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Trop souvent délaissées
Profitez des repousses d’herbe d’automne !

L’herbe d’automne a une bonne valeur alimentaire, contrairement à une idée répandue, et sa valorisation peut vous permettre de réelles économies de fourrage et concentré. Conseils et mode d’emploi.

Ce n’est pas parce que vous vous avez rouvert le silo de maïs qu’il faut faire une croix sur le pâturage. Les repousses d’herbe d’automne constituent en effet une ressource fourragère qui ne manque pas d’intérêt. « Elles peuvent être plus ou moins abondantes en fonction de la date du retour des pluies et de leur importance, reconnaît Pascal Le Cœur, ingénieur au pôle herbivore des chambres d’agriculture de Bretagne. Il faut au moins 50 mm de pluie et des températures pas trop élevées, inférieures à 25° C, pour bénéficier de repousses exploitables par les animaux. Mais si c’est le cas, la pousse, boostée par la minéralisation, peut être explosive. »

Et, contrairement à une idée reçue très courante, la valeur alimentaire de cette herbe d’automne est tout à fait satisfaisante, proche de celle du printemps. Pour un ray-grass anglais pur, on peut compter sur 1 UF, 110 g de PDIN et 90 de PDIE/kg de MS. Pour une prairie d’association ray-grass anglais et trèfle blanc, les valeurs Avoisinent 1 UF, 140 g de PDIN et 100 g de PDIE. « Et grâce à sa richesse en azote soluble, l’herbe d’automne est très complémentaire du maïs. »

La place de cette herbe dans la ration va dépendre de la pousse et de la surface disponible. En système herbager, avec plus de 45 ares par vache et de bonnes conditions de pousse et de pâturage, l’herbe pâturée peut encore sur septembre-octobre assurer l’essentiel de la ration, avec des niveaux de production de plus de 22 kg.

Un retour sur investissement exceptionnel

Sans aller jusque-là, en système moins herbager, l’herbe d’automne mérite d’être valorisée. « Avec 25 ares par vache et une pousse de 25 kg/ha/jour, ce qui est une situation très courante à l’automne dans de très nombreuses régions, on a plus de 5 kg de MS à pâturer par vache et les valoriser va faire la différence », estime Pascal Le Cœur. Ces 5 à 6 kg de MS d’herbe permettent en effet d’économiser 5 kg de MS de maïs et 1,5 kg d’un correcteur azoté type soja, sans affecter la production, « même pour des vaches hautes productrices en début de lactation, au contraire. Le fait de diversifier la ration avec un peu d’herbe pâturée apporte un plus. Et, en termes de coût alimentaire, le gain à attendre approche les 30 €/1000 l. En effet, en ration maïs plat unique (17 kg de MS à 45 €/t) équilibrée par 3 kg de soja à 400 €/t, le coût alimentaire pour 25 kg produits (24 litres vendus) est de 85 €/1000 l. Si on intègre dans cette ration 5 kg de MS d’herbe pâturée, en complément de 13 kg de MS maïs et 1,6 kg de soja, le coût alimentaire diminue à 55 €/1000 l. On retrouve bien les 30 € de baisse évoqués. Et pour un troupeau de 60 vaches traites, cela se traduit sur les deux mois d’automne — septembre et octobre — par une économie de plus de 2000 € !

Faire consommer 5 kg MS d’herbe pâturée

« Je connais peu de pratiques qui ont ce retour sur investissement, analyse Pascal Le Cœur. La seule chose à faire, c’est de se donner les moyens de faire pâturer cette herbe. Et pour cela, le mot d’ordre est simple : rationner les fourrages distribués. C’est d’ailleurs souvent là que le bât blesse. Lorsque le silo de maïs a été rouvert, les quantités distribuées ne sont pas réajustées en fonction de l’herbe disponible dans les champs." Or, pour faire consommer 5 kg de MS d’herbe pâturée, la quantité de maïs distribué ne doit pas dépasser 12-13 kg de MS, ce qui correspond à environ une heure et demie de consommation. Ce maïs doit être apporté le soir, de façon à ce que lorsque l’éleveur sort ses vaches, après la traite du matin, elles aient faim et fassent un gros repas. Si une heure après avoir conduit vos laitières en pâture, vous les retrouvez tranquillement couchées à ruminer, c’est que la distribution de maïs a été trop généreuse. Les seules situations où l’éleveur a intérêt à donner du fourrage à ses vaches le matin avant de les sortir, et dans ce cas plutôt un fourrage grossier de type foin ou enrubannage, sont les situations à risque de météorisation. Mais elles sont peu nombreuses. Elles concernent essentiellement les parcelles riches en légumineuses météorisantes, avec 50 % de trèfle par exemple, si la pâture a lieu sur des repousses jeunes, de trois semaines ou moins. Avec des temps de repousse d’un mois il n’y a pas de risque.

En situation pluvieuse, limiter le temps de présence des animaux

Les repères et règles de conduite du pâturage d’automne diffèrent peu de celles du printemps. L’idéal pour optimiser la valorisation de l’herbe est de pratiquer un pâturage tournant, avec des hauteurs d’entrée dans la parcelle de 10-12 cm herbomètre et des hauteurs sortie de 5 cm en ray-grass anglais et plutôt 4 cm en prairies d’association. Comme les conditions climatiques d’automne sont souvent plus humides qu’au printemps-été, il peut être intéressant pour limiter le salissement et favoriser l’ingestion de diviser les paddocks ou d’utiliser un fil avant qui permet d’offrir de l’herbe fraîche aux vaches chaque jour en stimulant leur appétit. « Le principal risque du pâturage d’automne, c’est le piétinement", souligne Pascal Le Cœur. À cette période, les conditions climatiques ne sont en effet pas favorables à une reprise en végétation des espèces implantées et s’il y a dégradation de la prairie, ce sont essentiellement les plantes indésirables qui vont occuper les espaces laissés vides.

En situation pluvieuse, la conduite du pâturage doit donc être adaptée, notamment en limitant la durée de présence des animaux pour préserver les parcelles. Les vaches sorties après la traite peuvent être rentrées dans la première moitié de l’après-midi. Les deux ou trois premiers jours, elles vont consommer moins d’herbe et il faudra leur donner un peu plus de fourrages conservés. Mais si ce rythme se maintient, les vaches vont intégrer le fait qu’elles disposent d’un temps disponible au pâturage réduit et adapter leur comportement alimentaire en conséquence, en augmentant leur vitesse d’ingestion. En trois à quatre heures de pâturage, si elles ne sortent pas avec la panse pleine de maïs, les vaches consomment sans problème leurs 5 à 6 kg de MS d’herbe. Des essais menés à l’Inra ont même montré que ces dames pouvaient consommer 7 à 8 kg de MS de pâture en 3 à 4 heures si elles n’avaient pas eu de fourrage complémentaire à volonté pendant la nuit. La vache est décidément un animal étonnant et plein de ressources !….

Un gain proche de 30 euros pour 1000 litres

Après un été sec, ne pas se précipiter !

Si le pâturage d’automne n’a que des avantages, après un été sec, il ne faut cependant pas se précipiter si on veut pouvoir vraiment en profiter. Il faut laisser aux prairies qui commencent à reverdir un temps de repousse suffisant, de façon à avoir une hauteur d’herbe de 9 à 10 cm avant d’y mettre les animaux. Et pour les vaches qui étaient au maïs, une transition sur une bonne dizaine de jours avec réduction des quantités d’ensilage distribuées est nécessaire pour permettre une bonne valorisation de cette herbe par la flore du rumen.

Pâturage d’automne, les dérobées aussi…

Si les repousses d’automne des prairies méritent d’être valorisées, le pâturage de fin de saison peut aussi se faire sur des dérobées. Les plus courantes pour une utilisation en pâture sont le colza et/ou le RGI.

° Un colza fourrager implanté mi-août

peut être pâturé 45 jours plus tard s’il y a un peu d’humidité. Par contre, il faut de bonnes conditions de portance et, pour les vaches laitières, le colza doit être rationné, avec un fil avant par exemple, ce qui demande un peu de travail. Concrètement, on peut y mettre les vaches après la traite du matin et les retirer de la parcelle entre 12 h et 14 h.

° Le ray-grass d’Italie,

lui, peut être pâturé deux à trois mois après semis, selon les conditions climatiques, mais il n’a pas besoin d’être rationné. Fertilisé avec un peu de lisier, l’éleveur peut en obtenir deux tonnes de MS avant l’hiver. Et ce RGI peut ensuite être repâturé pour redémarrer la saison en sortie d’hiver, avant d’être cassé pour y installer un maïs ou une prairie.

° On peut associer

les deux dérobées pour profiter des avantages du colza fourrager et du RGI. Le colza est pâturé d’abord puis le RGI prend le relais. Un autre type de dérobée intéressante est l’association RGI-trèfle incarnat. Le trèfle incarnat améliore la valeur azotée sans être météorisant. Par contre, comme la semence est assez coûteuse, il vaut mieux miser sur ce type de dérobée après une céréale de type orge qui libère la parcelle assez tôt et permet un semis fin juillet. À condition, bien sûr, qu’il y ait un minimum de précipitations.

« Le pâturage d’automne fait un quart du rendement annuel »

Chez Hervé Léal, dans le Finistère, les vaches à 7000 kg de moyenne pâturent tout l’automne. L’herbe pâturée représente près des deux-tiers de la ration jusqu’à début octobre.

« Ici, l’herbe pousse bien, reconnaît Hervé Léal. Les sols sont profonds, la pluviométrie abondante et régulière et les rendements valorisés des prairies atteignent les 9 tonnes de matière sèche à l’hectare, dont environ un quart se fait à l’automne. Entre fin août et la rentrée à l’étable début décembre, je fais deux à trois cycles à environ une tonne de matière sèche. Les 57 vaches à dominante Prim’Holstein et 7000 kg de moyenne d’étable sont en pâturage tournant sur des paddocks de trois à quatre repas dans lesquels j’avance le fil matin et soir, tout au long de la saison. Le fait d’offrir de l’herbe fraîche aux vaches deux fois par jour stimule l’ingestion et me facilite la gestion du pâturage. »

Les vaches entrent dans les parcelles à des hauteurs de 10 à 13 cm et en sortent entre 4 et 6 cm. « Le maintien du pâturage sur tout l’automne ne pose pas de difficulté particulière. Les vaches accèdent aux parcelles par des chemins empierrés assez anciens mais de bonne qualité. Les paddocks les plus humides sont dotés d’une entrée et d'une sortie distinctes mais elles ne sont pas forcément utilisées en permanence. Les sols limono-argileux marquent assez rapidement en cas de pluie, mais ils ressuient bien. Si j’ai un épisode de pluie marqué, je n’hésite pas à rentrer les vaches, je sais que je pourrai les ressortir assez rapidement, dès que le sol aura ressuyé. » Le pâturage plat unique — avec du foin pour les journées pluvieuses — est maintenu jusqu’à fin septembre. « Les vêlages sont étalés et je commence à redonner du maïs pour éviter que les fraîches vêlées ne perdent trop d’état. L’herbe d’automne, riche en trèfle, est appétente et de qualité. Mais par rapport au printemps, elle est plus riche en eau, donc moins ingestible et je pense que la baisse du durée du jour pénalise aussi l’ingestion ", observe l’éleveur. Du coup, les fraîches vêlées dont la capacité d’ingestion est déjà limite par rapport à leurs besoins perdent trop d’état si elles sont uniquement à l’herbe.

À l’ouverture du silo, les quantités de maïs restent limitées, entre 5 et 7 kg de MS/vache/j, que les vaches ont le soir. Elles continuent à pâturer environ dix kilos de matière sèche, jusqu’à ce qu’elles rentrent la nuit à l’étable, normalement la semaine qui suit le passage à l’heure d’hiver. À ce moment-là, les 7 kg de MS d’ensilage maïs sont complétés par 5 kg de MS d’enrubannage. Et les vaches continuent à pâturer à hauteur de 5 kg de MS jusqu’à leur rentrée complète à l’étable, vers le 10 décembre.

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