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Pilotage de la ration
« Nous tournons à 42 de TB et 36 de TP en moyenne »

Elke et Dries D’Hallewin en Belgique font partie d’un groupe d’échanges transfrontaliers. Ils obtiennent d’excellents taux sur leurs 105 hautes productrices grâce à leurs pratiques méticuleuses.

Les taux ne sont pas un objectif en soi, affirment Dries et Elke D’Hallewin, à la tête d’un troupeau de 105 Prim’Holstein à 9 800 kg de lait de moyenne, à Langemark en Belgique. Notre but est avant tout de produire le plus de lait possible dans le bâtiment existant et à surface constante. » Mais force est de constater qu’en matière de taux, l’élevage figure parmi les meilleurs au sein du groupe d’échanges transfrontaliers entre les Flandres françaises et la Belgique. Piloté par Avenir Conseil élevage côté français et par Inagro (1) côté belge, ce groupe rassemble 12 éleveurs, qui travaillent ensemble depuis quatre ans pour améliorer leurs résultats technico-économiques.

Sur les deux dernières campagnes, le taux butyreux de l’élevage flirte avec les 42 g/l de moyenne et 36 g/l de taux protéine. À la clé, une bonification de 33 €/1 000 l sur le prix du lait. « En période de crise, ça aide bien ! », commente Dries en souriant. Les choix génétiques n’expliquent pas ces résultats. « En matière de sélection, les taux ne sont pas notre priorité, décrit l’éleveur. Nous évitons les taureaux détériorateurs bien sûr, mais nous recherchons d’abord la longévité avec des vaches dotées d’une bonne fertilité et de bonnes pattes. »

Des réajustements de la ration précis, nombreux et réactifs

Mais alors comment font-ils pour obtenir de tels taux ? Cette question, qui agite le groupe depuis quelque temps, trouve plutôt sa réponse du côté des pratiques alimentaires.

Dries considère l’alimentation des vaches comme un puzzle. « Plus on ajoute des pièces, plus l’image devient nette et précise, illustre-t-il. C’est que nous essayons de faire en pilotant le plus finement possible la ration à partir de l’analyse des fourrages, de l’observation des animaux, des bouses, des taux, des refus… »

La ration mélangée est quasiment la même toute l’année, sauf à la belle saison où les vaches ingèrent 1 à 3 kg MS d’herbe pâturée par jour. Mais malgré une relative stabilité du régime, pas moins d’une quinzaine de rations sont calculées chaque année ! « Étant donné la productivité des vaches, cela vaut le coup de réaliser de petits réajustements, si les bouses deviennent un peu plus molles ou un peu plus fermes, si on sent une odeur inhabituelle, si on reçoit une nouvelle livraison de solubles de blé…, mentionnent les éleveurs. Cela nous permet de mieux coller aux besoins des vaches et de faire en sorte qu’elles répondent du mieux possible. Même pour un écart de 100 g de tourteau de soja, on refait la ration. »

Substituer une partie du maïs par de l’ensilage d’herbe jeune

Chez Dries et Elke, comme chez la majorité des élevages du groupe belge, les taux apparaissent meilleurs que ceux du groupe français. Le plus élevé tourne d’ailleurs à 47 de TB et 37 de TP avec des vaches à plus de 10 000 kg ! L’une des raisons tient à la substitution d’une partie du maïs ensilage par de l’ensilage d’herbe. « Ce qui tue le TB, c’est l’excès d’amidon et de concentrés, expose Benoît Verriele d’Avenir Conseil élevage. Pour faire du TB, il faut un rumen qui fonctionne bien. L’ensilage d’herbe apporte de l’énergie sous forme de sucres et de parois très digestibles — qui fournissent respectivement de l’acide butyrique et acétique — favorables à la synthèse de TB dans la mamelle. Et, en limitant le maïs ensilage à 9 kg MS, la ration ne dépasse pas 14 à 16 % d’amidon, ce qui limite grandement le risque d’acidose et les chutes de TB. »

Mais pour que cette substitution soit possible sans déconcentrer la ration, il faut un ensilage d’herbe de qualité. C’est le cas chez Dries et Elke où les premières coupes d’ensilage d’herbe sortent régulièrement à plus de 0,95 UFL, soit aussi riches en énergie qu’un maïs ensilage.

« Toutes nos prairies sont fauchées au moins une fois par an. Les premières coupes sont faites en deux temps : les dérobées de RGI en premier et les prairies de RGA un peu plus tard", indique Dries. L’éleveur réalise quatre à cinq coupes par an. « Cette année, nous avons même pu en faire six. Merci de préciser le rendement cette année et en moyenne d’habitude » Deux tiers du rendement sont faits sur les deux premières coupes.

Le RGA est fauché entre un et deux nœuds, le RGI entre deux et trois nœuds. Dries appelle l’ETA pour convenir de la date de récolte avant même d’avoir fauché (en fonction de la prévision météo à 15 jours). « La fauche s’effectue à compte à rebours, décrit Dries. En première coupe, je compte un minimum de trois jours pour obtenir un fourrage à 40 % de MS minimum, et un à deux jours pour la seconde coupe. » La récolte en brins de cinq centimètres s’effectue à l’autochargeuse.

Ce qui tue le TB, c’est l’excès d’amidon

C’est le préfané, très riche en parois digestibles, qui donne sa structure à la ration. « Nous ne misons pas sur le maïs ensilage pour apporter les fibres qui font ruminer les vaches. Le maïs est avant tout une source d’amidon, considère Dries. Je préfère récolter un ensilage à 38 % de matière sèche qu’à 34 % MS. Un ensilage plus sec est plus riche en amidon, cela permet de soutenir le TP en début de lactation. Et, plus l’ensilage est sec, plus sa valeur d’encombrement est faible, et plus les vaches l’ingèrent. » En parallèle, Dries veille à faire couper le maïs assez finement. L’objectif est de 10 mm, mais cette année comme il est particulièrement sec (combien ?), les brins ne dépassent pas 6 mm pour améliorer le tassage.

« Malgré des taux de matière sèche plutôt élevés, le fourrage est très bien conservé et ne montre pas d’échauffement à la reprise », affirme Eddy Decaestecker. Il faut dire que la vitesse d’avancement est d’au moins 1,5 m par semaine l’été (exact ?). Les différents silos (4 de maïs et 2 d’herbe) ont été conçus pour ne pas dépasser 8 m de large. Les exploitants ne lésinent pas non plus sur le tassage (lire encadré). « Le chantier d’ensilage de maïs pourrait être réalisé sur une seule journée, mais je préfère réserver deux dates différentes à une semaine d’intervalle pour diluer le risque météo et maturité. »

Un coût alimentaire de moins de 100 €/1 000 l

Troisième source énergétique de la ration, les pulpes surpressées ne sont pas réputées pour améliorer les taux, mais elles favorisent l’ingestion et permettent surtout de limiter la part d’amidon dans la ration en apportant de l’énergie soluble et non acidogène dans le rumen, à faible coût (préciser le coût en €/tMS). En plus de la ration mélangée distribuée à l’auge, les vaches reçoivent en moyenne 2,5 kg de concentrés de production par jour (exact ?) au DAC. Au total, la quantité de concentrés s’élève à 200 g/l et le coût alimentaire des vaches est de 82 €/1 000 l. « La part de concentrés de production est élevée, observe Benoît Verriele. C’est le point faible de la ration. Je pense que les éleveurs pourraient le réduire fortement et optimiser encore le TB pour approcher les 47 comme leur homologue du groupe. D’autre part, tient à préciser le conseiller, le recours aux solubles de blé, coproduit issu du bioéthanol, n’est pas primordial. D’autres élevages l’ont arrêté et les taux se sont maintenus. »

(1) Recherche et conseil en agriculture.

Des « trucs » d’éleveur qui font la différence

- Distribuer la ration en fin de journée. « C’est notre organisation familiale qui nous a incités à distribuer à 17 h, mais avec le recul, je pense que c’est mieux comme ça. Particulièrement en été, où la ration reste fraîche plus longtemps. Et en distribuant le soir, je suis sûr que les vaches ont un accès à la ration à volonté la nuit. »
- Repousser la ration à l’auge sept à huit fois par jour avec une lame. Dries le fait une dernière fois à 22 h le soir. « À chaque fois, les vaches sortent des logettes. »
- Toujours avoir 3 % refus à l’auge. « Je les pèse de temps en temps pour m’en assurer. »
- Nettoyer l’auge tous les jours. « On a posé une résine car on veut une auge propre et facile à nettoyer. Ce nettoyage quotidien préserve l’appétence en évitant la multiplication de microorganismes. »
- Enlever toutes les parties « un peu limite » au silo. « Si de l’eau a réussi à s’infiltrer, notamment dans les coins, je ne tergiverse pas. Au moindre doute, je jette tout ce qui est abîmé. Sinon au lieu de 3 % de refus, je me retrouve avec 10 %. » « Mieux vaut toujours éliminer le mauvais fourrage. Cela constitue une perte, mais il y a encore plus à perdre en l’intégrant dans la ration, prévient Eddy Decaesteker. Les parties abîmées détériorent le reste de la ration. La mélangeuse est là pour mélanger, pas pour réussir à faire consommer le mauvais ! »
- Viser plutôt 200-250 mg/l que 300 mg/l de taux d’urée du lait. « Si le taux d’urée dépasse 250, je substitue une partie du tourteau de soja par du tanné », précise Dries.

« Le tassage mérite toute l’attention »

Le jour du chantier d’ensilage, les bennes sont systématiquement étalées sur toute la longueur du silo. « Je veux tout mettre en œuvre pour assurer une qualité homogène d’un bout à l’autre du silo et limiter les différences de qualité dans le temps », avance Dries. Le tassage est réalisé par une entreprise avec un bulldozer de 25 tonnes. « Le tasseur est l’homme le plus important dans la chaîne de récolte de l’ensilage. C’est souvent la personne la plus expérimentée du groupe. Un vrai tasseur n’arrête jamais de tasser, quel que soit l’intervalle entre deux bennes. »

Pour le maïs, selon son stade, Dries demande en général à l’ETA de démarrer l’ensilage sur les parcelles les plus proches et de finir avec les champs les plus éloignés. « Cela laisse plus de temps pour effectuer le tassage. » Les silos ne dépassent pas deux mètres de haut. Là encore, dans l’objectif de faciliter un tassage optimal en particulier sur les bords. « Le jour du chantier, mon job à moi, c’est de rester autour des silos, de vérifier si les grains sont suffisamment éclatés, de coordonner le remplissage des deux silos et de contrôler que le tassage s’avère suffisant. »

Côté éco

• Coût alimentaire/1 000 l (1) : 82 €/1 000 l

• Coût de concentrés : 52 €/1 000 l

• Marge brute lait : 218 €/1 000 l

• Prix du lait payé : 298 €/1 000 l (dont 33,8 € de bonus taux)

• Coût du maïs : 570 €/ha

• Coût de l’herbe : 661 €/ha

Du 1er avril 2016 au 31 mars 2017.(1) Calculé à partir des coûts réels de l’élevage, mécanisation incluse (semis et récolte).

« Récolter l’herbe entre 1 et 2 nœuds »

Dans le groupe belge, les éleveurs considèrent vraiment l’herbe comme une culture à part entière », remarque Benoît Verriele. Pour preuve, la moyenne des 300 échantillons d’ensilage d’herbe analysés la saison dernière sur la centaine d’élevages suivis par Inagro (1) indique 0,89 UFL, 17,4 % de MAT, 26,4 % de cellulose et 46,8 % MS. Les éleveurs réalisent en général cinq coupes de RGA, en alternant fauche et pâture pour maintenir la propreté des prairies et ne pas épuiser les sols. Les trois premières coupes sont réservées aux laitières, et les suivantes aux génisses.

« Pour récolter un ensilage d’herbe de qualité, je recommande de ne pas se fier à la hauteur de l’herbe mais d’observer les nœuds, explique Eddy d’Inagro. Il faut faucher seulement si chaque brin présente minimum un nœud et que le deuxième est en train de monter dans la gaine. Pas avant car s’il n’y a pas un nœud partout, la valeur alimentaire pourra peut-être se révéler excellente mais l’ensilage d’herbe manquera de structure. On vise une cellulose brute comprise entre 22,5 % et 24,5 % pour stimuler l’activité cellulolytique du rumen. » Pour la MAT, l’optimum se situe entre 16 et 20 %. Au-delà, la richesse en sucres solubles risque d’empêcher l’acidification rapide du silo. Autre point important : récolter l’ensilage à 40 % MS minimum. « Sans quoi, les protéines sont trop solubles dans le rumen. »
Si l’une de ces trois conditions n’est pas respectée, Eddy conseille « d’ajouter un conservateur biologique à base de bactéries lactiques. Par expérience, le conservateur améliore l’appétence ».

Un ensilage à 40 % de matière sèche minimum

L’essentiel de la fertilisation azotée se concentre sur les trois premières coupes : 120 UN/ha sous forme de lisier et 80 UN sous forme d’ammonitrate ou de solution azotée. « Le lisier est apporté le plus tôt possible après le 15 février. Pour l’ammonitrate, mieux vaut attendre que les températures se réchauffent pour effectuer le premier apport (pas avant le 15 mars). Le fait de jouer sur des tempos différents en fonction du type d’apport et de sa vitesse de minéralisation (exact ?) améliore la valorisation de l’azote. » Dries utilise une formule minérale avec du soufre pour favoriser l’absorption de l’azote même s’il fait froid. En général, les apports d’azote minéral sont fractionnés en trois fois et il y a minimum trois semaines d’intervalle entre un apport et la fauche suivante.

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