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Tour des régions
POUR SURVIVRE, LE SUD-OUEST DOIT RELANCER SA PRODUCTION LAITIÈRE

La relance de la production laitière dans le Sud-Ouest est une question de survie pour toute la filière. Producteurs, coopératives et privés se sont mis d’accord sur un plan de relance.

© L'économie laitière en chiffres

La filière laitière du Sud- Ouest est marquée par des sous-réalisations chroniques et, ces deux dernières années, par une baisse de la production laitière, de l’ordre de 9 %. Cette année, la demande forte en lait a fait prendre conscience à toute la filière qu’elle avait à conduire une mission urgente : relancer la production laitière. La filière du Sud-Ouest est organisée sur seize départements, représentant 7 % des livraisons de lait en France. La production est concentrée sur « les piémonts du Massif central et des Pyrénées, là où les conditions pédo-climatiques sont les plus favorables à l’élevage. Dans ces zones, la dynamique laitière est encore forte et la restructuration plus faible qu’en plaine et sur les coteaux secs. Dans les zones intermédiaires, les cultures concurrencent fortement l’élevage laitier, qui est en perte de vitesse », brosse Magali Roubière, du CER Midi-Pyrénées. En moyenne sur le Sud-Ouest, la baisse du nombre d’exploitations laitières (- 40 % en onze ans) est plus forte que sur la France (- 33 %). Les régions intermédiaires sont particulièrement touchées, avec des baisses pouvant dépasser les 10 % sur une année ! Parallèlement, les exploitations restantes s’agrandissent. Les plus fortes hausses de référence par exploitation se trouvent dans le Gers et en Haute-Garonne (en dix ans, plus de 90 000 litres de plus), suivis de la Gironde, la Dordogne… La plus faible dans l’Aveyron (+ 36 000 litres).

RESTRUCTURATION TRÈS FORTE
Les arrêts de production ont diverses causes. La baisse du prix du lait depuis 2001, la mise aux normes, les sécheresses depuis 2003 ont affaibli des exploitations. Dans ce contexte, le lait est concurrencé par d’autres productions, moins astreignantes et plus rentables. Le découplage et les aides à la cessation facilitent les réorientations vers ces productions. Et le Sud- Ouest n’est pas avare de choix : céréales, canards gras, viande bovine, fruits, légumes… Actuellement, ce sont surtout les céréales qui tentent les éleveurs, avec des prix qui pourraient rester élevés. Pour les professionnels rencontrés, la restructuration très forte des élevages, couplée à une gestion administrative lente et départementalisée des quotas, ont aggravé les sousréalisations. « Les seize départements de la zone Sud-Ouest produisent 1,6 milliard de litres de lait, soit à peine plus que le département d’Ille-et-Vilaine. On voit bien que l’échelle départementale pour la redistribution des quotas n’est pas cohérente dans notre région », brosse Jean- Louis Javel, de la Fnil Sud- Ouest.

GESTION DES QUOTAS INADAPTÉE
« Dans le sud du Massif central, qui est dynamique et où le nombre de cessations est l’un des plus faibles du Sud- Ouest, nombreuses sont les exploitations qui demandent du lait. De fait, quand il y a du lait à redistribuer, les volumes sont faibles. À l’inverse, les distributions sont importantes dans les zones en déprise laitière, expose Jocelyn Fagon, de l’Institut de l’élevage. Dans ces zones, les exploitations restantes ne peuvent pas absorber rapidement tout ce lait. En Haute- Garonne, il y a l’équivalent de 45 000 litres par élevage à distribuer au titre de la campagne 2007-2008. Outre les outils de production, la main-d’oeuvre et le temps de travail sont souvent limitants. » Bruno Lechartre, responsable amont à la coopérative 3A ajoute : « là où les attributions de quotas ont été trop faibles, on a découragé l’installation et les exploitations se sont diversifiées. Avec la baisse du prix du lait, les mises aux normes, les problèmes de maind’oeuvre, un certain nombre se sont recentrées sur un autre atelier. » Certains, expliquent que les sous-réalisations chroniques sont aussi dues « à de petites structures qui lèvent le pied en attendant d’être aidées pour la cessation, et qui génèrent des sous-réalisations trop faibles pour être prélevées ». Tous signalent que les prêts de fin de campagne ne sont pas une solution, dans la mesure où ils ne sont pas annoncés assez tôt pour que les éleveurs les produisent.

RÉGIONALISER SUR LES SEIZE DÉPARTEMENTS
Depuis cette campagne, une partie du Sud-Ouest mutualise les quotas qui n’ont pas été achetés dans le cadre des Acal pro (transfert de quotas sans terre). Ces quotas vont aux départements demandeurs. Cette mutualisation est en place sur les six départements de Midi-Pyrénées, et les quatre d’Aquitaine, qui ont opté pour les Acal pro. « Pour 2007-2008, sur Midi- Pyrénées, le Gers est contributaire, ainsi que le Tarn-et- Garonne. Quatre départements sont demandeurs, dont le plus gros est sans surprise l’Aveyron », précise Guillaume Bourge. Pour les acteurs de la filière, ce dispositif est loin d’être suffisant. L’interprofession demande à pouvoir mutualiser les sousréalisations au niveau de la région Cilaisud, dans le but de redistribuer du quota à ceux qui sont capables de le produire. « Nous demandons aussi à pouvoir récupérer au bout de douze mois les sousréalisations », complète Patrick Sourbé, président de l’interprofession. Cette dernière demande à être région pilote pour un tel dispositif, qui intéresse d’autres régions comme Poitou-Charentes et Rhône-Alpes. « On créerait un comité régional sur Cilaisud. Cet organisme pourrait aussi être chargé de l’augmentation des quotas. » Pierre At, président de la FRPL Sud-Ouest, inscrit cette action dans la préparation de l’aprèsquota. « L’objectif est d’ancrer la production sur le territoire avant la suppression des quotas. Avec une gestion plus souple et réactive des quotas, on pourra les redistribuer et faire produire toute la référence régionale. Et en renforçant les liens entre producteurs et transformateurs, on fixera la production sur la région. »
Pour les entreprises, avoir moins de lait sur la zone, ce sont des coûts de collecte qui augmentent, alors qu’ils sont déjà deux fois plus élevés que dans l’Ouest. En plus, les entreprises ont dû acheter du lait à l’extérieur et/ou faire descendre du lait d’autres régions pour faire face à la baisse de la production ; une solution coûteuse.

UN PLAN DE RELANCE
À plus long terme, les outils de transformation pourraient être amenés à se restructurer. « Les grosses entreprises nationales sont attachées à rester dans la région, pour profiter du grand bassin de consommation que sont le Sud de la France et l’Espagne. Les transformateurs ont fait part de leur volonté d’accompagner les éleveurs », affirme Pierre At. Depuis le mois d’août, la filière définit un plan pour motiver les éleveurs à rester et à produire. « Il reste à le valider. Il nous faut rencontrer les directions régionales de l’agriculture et de la forêt et les conseils régionaux pour voir dans quelles mesures ils peuvent nous aider », détaille Patrick Sourbé. Le plan répond à plusieurs enjeux : la régionalisation des quotas; le manque d’animaux pour produire la référence régionale ; le manque d’aliments pour gagner en autonomie et sur les coûts alimentaires ; la modernisation et l’agrandissement des exploitations ; la problématique travail et main-d’oeuvre. Pour faire redémarrer la production, un des principaux leviers est le prix du lait. « Il faut payer le lait aux producteurs pour freiner leurs départs vers d’autres productions. Mais pour cela, il faut pouvoir répercuter les hausses à la distribution », indique Jean-Louis Javel de la Fnil. « Les hausses passent progressivement à la distribution. Il y a un décalage dans le temps. Notre objectif est que début 2008, les hausses à la distribution compensent les hausses du prix du lait de 2007 », expose Jean- Louis Loustau, président de la coopérative 3A.

ALLÉGER L’ASTREINTE
Le plan de relance propose un accompagnement technique des éleveurs, le développement de la recherche sur les plantes résistantes à la sécheresse, une aide à l’achat d’animaux, la mise en réseau des vendeurs et acheteurs… L’amélioration des conditions de travail et l’allègement de l’astreinte est un gros chantier, qui n’a pas attendu le plan de relance pour démarrer. En Aquitaine, « l’une des offres du programme Paqvel vise à faire découvrir concrètement aux éleveurs comment un salarié peut s’occuper du troupeau laitier. L’objectif est de développer le remplacement. L’éleveur finance 20 % des coûts, le reste étant subventionné par le conseil régional », expose Jocelyn Fagon. « En Midi-Pyrénées, des groupes d’exploitations laitières peuvent se faire aider par le conseil régional pour l’embauche de salariés, pendant 18 mois. La finalité est de pérenniser l’emploi du salarié et de créer un groupement d’employeurs, avec une aide à la création. Mais il reste encore plein de solutions à développer », décrit Pierre At. Tous soulignent la difficulté pour trouver et garder un bon salarié.

« TRANSFORMATEURS CHERCHENT PARTENARIATS »
Pour rester compétitifs, les transformateurs ont aussi leurs évolutions à mener. La baisse des charges est travaillée notamment via des accords de collecte. « Nous avons des accords de collecte très avancés avec 3A. Mais sur la zone, je dirais qu’il reste des marges de progrès très importantes avec les privés, développe François Iches, président de Sodiaal Union Auvergne Sud- Ouest. La restructuration industrielle est faite en grande partie dans le Sud-Ouest ; les sites sont très spécialisés par produit. Plusieurs sites se sont récemment modernisés et agrandis pour rester performants. » Les partenariats sont importants pour pouvoir exister demain. Ainsi, Sodiaal industrie et Entremont Alliance s’associent à 50/50 dans une nouvelle entité, pour avoir plus de poids commercial et réduire les charges. La coopérative 3A veut « poursuivre la stratégie d’alliance et d’ouverture, amorcée avec les accords de collecte et Bonilait protéines ». Elle cherche notamment un partenariat pour aller sur le marché espagnol des yaourts. Enfin, les groupes cherchent à mieux valoriser leur production, en sortant de nouveaux produits, et conditionnements, en cherchant de nouveaux débouchés, et ce dans tous les secteurs : lait infantile, lait de consommation, ultra-frais, fromages. ■ Costie Pruilh

La suite de ce dossier dans le numéro 210 - janvier 2008 - page 52 à 57

Un grand bassin de consommation

■ Les atouts
- Les usines des grands groupes sont au coeur d’un grand bassin de consommation, à proximité des réseaux de transport et de l’Espagne, demandeuse de produits laitiers.
- Les plus grands groupes laitiers sont présents et ils valorisent le lait avec des produits sous marques connues.
- Le Sud-Ouest bénéficie d’une bonne image, insuffisamment exploitée pour valoriser les produits laitiers.
■ Les faiblesses
- La concurrence avec d’autres productions, en défaveur du lait, est le gros problème de la filière laitière du Sud- Ouest.
- L’isolement des éleveurs exacerbe cette concurrence, et augmente les coûts de collecte (deux fois supérieurs à ceux de l’Ouest).
- La dépendance alimentaire est plus ou moins forte suivant les aléas climatiques.
- La concurrence pour l’eau s’accroît avec les particuliers. L’irrigation est coûteuse et restreinte.
- Les industriels importent du lait de régions plus au nord, pour optimiser le fonctionnement des usines et répondre au marché.

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