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À l’EARL de Rouvau dans la Meuse
« Nous voulons un bon compromis avec la qualité de vie »

Avec 60 vaches et une activité d’accueil à la ferme, Christophe et Pascale Mangin conjuguent rentabilité et équilibre familial. Leur fil conducteur : une conduite simple et économe.

Pascale et Christophe Mangin ont décidé de poser leurs valises à Chalaines, petite bourgade du sud meusien il y a vingt ans. Christophe est fils d’agriculteur mais il s’avérait difficile de s’installer sur la ferme familiale. Pascale, de son côté, n’est pas issue du milieu agricole. « Nous nous sommes installés hors cadre familial, quasiment sans apport, mais nous avons de la chance car le cédant nous a facilité la reprise, confient les éleveurs. Il avait à cœur de transmettre son outil de travail (108 ha, 300 000 l), à un couple qui vivrait comme lui, d’une exploitation à taille humaine. » L’exploitation a été estimée à sa valeur économique, et non à sa valeur patrimoniale. Les éleveurs ont pu investir d’abord dans le cheptel et le matériel, puis acheter les bâtiments quatre ans plus tard. Et, les terres sont en majorité en location, un bail de 9 ans vient justement d’être reconduit.

« Ce n’est pas la structure dont j’aurai rêvé avec un parcellaire regroupé autour de la ferme en système tout herbe, mais nous avons appris à nous adapter aux contraintes existantes !", commente Christophe. La principale tient au manque de surface autour de la stabulation. « Nous n’avons qu’un hectare jouxtant le corps de ferme, du coup nos 64 vaches à 9 000 l ne sortent pas au pâturage, sauf au tarissement », regrette-t-il. Les prairies se situent dans des vallées inondables, et les cultures sont conduites sur des coteaux séchants. Du fait de la diversité et de vulnérabilité du parcellaire, une partie est classée en zone Natura 2000 (28 ha sont contractualisés depuis 7 ans).

Serrer les charges

Concilier rentabilité et qualité de vie est le leitmotiv du couple. Parents de trois enfants, Pascale et Christophe se sont toujours fixés comme objectif d’avoir du temps pour la famille et d’équilibrer vies professionnelle et familiale. Le travail sur l’exploitation s’organise en conséquence.

Christophe a fait le choix de nourrir les vaches tous les deux jours, toute l’année. « C’est possible car il n’y a peu d’herbe dans la ration, précise l’éleveur. Je distribue une double ration à la mélangeuse le matin et je repousse le lendemain. « Cette pratique offre un bon compromis temps/performance, même si le fourrage risque de chauffer et l’ingestion et le TB de diminuer. » Par contre, les exploitants se montrent vigilants sur la qualité des fourrages récoltés. Côté cultures, ils n’hésitent pas à déléguer une partie des travaux des champs à l’ETA pour les semis de céréales, les traitements, l’ensilage de maïs, la moisson et le pressage. Et à s’accorder quatre semaines de congés par an ! « C’était une condition sine qua non à notre installation ! mentionne Pascale. Nous faisons appel au service de remplacement pour les vacances et certains week-ends. »

Les activités de diversification qui ouvrent vers l’extérieur

Autre exigence : ne pas passer trop de temps à la traite. « Une heure, pas plus », précise l’exploitante. La traite est volontairement simplifiée. « Nous ne tirons pas les premiers jets, nous n’avons pas besoin de laver les mamelles car nous paillons fort les logettes. Nous appliquons seulement un produit de post-trempage. » La qualité du lait reste satisfaisante avec 211 000 cellules/ml et 622 spores butyriques/l en moyenne sur l’année.

Pour Pascale et Christophe, bien vivre leur métier implique aussi une ouverture vers les autres et le besoin de partager. « Nous aimons la production laitière, mais plutôt que de s’agrandir, nous avons misé sur la diversification en faisant de l’accueil à la ferme (depuis 2003) et en proposant des chambres d’hôtes et un gîte (depuis 2016), la commune se trouvant sur l’un des chemins de Compostelle. Maintenant, je fais trois métiers, revendique Pascale dans un large sourire. Je suis éleveuse, j’accueille les voyageurs, et je m’occupe des enfants ! Ces deux diversifications nous apportent un revenu supplémentaire non négligeable et contribuent à nous épanouir. »

« Nos conditions d’installation nous ont appris à être économes »

Mais les éleveurs n’oublient pas pour autant la recherche de rentabilité de l’atelier laitier. Depuis leur installation, leur cheval de bataille est de minimiser les charges. « Au départ, nous avions un quota de moins de 300 000 l. Entre les annuités de la reprise et la mise aux normes, il nous fallait impérativement éviter toutes les dépenses superflues pour réussir à joindre les deux bouts", se souviennent-ils. Cet état d’esprit économe a façonné leur stratégie. « Ça marche plutôt bien comme ça, alors pourquoi chercher à faire plus compliqué ? »

Les vaches vêlent toute l’année. « Elles vêlent très facilement, nous ne nous levons pas la nuit. » Il y a une préparation systématique au vêlage trois semaines avant. Le veau est séparé de sa mère immédiatement après la naissance. « Pour que l’animal commence bien sa vie, nous distribuons le plus tôt possible 4 l de colostrum, décrit Christophe. Je trais les vaches à la main dans le box de vêlage, et je drenche le veau. Nous n’avons quasiment pas de diarrhées, ni de problèmes respiratoires. » L'élevage déplore peu de pertes de veau (7,2 %).

Les exploitants n’appliquent pas de traitement systématique. Le tarissement se réfléchit au cas par cas : antibiotique ou bouchon selon si la vache a eu une mammite, et selon si elle est tarie au parc (printemps, été, automne) ou en logettes (hiver). Voire rien du tout pour les vaches qui font peu de lait. Le déparasitage des génisses est un autre exemple. « Nous ne traitons que si les résultats d’analyses sont significatifs. » Les frais véto se limitent à 3 €/1 000 l ! Ils concernent essentiellement les produits de tarissement et de synchronisation de chaleur. Le vétérinaire ne vient quasiment jamais sur l’élevage, hormis pour la visite sanitaire annuelle. « Nous avons réussi à résoudre un problème de gros jarrets en paillant les logettes deux fois par jour. J’ébouse les logettes mais je ne les cure jamais, de façon à ce qu’il reste toujours un bon matelas de paille. » Les éleveurs n’observent pas de problème mammaire particulier. « Si on a deux mammites par an, c’est le maximum ! »

Les frais d’élevage se montrent aussi limités. « Globalement, très peu d’intervenants passent sur la ferme, même pas le contrôle laitier. » Christophe effectue lui-même le parage. « Je peux réagir rapidement et intervenir au cas par cas. » Les éleveurs attendent au moins deux mois avant la mise à la repro. « Je demande à l’inséminateur de fouiller les vaches si elles ne reviennent pas en chaleur. »

« Ce sont les vaches qui s’adaptent à nous et pas l’inverse ! »

Les vaches reçoivent la même ration semi-complète toute l’année, à savoir 12 kg MS d’ensilage de maïs, 2 kg MS d’enrubannage, 2 kg MS de paille, 0,8 kg MS de drêches de brasserie, 2,6 kg de tourteau de colza, 80 g d’urée, ainsi qu’une VL fermière à base de maïs grain et de colza, distribuée individuellement aux cornadis (5 kg max/VL). « Nous favorisons les fourrages produits sur la ferme, le recours aux matières premières et aux coproduits. » Les drêches apportent de la cellulose, de l’azote protégée à moindre coût (55 €/t bruts à 28 % MS) et boostent les taux. « Cette année, avec les maïs ensilages très digestes, nous avons eu un peu d’acidose, le TB a chuté. C’est pourquoi nous avons ramené de la fibre avec 2 kg de paille, en plus de l’enrubanné. »

Le système en place ne permet pas d’intégrer beaucoup d’herbe dans la ration. La première coupe est récoltée en foin, et des regains sont réalisés sur la moitié de la surface. S’ajoutent cinq à six hectares qui sont enrubannés au printemps. « Nos prairies sont assez peu productives (6 t MS/ha). Avec le contrat Natura 2000, nous ne sommes plus autorisés à épandre de fumier et nous devons faucher plus tard (après le 22/06). Nous percevons des aides en contrepartie, mais qui dit moins d’herbe dans la ration, dit davantage de compléments azotés à acheter à l’extérieur. »

La logique mini-coûts des éleveurs s’applique également au CMV, dont la distribution se fait au cas par cas, en sachant que le tourteau de colza limite déjà les besoins de complémentation en phosphore. « Nous produisons du lait sans OGM, c’est déjà ça, mais je crains à terme que le fait de ne pas sortir les vaches au pâturage ne pénalise notre système d’une manière ou d’une autre… », s’inquiète Christophe.

Une volonté de réduire le volume à l’avenir à 500 000 l

Côté charges de structure, les exploitants ne flambent pas sur le matériel. Depuis leur installation, ils ont seulement investi dans une benne, une mélangeuse de 12 m3, une herse, une faneuse et une faucheuse. Le tracteur fourche est renouvelé tous les quatre ans quand il affiche 3 500 h au compteur, afin de limiter les frais d’entretien. « Je cherche à rentabiliser au maximum mon tracteur de tête, explique l’exploitant. Le fait de le renouveler souvent me coûte plus cher mais je veux être sûr qu’il soit toujours opérationnel. »

Les bâtiments ont été construits au fil des ans, essentiellement en autoconstruction (hangar à génisses, fumière et fosse couverte, bâtiment de stockage et bâtiment des veaux).

Aujourd’hui, Pascale et Christophe sont des éleveurs heureux qui gagnent bien leur vie. Ces prochaines années, leur souhait est de limiter le cheptel à 50 vaches laitières et limiter la production à 500 000 l. « Nous avons produit plus de 600 000 l en 2016, mais cela s’avère difficilement compatible avec nos autres activités quotidiennes. Avec quinze vaches de moins, la traite durera moins longtemps et nous serons aussi plus sereins au niveau des stocks. »

Chiffres-clés
2 UMO dont 1,5 UMO lait
64 vaches à 9 040 l
575 000 l produits en 2017
108 ha de SAU dont 21 ha de maïs, 38 ha de prairies permanentes, 15 ha de blé, 9 ha d’orge de printemps, 21 ha d’orge d’hiver, 4 ha de gel
1,83 UGB/ha
AVIS D'EXPERT

« Un système économiquement robuste »

Lionel Vivenot, conseiller à l’ULM

« L’exploitation parvient à dégager de bons résultats techniques tout en adoptant une stratégie économe, grâce à une bonne technicité et des qualités d’observation des éleveurs. Ils savent se montrer réactifs dans le suivi troupeau et maîtrisent bien les fondamentaux. Leurs pratiques ne sont pas forcément toujours optimales, comme la fréquence de distribution tous les deux jours par exemple, mais ces choix sont parfaitement assumés et répondent à des objectifs de vie. L’exploitation est toujours bien placée parmi les 50 élevages du secteur en suivi Ecolait. En moyenne sur 9 ans, le ratio EBE/Produits atteint 47 %, et le prix d’équilibre s’élève à 284 €/ 1000 l en intégrant une capacité d’autofinancement de 10 %. »

L’accueil à la ferme est un bon complément de revenu

« En 2003, pour pouvoir m’installer en tant qu’associée, il fallait soit agrandir la ferme soit trouver une activité de diversification, témoigne Pascale. Nous ne voulions pas nous agrandir. Le projet de ferme pédagogique a fait son chemin, mais j’avoue qu’au départ, on s’est lancé dans cette aventure sans trop y croire. » Les éleveurs ont commencé par accueillir des groupes de scolaires, puis ils ont souhaité faire découvrir leur métier dans un cadre plus familial en proposant aux enfants des vacances à la ferme. « Nous faisons partie du réseau Bienvenue à la ferme. Nous pouvons accueillir jusqu’à 4 enfants en même temps, pendant les vacances et les week-ends. En 2017, nous avons accueilli 161 enfants le week-end et 60 enfants pour des séjours d’une semaine. » Seulement six exploitations proposent ce service sur le département. Depuis 2011, cette activité a pris de l’ampleur et Pascale ne peut répondre à toutes les demandes.

Recevoir des enfants en vacances à la ferme dans un cadre familial

Cette activité requiert le statut de micro-entreprise et n’intègre pas la comptabilité de l’exploitation. Ces dernières années, le bénéfice s’est chiffré à 30 000 € par an. « Ce complément de revenu nous a bien aidés pendant la crise, reconnaissent les exploitants. Ça met du beurre dans les épinards. Mais un tel projet ne s’improvise pas car il engage toute la famille. L’activité est assez prenante. Quand j’accueille des enfants, mon travail sur l’exploitation se limite à la traite. Il faut aimer les enfants, être bien organisés et pas trop anxieux ! ». En parallèle, les gîtes apportent également un peu de revenu et « permettent surtout de voir du monde ! »

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