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Piloter l’atelier lait quand tous les prix sont instables

Comment se créer de nouveaux repères ? Et comment améliorer la marge sur coût alimentaire ? Mathilde Enjalbert, d’Elvup, nous guide en sept questions clés.

Depuis un an, tous les prix montent, plus ou moins rapidement et fortement selon qu’il s’agit des coûts, du prix du lait ou de la viande. Les repères sont chamboulés. « Il faut donc s’en recréer et raisonner marge, et non plus seulement coûts ou seulement produits », plante Mathilde Enjalbert, d’Elvup, organisme de conseil en élevage de l’Orne.

La première étape est d’évaluer comment le contexte actuel impacterait ses résultats à conduite identique. « Un prévisionnel – ou une simulation de ses résultats – sera par nature faux, mais il permet d’appréhender le nouveau contexte et d’estimer le montant de ses charges et le niveau de sa marge. »

 

 
Piloter l’atelier lait quand tous les prix sont instables

 

1 - Quels seraient ma marge et mon chiffre d’affaires objectif ?

Pour piloter son atelier laitier, la marge sur coût alimentaire est un bon critère. Il peut être calculé chaque trimestre, voire chaque mois.

La première étape est de déterminer le besoin en marge brute de l’atelier lait (voir infographie), c’est-à-dire la marge brute minimale qu’il faut dégager pour couvrir les autres charges affectées à l’atelier lait (charges de structure hors amortissements à réévaluer dans le contexte actuel), les prélèvements privés, les annuités, la capacité d’autofinancement et une marge de sécurité à définir. Ce peut être un montant de trésorerie de sécurité, pour couvrir une mensualité et un mois de prélèvement privé ou encore un achat de fourrage imprévu.

Une fois cette marge brute minimale « annuelle » définie, nous y retirons les aides, les produits annuels viandes estimés (multipliés par 1,4 à 1,6 par rapport à l’année passée) et les charges opérationnelles hors alimentation des vaches estimées. Nous obtenons notre objectif de marge sur coût alimentaire annuel, qui peut être ramené au mois ou au jour.

Une autre approche est, à partir de l’objectif de marge brute minimal, d’estimer la hausse de toutes mes charges opérationnelles dans le contexte actuel. Cela donne un chiffre d’affaires atelier lait objectif.

Cela permet de construire sa conduite et de définir une référence qu’il faudrait produire selon ces premières hypothèses, avant de tester des scénarios avec adaptations de conduite.

2 - Faut-il livrer plus ?

Une fois le chiffre d’affaires objectif évalué, le raisonnement à la vache présente – ou aux 1 000 litres – permet d’estimer, avec une hypothèse de prix payé, quel volume de lait minimal il faut livrer pour atteindre ce minimum. Ou alors, quel prix du lait minimum il faut obtenir pour rester à un volume livré constant.

Une fois les objectifs estimés, il est possible au quotidien de savoir si l’on est loin ou non de l’objectif et de mesurer l’impact sur sa trésorerie.

Si, à volume constant, le prix du lait payé n’est pas suffisant par rapport à l’objectif, il reste à envisager le levier production. La hausse de productivité est-elle possible à coût de ration maîtrisé ? Grâce à des fourrages de meilleure qualité, une proportion de vaches en début de lactation plus élevée… Si non : puis-je jouer sur la ration tout en maintenant la marge ?

3 - Faut-il réduire le concentré de production ?

Il faut que mon profit marginal reste positif. Le coût d’un kilo de concentré de production équilibré est comparé avec la recette laitière supplémentaire permise par ce kilo de concentré.

Quand la ration de base est équilibrée, il peut amener de 0,5 à 0,9 litre de lait de plus. Le concentré supplémentaire peut également améliorer les taux et l’état corporel des animaux. Des progrès qui ne sont pas évidents à comptabiliser.

Pour évaluer simplement l’intérêt du concentré de production, il est possible à l’aide d’un rationneur de calculer le lait permis par l’ajout de 1 kg de concentré par rapport à la situation initiale. Par exemple, si mon concentré coûte 400 €/t, que mon prix du lait est à 450 €/1 000 l, pour rentrer dans mes frais, il faut au minimum que je gagne 0,9 l/VL.

Mais attention, ne faites pas d’économies sur les taries, ni sur les génisses de moins de 10 à 12 mois. Et encore moins sur les génisses de moins de 6 à 8 mois. Cela se payera sur la suite de la carrière de l’animal !

À l’inverse, si le rapport de prix est en faveur du concentré, on peut augmenter un peu les quantités. Ce peut être valable pour ceux qui se sont couverts à des prix intéressants.

4 - Combien de génisses de moins à élever ?

Il faut définir son besoin en renouvellement, c’est-à-dire combien de génisses doivent entrer dans le troupeau cette année, l’année prochaine, dans deux ans, pour remplacer les « vraies réformes », donc sans compter les vaches qui sont poussées sévèrement par les primipares entrantes.

Une fois mon objectif de renouvellement calé, en intégrant éventuellement une sécurité, je peux dès aujourd’hui vendre mes génisses surnuméraires (elles coûtent de l’argent et mobilisent de la surface fourragère) par classe d’âge. Et mettre en place une stratégie d’accouplement pour maîtriser mon nombre de génisses à naître dans les années à venir.

5 - Deux coupes d’herbe de très haute qualité ou une seule ?

Les fauches très précoces permettent d’obtenir un fourrage de très bonne valeur alimentaire et de réduire le correcteur azoté. Mais, avec un rendement plus faible et deux ou trois coupes, elles coûtent plus cher à réaliser qu’une seule fauche à l’optimum rendement/qualité. Surtout vu la hausse du prix du fioul. En outre, elles demandent plus de travail. Mais vu le prix du correcteur azoté depuis le début de l’année, nous estimons que c’est intéressant, à condition d’avoir un bon stock fourrager par ailleurs.

6 - Faut-il mettre de l’urée ?

En conventionnel, cela vaut le coup d’utiliser de l’urée alimentaire pour les laitières, en substitution partielle du tourteau de colza ou du tourteau de soja, dans la limite de 50 % d’azote non protéique sur azote soluble. En général, nous n’excédons pas 100 à 150 g d’urée par vache, pour économiser jusqu’à 500 g par vache de tourteau de soja. Ceci est valable tant que le coût de l’urée ne dépasse pas le coût du tourteau de soja multiplié par 5 ou 6.

7 - Quand une opportunité de matière première ou de fourrage est-elle valable ?

Pour estimer l’intérêt d’une opportunité d’achat d’aliment ou de fourrage, Elvup propose de calculer son prix d’intérêt au regard de ses valeurs alimentaires (UFL et azote métabolisable) et de son encombrement à un instant t, au regard des prix de marché de huit à quatorze matières dont les valeurs alimentaires sont connues. Ces matières de référence nous permettent de calculer un prix de marché du point d’UFL et du point d’azote métabolisable. Avec ces prix de marché, nous calculons le prix d’intérêt de l’aliment ou du fourrage, qui doit donc être supérieur ou égal au prix auquel l’éleveur peut l’obtenir. Par exemple, en septembre, les sources azotées les plus intéressantes au regard de leurs valeurs et prix de marché étaient le tourteau de colza et de canola (OGM). Coté concentré équilibré du marché, l’Amyplus était très intéressant.

À retenir

La marge aux 1 000 litres est pertinente quand la référence laitière est limitante ; ce qui est moins le cas aujourd’hui. Avec le travail et la place en bâtiment qui deviennent limitants, la marge à la vache est plus pertinente.

La marge sur coût alimentaire utilisée est la différence entre la recette laitière et les achats d’aliments, les charges opérationnelles des fourrages, les travaux de récoltes, pour les laitières et les taries.

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