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Au Gaec Guines en Ille-et-Vilaine
« Nous cherchons continuellement à progresser »

Sur cette exploitation de 100 vaches, le maïs cède progressivement sa place à l’herbe, pâturée au printemps et distribuée en vert l’été. La rentabilité est au rendez-vous, même dans le contexte actuel.

Jean-Philippe Guines garde le sourire. Il vit de sa passion de l’élevage et se dit serein et confiant en l’avenir. Avec 100 vaches à 7 450 litres en système herbager, l’exploitation se montre très efficace. Le Gaec récolte les fruits de la désintensification du système de production décidée en 1997, quand Jean-Philippe s’est installé avec son frère à la suite de ses parents à Saint-Marc-sur-Couesnon en Ille-et-Vilaine. « À l’époque, l’exploitation comptait 55 Prim’Holstein qui produisaient 9 500 litres avec 1,7 tonne d’aliment par vache et par an. Elles recevaient essentiellement du maïs ensilage et des concentrés, se reproduisaient mal et les frais vétérinaires étaient très élevés… Quelque chose clochait. Nous avons tout remis à plat et changé notre fusil d’épaule en misant davantage sur l’herbe. La suite nous a donné raison, en 2009 et aujourd’hui encore, expose Jean-Philippe. Sans changement de système, nous n’en serions certainement pas là. »
« Avec nos sols sableux superficiels, nous prenions régulièrement des calottes sur maïs. Certaines années, les rendements ne dépassaient pas 5 tMS/ha et la qualité était très irrégulière… Il fallait complémenter énormément et le coût alimentaire explosait. Le coût de concentrés atteignait 55 centimes de franc par litre. Alors qu’à la même période, le coût alimentaire des laitières de la ferme expérimentale de Trévarez ne dépassait pas 30 centimes de francs par litre !
, se rappelle l’éleveur. Ce constat a été le déclic qui nous a poussés à réduire le maïs au profit de l’herbe. » L’effet sur la production ne s’est pas fait attendre. Les vaches ont produit 1 500 litres de moins la première année, mais le bilan économique s’est montré plutôt positif. Et au bout de trois à quatre ans, l’augmentation de revenu est devenue réellement significative.

Un coût alimentaire de 50 € pour 1 000 litres

Pour parvenir à un coût alimentaire pour les vaches de 50 € pour 1 000 l, la refonte du système s’est basée sur l’herbe. Les associés profitent des parcelles regroupées autour de l’exploitation pour valoriser le pâturage, tandis que la luzerne, le maïs et le blé sont cultivés sur les deux autres îlots plus éloignés (40 ha à 3 km et 16 ha à 10 km), dotés de sols moins séchants et d’un meilleur potentiel. Aujourd’hui, toutes les surfaces accessibles sont pâturées : 38 ha par les laitières et 20 ha de vallons par les génisses. « Nous avons ressemé des prairies (dactyle, RGA-TB), refait des paddocks, aménagé des points d’eau, investi dans les chemins d’accès pour les vaches…", détaille Jean-Philippe. Les paddocks mesurent actuellement 1,5 à 1,8 ha, de telle sorte que les vaches y restent une journée au début du printemps et à l’automne, et une journée et demie en période de pleine pousse, de début mai à début juin. Les éleveurs fauchent encore une fois par an tous les paddocks pour les nettoyer. L’an prochain, nous prendrons plus de risque en débrayant davantage de surface en pleine saison. Cela permettra d’accélérer encore les rotations des vaches sur les parcelles et limiter les refus.

« La gestion de l’herbe n’est pas simple, considère Jean-Philippe. Il faut parvenir à anticiper la pousse, choisir le bon ordre de rotation, savoir quand et quelle parcelle débrayer… Les premières années, nous y sommes allés à tâtons. Nous avons commis des erreurs, mais c’est un passage obligé pour apprendre et progresser. On a le droit de se tromper, poursuit-il. Ce qui compte, c’est de comprendre pourquoi et de ne pas abandonner en route si ça ne marche pas tout de suite. Il faut persévérer dans la conduite choisie, même si ce n’est pas la solution de facilité, et ne pas raisonner qu’à court terme. »

Apprendre grâce à ses erreurs

Dès mi-juin, il n’y a plus grand-chose qui pousse sur les prairies de RGA-TB accessibles, très séchantes. « Nous avons bien du dactyle ; il produit plus longtemps, mais sa valeur alimentaire est plus limitée et les vaches font moins de lait… », constate Jean-Philippe. Pour pallier le manque d’herbe estival, le Gaec a opté pour l’affouragement en vert. « Nous commençons à affourager autour du 20 juin et poursuivons jusqu’à fin octobre. Cela me prend une heure par jour. J’y vais en fin d’après-midi pendant que Loïc ou le salarié trait. » L’été, l’affouragement représente jusqu’à deux tiers du régime des laitières. Classiquement, au mois d’août, elles reçoivent 4 à 5 kg d’ensilage de maïs en plus de la luzerne apportée en vert, sans concentrés. Au-delà de 6 kg de maïs ensilage dans le régime, les éleveurs amènent 1 kg de tourteau de colza par vache. Côté équipement, le Gaec a préféré opter pour une ensileuse à fléaux (6 000 €) couplée à une vieille remorque, plutôt qu’à une autochargeuse, jugée trop onéreuse (40 000 €). « J’irais plus vite avec une autochargeuse, mais les gains réalisés sur le coût alimentaire d’un côté se perdraient de l’autre, en raison du surcoût lié à la machine. »

Affourager avec du matériel simple et économique

L’affouragement a commencé sur 4-5 ha situés à 3 km. Aujourd’hui, la surface représente 12 ha et va passer à plus de 20 l’an prochain. Le choix de la luzerne, associée ou non au trèfle violet, s’est imposé pour profiter de sa pousse estivale. Son rendement atteint 12 à 13 tMS/ha en quatre coupes, voire cinq cette année. La première et la moitié de la seconde sont ensilées ; l’autre moitié, la troisième et la quatrième coupe sont récoltées en vert. Un décalage dans l’âge des repousses se crée à partir de la seconde coupe. Les fauches à 25 jours ressortent à 0,88 UFL et à 24 % de MAT et celles à 35-40 jours de repousse à 0,75 UFL et 21 % de MAT (analyses 2016) « En faisant davantage de luzerne, nous pourrons rallonger la période d’affouragement en fin de saison et limiter encore les quantités de maïs ensilage distribuées l’été, espère Jean-Philippe. Nous avons aussi semé des parcelles avec un mélange ray-grass italien-trèfle incarnat pour bénéficier d’herbe plus tôt au printemps, dès mars. » « Nous avons encore des marges de progrès, analyse l’éleveur. C’est la dernière année que nous faisons du blé. Dans notre système, mieux vaut concentrer notre énergie à la production de lait, faire plus de prairies, de luzerne, de trèfles violets, pour réduire la part de maïs et acheter moins de correcteur. »

Le partage en groupe est une mine d’idées

À terme, l’objectif du Gaec est de descendre à 10-12 ha de maïs et à 40 tonnes par an de tourteau de colza — seul concentré acheté — contre 50 à 60 aujourd’hui. « C’est réalisable en effectuant des fauches plus précoces, en augmentant les surfaces en luzerne et en produisant davantage de lait au printemps-été, et moins en hiver, avance Jean-Philippe. Voilà les trois axes que s’est fixé le Gaec pour continuer d’avancer. « C’est aussi ça l’intérêt du métier : continuellement apprendre, tester, et chercher de nouvelles solutions pour progresser à tous les niveaux et ne pas s’endormir sur son système ! » Une philosophie que Jean-Philippe a mis en application en participant dès son installation à des groupes de progrès. Aujourd’hui, il adhère à un groupe d’éleveurs, branché autonomie protéique et piloté par la chambre d’agriculture. « C’est une mine d’idées et de partage d’expériences, apprécie-t-il. On retire toujours quelque chose des interventions, des visites et des échanges. Parfois, cela nous bouscule et nous pousse à nous remettre en cause. » Par exemple, suite à des pistes évoquées en groupe, Jean-Philippe n’a pas hésité à tenter l’expérience du semis de printemps de légumineuses « quitte à ce que cela ne fonctionne pas ». Les associés sèment ainsi la luzerne au printemps plutôt qu’en août depuis deux ans. Une stratégie qui leur donne davantage satisfaction pour l’instant. D’autres idées se sont encore concrétisées comme la chicorée et le colza fourrager, ou moins anecdotique, le changement de période de vêlage, décidé après un voyage de groupe en Irlande.

Caler les vêlages pour produire au printemps

« Cette année, nous finissons de caler les vêlages pour calquer la production de lait sur la pousse de l’herbe, expose Jean-Philippe. De février à avril 2017, on attend 60 % des vêlages de l’année et fin août, toutes les vaches auront vêler. Côté boulot, la saison d’élevage des veaux sera plus agréable, et il n’y aura plus de besoin de repérer les chaleurs l’hiver. » Par contre, ce changement, initié il y a trois ans, s’accompagne de la distribution au minimum de 1,5 kg/VL/j de maïs ensilage à l’auge au printemps, alors que le silo restait fermé deux à trois mois auparavant. Et tant que les vaches ne sont pas inséminées, elles reçoivent aussi individuellement 1,5 kg de maïs grain humide pour sécuriser la repro. L’hiver, le régime se constitue pour moitié de maïs ensilage et pour moitié d’ensilage d’herbe ou de luzerne, avec 2,5 à 3 kg de tourteau de colza. D’ici deux ans, les associés espèrent augmenter la proportion d’herbe dans le régime hivernal pour se limiter à 2 kg de tourteau de colza par vache et par jour. Et se passer totalement de correcteur six mois de l’année, de fin mars à fin septembre.

Les MAE contribuent au revenu

Depuis six ans, le Gaec a signé la MAE SFEI (systèmes fourragers économes en intrants). Il a perçu sur les cinq premières années 15 200 € par an, et 20 000 € par an avec le nouveau contrat, renouvelé pour cinq ans. La principale contrainte a été de limiter la surface en maïs à 18 % de la SAU alors qu’il occupait 22 % initialement. « Il était logique dans notre évolution de système de nous donner les moyens de prétendre à cette mesure, indique Jean-Philippe. Cela a été une bonne chose car finalement aujourd’hui, nous allons même au-delà de ce qui nous est demandé. » Le cahier des charges inclut aussi un maximum de 800 kg d’aliments achetés par UGB, zéro engrais chimique sur maïs, 30 UN/ha maximum sur prairies et 100 UN/ha sur blé, un fongicide maximum sur blé, zéro insecticide, interdiction du Round-up et utilisation des herbicides sur maïs à 70 % maxi des doses homologuées.

Chiffres clés

2 UMO (2 associés et un salarié 3 j/semaine)
735 000 litres produits
100 Prim’Holstein à 7 450 litres
125 ha dont 17 ha de maïs ensilage, 7 ha de maïs grain, 10 ha de blé, 12 ha de luzerne, 46 ha de prairie
15 taurillons
1,5 UGB/ha

« Les éleveurs vont au bout de leur système »

« Le Gaec dégage d’excellents résultats économiques, même dans la conjoncture actuelle. Jean-Philippe et Loïc ont su adapter leur système aux atouts et contraintes agroclimatiques de l’exploitation (bon parcellaire mais une partie très séchante). Ils ont repensé et rebâti leur système de production avec clairvoyance. Ils puisent des idées et ressources dans les groupes de progrès auxquels ils participent et cherchent constamment des voies d’amélioration possibles. Le coût alimentaire est particulièrement bien maîtrisé pour un troupeau de 100 vaches. L’affouragement en vert, conduit avec du matériel simple, intervient en complément du pâturage. Les associés savent également faire le tri parmi les produits et services qui leur apportent ou non une réelle plus-value. Le seul point faible porte sur les frais vétérinaires. Un domaine qu’ils investissent en mettant en place dES audits santé et deS protocoles préventifs. »

Stéphane Trégarot du Cerfrance d’Ille-et-Vilaine (photo en attente).

Tableau commentaires :

- L’efficacité du système (36 % d’EBE/Produits) permet de payer les annuités et les prélèvements privés.

- Le coût alimentaire est particulièrement faible. Seuls les CMV et 60 t de tourteau de colza sont achetés. Le Gaec vise à terme un objectif de coût alimentaire des laitières de 40 €/1 000 l.

- Les frais vétérinaires sont régulièrement élevés (100 €/VL). Sur le dernier exercice, cela s’explique par le traitement de diarrhées, même des mâles (seulement 4 % de taux mortalité), des analyses liées à la coccidiose le traitement d’une quinzaine de mammites. S’ajoutent le coût d’un suivi vétérinaire pendant six mois pour revoir la conduite du tarissement et la mise en place de protocoles préventifs (vaccins, bolus, obturateurs…). Sur les six premiers mois de l’exercice 2016-2017, les frais vétérinaires sont divisés par deux.

- Les frais d’élevage incluent le sexage de 15 génisses et le croisement de 15 vaches en Limousin ou Bleu. Les veaux mâles croisés Limousin sont vendus 250 € et 400 € pour les Bleu (300 € femelle). Au final, le coût du sexage s’équilibre avec les recettes liées au croisement.

- Les frais de mécanisation sont faibles en raison d’un parc matériel réduit. La plupart des travaux sont délégués à l’ETA. Le Gaec adhère à un groupe automotrice pour la distribution de la ration complète. Cette prestation lui coûte 12 €/1 000 l, pour 8 mois par an.

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