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En Chine
Nestlé joue la carte de la coopération

Les autorités chinoises veulent développer la production de lait pour accompagner le développement du marché. Avec son centre de formation de Shuangcheng (Heilongjiang), Nestlé participe à la modernisation du secteur.

C’est un véritable campus laitier que Nestlé a ouvert en octobre 2014 en Chine. Ici, quand ils ne sont pas en formation théorique ou pratique, les stagiaires peuvent jouer au tennis de table ou se dégourdir les jambes sur un tapis de course. Autant dire que l’installation du géant suisse tranche avec les villages désolés qui parsèment les terres noires du Heilongjiang. Cette province, connue pour la production de maïs, est aussi l’une des premières régions laitières de Chine avec la Mongolie intérieure. En y implantant sa ferme école ouverte à tous, le groupe se positionne comme un acteur de l’amélioration de la compétitivité de la filière.

Nestlé ne s’est pas lancé seul dans l’aventure. Il compte 22 partenaires, parmi lesquels des entreprises privées et des institutions académiques, qui s’offrent ainsi une vitrine en Chine. Alltech, Land’O lakes (coopérative laitière américaine qui intervient sur l’alimentation) ou encore SCR (société américaine de monitoring) font bénéficier la ferme de leur expertise en termes de nutrition et santé. Seul français présent sur le projet pour l’instant, le fabricant de matériel Kuhn s’est engagé sur une formule plus modeste (voir encadré). « Nous sommes ouverts à de nouveaux partenariats », glisse Andy Wang, en charge du développement de l’institut de production laitière (DFI). Les entreprises dont l’activité nécessite un laboratoire ont installé ce dernier sur le site. Elles peuvent ainsi y traiter des échantillons venus de toute la Chine. Nul doute qu’elles parient que les stagiaires formés au DFI sauront s’en rappeler.

Pour l’heure, le DFI approvisionne l’une des trois usines de lait infantile que Nestlé compte sur le territoire chinois. Une quatrième doit être construite à Harbin, pour un montant de 1 milliard de yuans (136 millions d’euros). Mais le lait produit à la ferme école n’est pas lié à Nestlé. Il devrait, à terme, alimenter une fromagerie qui devrait voir le jour à Harbin, dans le cadre d’un projet soutenu par les autorités.

En quête de nouveaux partenaires pour la ferme de 3 600 vaches

« Nous avons de plus en plus de fermes laitières dans le pays mais nous manquons de compétences, résume Andy Wang. Il s’agit de produire plus de lait, avec des coûts de production moindres, car ces derniers sont extrêmement élevés en Chine, mais aussi de travailler sur la qualité. » Pour coller à la réalité du terrain, le centre comprend plusieurs fermes de tailles différentes. La « petite » ferme compte 400 à 600 vaches en lactation, la ferme « moyenne » 600 à 1 200, et la « grande », qui n’est pas encore ouverte, faute de débouchés pour la production, en accueillera 3 600. C’est notamment pour achever cette dernière que Nestlé cherche de nouveaux partenaires.

Avec la montée en puissance de l’exploitation, la production de lait par vache atteint désormais 33 kg par jour. Le rendement ainsi que la qualité du lait sont scrutés de près par les équipes. « Notre objectif, c’est de créer une production laitière de classe mondiale », explique Andy Wang. L’exploitation produit également un peu de luzerne. « L’accès à la terre est fondamental pour l’alimentation mais aussi pour la gestion des déchets. »

Les programmes de formation au DFI s’adressent à un public varié. Ils sont dispensés par des professionnels et des universitaires, souvent issus des institutions partenaires. Pendant des modules de trois jours, les ouvriers agricoles apprennent des procédures standard pour l’alimentation ou encore la reproduction. Des programmes plus longs (une ou deux semaines) sont proposés à des experts et des gérants d’exploitation pour s’ouvrir à de nouvelles façons de faire ou progresser en management. « Nous travaillons par exemple beaucoup sur le coût de revient de l’alimentation », explique Andy Wang. Enfin, des étudiants peuvent suivre un cours en anglais pendant un mois l’été. Beaucoup de ses formations, dont le coût débute à 700 yuans la journée (95 euros) pour les plus simples, sont soutenues financièrement par les autorités locales. Entre octobre 2014 et décembre 2015, 1 145 stagiaires sont passés par le DFI, et 800 d’entre eux ont obtenu un certificat (70,77 %). Cette année, ils devraient être environ 1 000. Des formations en ligne sont également développées pour rayonner sur toute la Chine.

Un investissement politique pour pouvoir importer durablement

« L’objectif du DFI n’est pas de faire du profit. Mais cet investissement en Chine n’en est pas moins capital », explique Andy Wang. D’une part, en plus de leur action sur le DFI, les partenaires s’engagent à soutenir tous les élevages qui approvisionnent Nestlé en Chine, notamment avec de la formation. D’autre part, la montée en compétences est une priorité des autorités chinoises pour moderniser l’agriculture. Et les attentes vis-à-vis des acteurs étrangers, qu’ils soient publics ou privés, sont très fortes.

Nestlé ne s’y trompe pas. Le soutien des autorités est vital pour les groupes étrangers qui souhaitent importer durablement leurs produits en Chine. Pour cela, la coopération pour améliorer la production locale est indispensable. Hans Johr, directeur de l’agriculture durable de Nestlé, l’avait d’ailleurs très clairement expliqué en présentant le projet au Alltech Global Dairy en 2014 (Réussir lait n°285, novembre 2014). « Aujourd’hui, Nestlé soutient le développement de la production. Demain, quand les autorités deviendront plus réticentes face aux importations, le groupe pourra faire valoir son action locale pour maintenir son courant d’affaires, alors que le marché se refermera pour les groupes qui n’auront pas participé à la modernisation », prédit un industriel du secteur. En attendant, les défis pour améliorer la compétitivité de la filière laitière chinoise sont encore nombreux.

En Chine aussi, la conjoncture laitière est difficile

° Les estimations de production laitière en Chine en 2015 font état de 39,2 millions de tonnes, en hausse de 2 % par rapport à l’année précédente. À ce chiffre il faut ajouter les importations, qui équivalent à environ 25 % de la production laitière chinoise, selon China Dairy Business (CDB).

° Dans un marché affecté par la situation économique, les stocks de poudre (400 000 t selon CDB (1)), les importations en croissance sur certains segments et la concurrence d’autres produits comme les jus de fruits, la Chine fait actuellement face à une importante surproduction de lait. Elle atteindrait 10 % selon certaines estimations. Les autorités ont même pris des mesures pour inciter les industriels à transformer le lait produit en Chine afin d’assurer des débouchés aux producteurs, ce qui a conduit à une accumulation des stocks de poudre de lait chinois.

Cela n’empêche pas la filière laitière chinoise de croire en son avenir. En début d’année, Xu Guangyi, vice-président de Huishan Dairy a comparé les 200 000 tonnes de lait chinois non collectées aux 10 millions de tonnes importées.

° La conjugaison de prix bas (même s’ils sont très supérieurs aux prix européens - 3,56 E/kg soit 465 E/1000litres) et de coûts de production élevés entraînent l’arrêt de nombreuses petites exploitations. Mais les animaux des petites exploitations qui ferment sont souvent repris par des exploitations de plus grande taille, ce qui explique pourquoi la production de lait n’a pas encore baissé. En 2015, 49 % du cheptel était élevé dans de grandes exploitations, en progression de 4 points.

(1) Estimation donnée lors d’un colloque par le bureau des produits laitiers australiens.

Chiffres clés

1 500 vaches actuellement (1200 dans la ferme moyenne et 300 la petite ferme)

50 salariés dont 30 pour les fermes et 20 pour le DFI

600 ha de surface totale  (principalement maïs, luzerne, sorgho, avoine et triticale)

32,7 ha de surface bâtie 

200 millions de yuans (136 millions d’euros) d'investissement

1 million de yuans par an (136 000 euros) pour les partenaires « gold » : Alltech, Alta-agricorp, GEA, Land’O Lakes, SCR et East Rock Farm tech ; 0,5 million pour les « silver » (Boeringher Ingelheim, Zoetis) ; 0,25 million pour les « bronze » (Avery Weigh-Tronix, Förster Technik, Gohe, Elanco, Kuhn…)

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