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Image des produits français
Quelles seront les conséquences de l’affaire Lactalis ?

La filière laitière française s’inquiète des retombées sur l’image d’excellence de la qualité française et sur ses marchés.

Cette affaire de poudres contaminées à la salmonelle est un traumatisme pour toute la filière laitière française. Il y aura un avant et un après l’affaire Lactalis. L’ampleur des mesures prises est sans précédent : avec un retrait-rappel de 12 millions de boîtes ; avec l’arrêt des deux tours de séchages à Craon en Mayenne, un site qui exportait dans 83 pays ; et des mesures prises par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation pour monter le niveau de garantie du système d’autocontrôles français. La déferlante médiatique aussi est impressionnante, nourrie par de nombreux rebondissements : il y a eu quatre étapes de retraits-rappels (le 1er, le 10, le 21 décembre 2017 et le 12 janvier 2018) ; des distributeurs ont mal appliqué les mesures de retrait-rappel ; et des plaintes ont été déposées contre l’industriel et les distributeurs. Concernant Lactalis, au moment où nous mettons sous presse le 19 janvier, une enquête est en cours pour quatre chefs d’inculpation.

Les opérateurs de la filière contactés ne commentent pas l’affaire, tant que l’enquête dure. Lors de sa dernière conférence de presse, la FNPL résume l’état d’esprit de la filière : "L’excellence française s’appuie sur la qualité sanitaire. Cet accident montre que rien n’est jamais acquis. On est tous fragiles. Tout le monde reste humble et est conscient que la filière doit tout mettre en œuvre pour éviter qu’un tel accident se reproduise. Celle-ci est partie pour travailler ensemble."

Pour rassurer sur le sérieux de la France en matière sanitaire, le ministre de l’Agriculture Stéphane Travert a annoncé des mesures pour renforcer l’arsenal français des plans d’autocontrôles. L’enjeu est de taille avec un important marché à l’international, en croissance.

Les autres marques du groupe fragilisées

Cette affaire a des conséquences d’abord pour Lactalis. Craon est le seul site de production de poudres infantiles du groupe. C’est un débouché rémunérateur que le groupe n’a plus tant que les tours sont à l’arrêt, et qui représentait entre 1 et 7 % de son chiffre d’affaires (7 % sont la part que représentent les "ingrédients et poudres famille"). Le lait destiné à fabriquer ces produits infantiles est reporté sur d’autres débouchés. Lactalis a assuré aux producteurs de la zone de Craon que la collecte continuerait et qu’ils ne payeraient pas la facture de cette crise.

Les clients habituels de Lactalis cherchent d’autres fournisseurs, français, européens, américains et/ou océaniens. Si Lactalis décide de revenir sur ce marché, il faudra reprendre les parts de marché perdues. Pour la Chine, il faudra obtenir un agrément pour exporter des poudres de lait infantile. Ce sera long et difficile.

Mais les conséquences ne s’arrêtent pas là. L’image de sérieux du groupe est écornée. Même si l’enquête s’avérait positive pour Lactalis, le battage médiatique laissera des traces. Les médias en ont profité pour rappeler le goût du secret de Lactalis et ses relations conflictuelles avec ses producteurs. Voilà un cocktail qui peut détourner des consommateurs des produits Lactalis. "Tant que le consommateur ne faisait pas le lien entre le nom du groupe et toutes ses marques, on pouvait espérer que cette affaire pèserait peu sur les ventes des autres marques du groupe. Mais les médias ont cité Bridel, Président, La laitière etc., Sur Twitter, des gens appellent au boycott des produits Lactalis. C’est une inquiétude pour nous producteurs", pointe Jacky Gilbert, président de l’OPNC, OP Lactalis de Normandie et du Centre.

Des inquiétudes pour le site de Craon

L’autre inquiétude des producteurs, et surtout de salariés, concerne l’avenir du site. Renoncer au site de poudres de lait infantile fait partie des réflexions du groupe, a reconnu Lactalis, répondant à une journaliste des Échos. Il ne resterait alors que la fromagerie à Craon.

Voilà pour les conséquences pour Lactalis. Mais cette affaire a aussi des incidences pour les autres fabricants de poudres de lait infantile. Du côté positif, il y a ceux qui récupéreront les parts de marché de Lactalis, en France et à l’international. Les parents français, en achetant d’autres marques, vont doper les ventes de Danone et Nestlé principalement. Mais Danone et Nestlé fabriquent une partie de leur poudre de lait infantile à partir de sites néerlandais, allemand… Danone a un tout un complexe de nutrition spécialisée aux Pays-Bas, avec un site de recherche et développement et de production. "Cette affaire va profiter surtout au lait et aux usines de nos voisins européens", conclut Gérard Calbrix, économiste à Atla.

Les Chinois ne tapent pas sur les produits français

Du côté négatif, il y a l’impact sur l’image des poudres françaises et donc sur leur consommation. Prenons le pouls de la Chine, un très gros client de poudres de lait infantiles françaises. "Il est trop tôt pour voir un effet sur la consommation. Mais déjà, le fait que les analyses des autorités chinoises n’ont pas révélé de salmonelle est une bonne chose", indique Jean-Marc Chaumet, de l’Institut de l’élevage.

Après lecture de la presse chinoise, il recense beaucoup d’articles qui relatent les faits sans trop commenter. "Ils relatent les couacs et l’accusation de l’opposition française sur le manque de moyens pour les services de l’État chargés des contrôles. Mais les articles montrent aussi les actions entreprises par la France pour résoudre ce problème : retrait-rappel de tous les lots, contrôles renforcés, l’enquête judiciaire… C’est un gage de sérieux." Il a repéré l’interview d’un expert chinois indépendant, critique envers le système sanitaire français. "Mais pour autant, il n’encense pas un autre pays, et surtout pas le sien", relate Jean-Marc Chaumet. Il faut dire qu’il y a d’autres problèmes en Chine. "Récemment, deux entreprises chinoises ont rencontré un problème de contamination de lait infantile à la salmonelle. D’autres produits, venant d’autres pays, ont été retoqués à la frontière pour des non-conformités vis-à-vis de la réglementation chinoise."

Pour l’heure, trois entreprises ont obtenu des agréments pour exporter des poudres de lait infantile en Chine : Synutra, Sodiaal Nutribio et Isigny Biostime. Le fait que les Chinois aient investi en France pèse certainement dans la balance pour que les Autorités ne remettent pas en cause le système sanitaire français.

Lactalis durement ébranlé

Les acteurs du lait infantile en France

Les détenteurs de marques commercialisées en France

Danone (Blédina, Gallia) et Nestlé (Guigoz, Nidal) sont les deux poids lourds. Lactalis était parvenu, avec ses marques, à se hisser à la troisième place en dix ans en GMS, et à la deuxième place en pharmacie. La marque Hipp (bio) est détenue par une entreprise bavaroise. Modilac est une marque de Savencia. Un petit nouveau, Biostime (Isigny Sainte Mère), est vendu uniquement en magasins spécialisés bio pour l’instant.

Les fabricants français de poudres de lait infantile

Danone et Nestlé fabriquent en partie en France. Le site de Craon est le seul site Lactalis à produire des poudres de lait infantile. Isigny Saint Mère avec Biostime fabrique des poudres de lait infantile, pour l’international principalement avec un gros débouché sur la Chine, et très récemment pour la France.

Synutra, en Bretagne, fabrique à destination de la Chine. Sodiaal Nutribio pour l’Asie, le Moyen Orient et l’Afrique. Laïta a récemment investi dans la fabrication de poudres de lait infantile, dont une partie pour l’export. La laiterie de Montaigu fabrique pour Biostime.

Des exportations bondissantes

Les exportations françaises de poudre de lait infantile ont progressé depuis 2011. "Elles ont moins augmenté vers l’UE (de 41 500 en 2011 à 53 300 t en 2016) que vers pays tiers, où elles sont passées de 68 800 à 95 600 tonnes", indique le syndicat français de la nutrition spécialisée. En 2016, les exportations pesaient donc 148 884 tonnes en tout, pour une valeur de 725,9 millions d’euros.

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