourrages sont à réserver aux vaches, quitte à passer les génisses en ration sèche foin ou paille + céréales, voire coproduits. « Il est possible d’avoir des bonnes croissances avec une ration à base de paille bien complétée en énergie, estime Lionel Vivenot, d’ULM, en partant sur 1,1 kgMS par 100 kg de poids vif complété par 3 à 4 kg de concentrés, des céréales aplaties et du tourteau de colza. Si la paille n’est pas assez bien consommée, il est possible d’ajouter de la mélasse mais il faut en tenir compte dans l’équilibre de la ration. »

Encore plus cette année, avec des rations « inhabituelles », il faudra bien gérer les transitions et veiller aux apports de minéraux (calcium, phosphore) et de vitamines.

Réaliser un bilan fourrager

 

 
La première étape est de connaître ses stocks réels. © E. Bignon

 

Maintenant que les maïs sont ensilés, il est temps de faire le point sur ses stocks et de mettre en face les besoins de son troupeau pour l’année, pour adapter les rations et anticiper les achats de ressources complémentaires.

Face au déficit fourrager en quantité, en qualité, il faut prendre le temps de faire le point sur ses ressources et ses besoins pour élaborer différents scénarios. La première étape est de connaître ses stocks réels. « Il faut cuber précisément ses silos, conseille Mickaël Sergent, nutritionniste chez Seenovia. Attention aux densités, 10 points d’amidon en moins, c’est 10 kgMS par mètre cube en moins dans le silo. » Étant donné l’hétérogénéité des maïs, le cubage doit être complété par une analyse de valeurs de l’ensilage. Cet inventaire doit tenir compte de toutes les ressources, des fourrages mais aussi de la paille, des céréales.

En face de ses ressources, il faut estimer les besoins de son cheptel et calculer ses rations sur le long terme. Selon son système fourrager, il est nécessaire d’anticiper les besoins pour tenir jusqu’aux ensilages d’herbe, voire jusqu’à la prochaine récolte de maïs. « Il faut prévoir ses besoins fourragers sur douze mois et penser à reconstituer ses stocks de report », conseille Julien Homand, spécialiste nutrition à la chambre d’agriculture de la Haute-Marne.

Quand les fourrages manquent, on pourrait être tenté de réduire les effectifs. « Déstocker au niveau des vaches pénaliserait l’exploitation à long terme, prévient Julien Homand. Quelques réformes peuvent être anticipées. C’est du côté de l’engraissement qu’il faut regarder. Combien ces animaux rapportent-ils ? Quelles ressources fourragères consomment-ils ? »

Si l’urgence est, à court terme, d’adapter ses rations, une réflexion à plus longue échéance, sur la résilience de son système s’impose.

Anticiper ses achats

° « Des solutions techniques existent, reste le problème de la trésorerie », ne cache pas Julien Homand. Ces achats, il faut les anticiper pour ne pas être pris au dépourvu, avoir le temps d’étudier les prix et compositions pour caler les rations sur l’année et pour prévoir la trésorerie nécessaire. Certains ont anticipé des achats de maïs sur pied. « À 80 à 90 €/tMS, ça reste le plus économique », reconnaît Mickaël Sergent. Mais il n’y avait pas beaucoup d’hectares à vendre. « Certains éleveurs ont fait jusqu’à 30 km pour trouver des parcelles à ensiler, témoigne Julien Homand. Avec ce que cela implique en frais de récolte. »

D’autres ont préféré compléter le stock de paille. « Comme les cultures ont été correctes cette année, il y a de la ressource en paille. Pourtant, la spéculation a déjà fait grimper les prix », prévient Julien Homand. En France ou en Espagne, il est possible de trouver de la luzerne (bouchons ou brins longs).

 

 
La pulpe surpressée de betteraves peut remplacer du maïs ensilage. © E. Bignon

 

° Les coproduits ont des valeurs alimentaires intéressantes pour compléter des fourrages de faible qualité ou les rations sèches. Même si le marché s’annonce tendu, la pulpe surpressée de betteraves peut remplacer du maïs ensilage. Le corn gluten, les coproduits de pommes de terre sont souvent utilisés. Il y a aussi les coproduits humides de blé qui ont une bonne valeur alimentaire : 17 % de MAT, 1 UFL/kg MS pour un coût de 95 à 100 €/t brute rendue. « Avec de la paille ou du foin, en mélangeuse, ça peut être intéressant si on manque de maïs », envisage Mickaël Sergent. Reste à trouver les bons compromis prix/valeur alimentaire, en fonction des coproduits disponibles dans sa zone.

Sécuriser ses ressources fourragères

Ces deux années au bilan fourrager si tendu amènent à réfléchir aux possibilités de sécuriser une partie de ses stocks avec des cultures moins soumises au stress hydrique estival : des méteils au printemps, des prairies pour des récoltes et du pâturage au printemps et un peu à l’automne, d’autres cultures fourragères. « Certains éleveurs testent le sorgho qui, s’il a le même cycle que le maïs, repartirait plus facilement dès qu’il pleut », partage Julien Homand. Si implanter des dérobées peut apporter une ressource supplémentaire, il faut cibler des parcelles avec suffisamment de réserve hydrique pour ne pas tout pomper avant la culture.

À retenir

° Une variabilité des situations
° Des baisses de rendement jusqu'à 70 %
° Des taux d'amidon de 15 à 30 %
 

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