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Piloter l’alimentation des génisses pour un vêlage précoce

Après la phase cruciale de 0 à 6 mois, l’élevage des génisses destinées à un vêlage précoce exige une croissance soutenue. L’expérience des Trinottières montre qu’elle est compatible avec du pâturage.

Plusieurs enquêtes, réalisées dans l’Ouest de la France, il y a quelques années avaient montré les réticences des éleveurs à pratiquer un véritable vêlage à deux ans. Pourtant, le vêlage précoce est un levier efficace pour optimiser les coûts et les performances d’un troupeau. « Selon le système d’élevage, en particulier lorsqu’il y a des grandes surfaces de prairies à valoriser, un vêlage semi-tardif à 30 mois peut être judicieux, admet David Plouzin, responsable des génisses à la ferme expérimentale des Trinottières. Mais, de nombreux éleveurs, qui font du vêlage à 30 mois, pourraient gagner deux à trois mois. Même avec des vêlages toute l’année ou des mises bas de fin d’hiver et de printemps, il est possible de faire du vêlage précoce. En Montbéliarde aussi, des éleveurs parviennent à faire du vêlage à 23-24 mois et il a été montré qu’il améliore, comme en Prim’Holstein et Normande, le lait par jour de vie. » Il n’est pas moins vrai que cette stratégie exige une très bonne maîtrise technique pour que les génisses réalisent des croissances soutenues (de l’ordre de 800 grammes par jour en moyenne pendant les 24 mois d’élevage), de sorte qu’elles aient le poids requis à 6 mois (30 % du poids adulte, soit 210 kg en Prim’Holstein), à l’insémination (60 %, 400 kg) et au vêlage (90 %, 620 kg).

Pour s’assurer que ces objectifs de poids sont atteints, les performances des génisses doivent faire l’objet d’un suivi régulier. « Les pesées de génisses ne sont quasiment jamais faites en élevage laitier. Mais, la mesure du tour de poitrine, bien qu’elle soit moins fiable que la pesée, est un outil intéressant pour progresser », insiste David Plouzin.

Tout retard entre 0 et 6 mois est difficile à rattraper

La phase d’élevage, qui va de la naissance jusqu’à 6 mois correspond au développement squelettique. Elle est capitale pour « obtenir un développement adulte optimal. Tout retard de croissance sur cette période sera difficile à rattraper », affirme le groupe interrégional génisses laitières du Grand Ouest, dans le guide pratique édité il y a quelques années. Nous ne reviendrons pas en détail sur cette phase, maintes fois abordée dans nos colonnes (voir les principales recommandations ci-contre). « La phase 0 - 6 mois est identique, quel que soit l’âge au vêlage, sauf qu’avec des vêlages très tardifs, on peut accepter un objectif de poids un peu inférieur, explique David Plouzin. Mais, à partir de 6 mois, la conduite des génisses qui vêlent à plus de 30 mois est totalement différente par rapport à du vêlage précoce. Il faut maximiser le pâturage et serrer la vis sur les fourrages distribués et les concentrés pour que la génisse coûte le moins cher possible à produire. »

Pas de croissances excessives autour de la puberté

Les génisses de plus de 6 mois sont moins exigeantes que les plus jeunes. Tout type de rations est possible (paille, foin, enrubannage, ensilage d’herbe ou de maïs), à condition qu’elle soit équilibrée et bien pourvue en fibres. Pour un vêlage à 24 mois, à 620 kilos de poids vif, il faut viser une croissance moyenne de 750 grammes par jour jusqu’au vêlage. David Plouzin attire l’attention sur les risques de croissance excessive entre 6 et 12 mois, période au cours de laquelle se produit la puberté (autour de 40 à 50 % du poids adulte) et se mettent en place les tissus mammaires. Une croissance trop forte peut entraîner un dépôt adipeux autour de l’appareil reproducteur et dans la mamelle, préjudiciable à sa future carrière de laitière. « La capacité d’ingestion de la génisse augmente très vite au fur et à mesure qu’elle grossit, explique-t-il. Même avec un foin à 0,70 UFL distribué à volonté, et a fortiori avec de l’ensilage de maïs, il faut bien piloter le concentré pour ne pas dépasser 800 - 900 g/jour de croissance. Pour faire du vêlage à 25 mois, des éleveurs ont tendance à rattraper le retard pris entre 0 et 6 mois sur la période suivante où de bonnes croissances sont plus faciles à réaliser. Ce n’est pas une bonne chose. » Un risque présent surtout lorsque les génisses ne vont pas à la pâture la première année.

Attention aux « génisses trop belles » en fin d’hiver

La ferme des Trinottières fait pâturer les génisses dès la première année. Elles sortent vers l’âge de 6 mois. « Nous visons une croissance de 800 g/jour, mais ce n’est pas simple de l’atteindre. Nous sommes plutôt entre 700 et 800 g/jour. Pour cela, il est indispensable de complémenter avec du foin et 1 kg de blé par jour. Ne pas oublier la complémentation minérale (50 g de CMV 0-28-5) et une pierre de sel. L’été, nous distribuons de l’ensilage d’herbe, ce qui permet de remonter les croissances autour de 850 g/jour. » L’hiver suivant, après une transition de 15 jours, les équipes techniques de la ferme expérimentale visent une croissance de 600 g/jour. « Une croissance modérée permet d’économiser du fourrage et du concentré. De plus, elle est favorable à la fertilité, justifie David Plouzin. On voit trop d’élevages où les génisses sont trop belles à la fin du deuxième hiver. À la mise à l’herbe, elles se prennent une claque. En fin d’hiver, elles ne devraient pas dépasser 2,5 à 3 en note d’état. Quand elles sont confirmées gestantes et que la mise à l’herbe approche, nous arrêtons le concentré et nous serrons la vis sur le fourrage. Il faut vraiment piloter leur conduite. »

Croissance compensatrice en deuxième saison de pâture

Cette stratégie, qui vise à réduire le coût de production des génisses, permet de profiter de la croissance compensatrice au printemps suivant. « Avec de l’herbe de qualité et en quantité suivante, aliment le plus économique qui soit, elles font des croissances à plus de 1 000 g/jour », assure le spécialiste des génisses. Une croissance élevée en hiver (800 à 900 g/jour) entraîne une croissance réduite au pâturage suivant (700 à 800 g/jour). Il attire cependant l’attention sur la date de mise à l’herbe : « il faut faire la mise à l’herbe le plus tôt possible au printemps mais il y a des risques à les sortir à moins de 50 jours de gestation. Il est préférable d’échelonner les sorties. » En deuxième année, la complémentation n’est pas indispensable tant que la ressource herbagère est suffisante. « Pour du vêlage précoce, quand on avance dans la saison, si l’herbe est moins bonne ou vient à manquer, il faut complémenter avec du foin (voire de l’ensilage d’herbe ou de maïs) et du concentré. Aux Trinottières, les génisses à deux mois du terme reçoivent une ration avec moitié ensilage d’herbe, moitié ensilage de maïs, foin au râtelier et 50 grammes de minéral. Elle est disponible pendant une heure seulement. On vise ainsi une croissance de 900 g/jour. » Ne pas oublier de l’eau à volonté et une pierre de sel en permanence. Cela va sans dire mais c’est mieux en le disant.

Optimiser le coût des génisses

Simplifier le rationnement en deuxième hiver

« Beaucoup d’éleveurs travaillent avec des rations simplifiées en deuxième hiver qui marchent très bien », indique David Plouzin. La ferme des Trinottières a testé plusieurs rations simplifiées pour les génisses laitières. Elles visent un objectif de croissance de 600 g/jour.

° La plus simple consiste à poser dans l’auge des balles cubiques de foin (de 80 cm de haut), ficelles retirées et non démêlées, tous les 5 à 7 jours. Elles sont repoussées chaque jour. Le concentré éventuel, selon la valeur du foin, et les minéraux sont distribués quotidiennement sur les balles. Le cornadis est bloqué le temps qu’ils soient consommés. Cette technique peut être pratiquée avec de la paille en ajustant la quantité de concentré.

° Autre solution : distribuer de l’ensilage en mélange avec concentrés et minéraux deux fois par semaine (maïs ou sorgho) ou trois fois (céréales immatures). Si le taux de matière sèche de l’ensilage est inférieur à 30 %, le séjour à l’auge ne doit pas dépasser deux jours. L’ensilage est ingéré en 1,5 jour (pour une ration de 3 jours) à 2 jours (ration de 4 jours). Pour le reste du temps, il faut mettre à disposition des génisses des balles de foin non démêlées.

° L’équipe des Trinottières a testé aussi la distribution des refus de la ration complète des vaches laitières, à base d’ensilage de maïs. De valeur alimentaire proche de la ration initiale, ils sont distribués sur la base de 0,9 à 1 kilo par 100 kilos de poids vif, afin de limiter la croissance à 600 g/jour, et complétés avec du foin ou de la paille à volonté. Il est possible aussi d’alimenter les génisses avec la ration complète des vaches sur les mêmes bases de rationnement, par exemple une ration de vache laitière (à 95 - 100 g de PDI/UFL) pour six génisses de 350 kilos.

Une ration identique les premier et deuxième hivers ?

David Plouzin et ses collègues de la ferme de Trévarez ont expérimenté des rations identiques pour le premier et le deuxième hivers. « Ce n’est pas possible de donner la même ration à des génisses de 6-10 mois et à des génisses de 18-20 mois parce que la capacité d’ingestion des secondes augmente très vite. Elles faisaient plus de 1 000 g/jour. Face à cela, il y a deux solutions : soit on fait un fond commun pour toutes les génisses et on rajoute du concentré pour les petites, soit on fait une ration commune mais on limite la consommation des plus grosses pendant un temps donné et on complète avec du foin ou de la paille dans un râtelier. »

L’hiver dernier, ils ont essayé une autre formule innovante. Les veaux de moins de 6 mois étaient alimentés avec un mash fermier (50 % foin de luzerne, 50 % concentré). Le même mash a été utilisé pour les 14-18 mois en rajoutant de la paille dans la mélangeuse. La ration était distribuée une fois par semaine.

De 0 à 6 mois, une période décisive

La conduite des génisses de 0-6 mois est cruciale pour réussir un vêlage à 24 mois. Rappelons-en les principes :

- maîtriser le tarissement et la préparation du vêlage pour réduire les troubles sanitaires après la naissance ;

- un logement sain ;

- distribuer « le maximum de colostrum au premier repas le plus tôt possible » ;

- être précis dans la distribution du lait (pesée de la poudre) ;

- régularité de la matière grasse en lait entier, volume, température, dilution… ;

- faire consommer du concentré et de la fibre (foin, paille) le plus tôt possible ;

- ne pas oublier l’eau…

David Plouzin insiste sur l’intérêt de simplifier les plans d’allaitement (plan constant, 1 buvée par jour ou 6 buvées par semaine), aussi bien en lait entier qu’avec un aliment d’allaitement : « le soir, le veau se purge et ça l’incite à consommer du concentré ».

Quant au sevrage, il est réalisé lorsque le veau consomme 2 kg de concentré par jour (à l’âge de 8 semaines aux Trinottières). « Il ne faudrait pas dépasser 10 semaines, sauf en élevage biologique où l’allaitement est de 12 semaines minimum. Au-delà, l’élevage du veau coûte cher. » Après la phase lactée (objectif de croissance de 850 g/jour), la période sevrage - 6 mois est tout aussi décisive. « Il faut viser une croissance de 950 g/jour, recommande David Plouzin. Beaucoup d’éleveurs apprécient les rations sèches avec de la paille car elles sont plus sécurisantes que le foin au niveau fibre. Mais, souvent, ils ne donnent pas assez de concentré. Il faut absolument distribuer 3,5 kilos de concentré par veau et par jour. Tout type de ration est jouable. Même l’ensilage de maïs marche très bien si on maîtrise le rationnement : ration équilibrée, ajout de concentré au départ pour compenser une faible capacité d’ingestion, rationnement du maïs à partir de 5 mois, apport de fibre. »

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