« On ne peut pas piloter sans tableau de bord »
Au Gaec des Prés dans le Morbihan, Yann Charton vient de réaliser le prévisionnel de trésorerie de l’exploitation avec Trésolait. Un outil qu’il juge performant pour anticiper et être réactif.
Au Gaec des Prés dans le Morbihan, Yann Charton vient de réaliser le prévisionnel de trésorerie de l’exploitation avec Trésolait. Un outil qu’il juge performant pour anticiper et être réactif.
Yann Charton a un profil atypique. À 41 ans, cet ex-salarié spécialisé en management commercial, a bifurqué professionnellement et vient de s’installer en Gaec avec deux tiers il y a cinq mois, après une période d'essai d'un an. L’exploitation comporte 150 ha de SAU et 90 laitières. L’objectif du Gaec est de monter progressivement à 120 vaches pour produire un million de litres d’ici deux ans.
« Ce qui m’a surpris de prime abord en arrivant sur la ferme, c’est l’absence de plan prévisionnel de trésorerie, avance t-il. Pour moi qui ai l’habitude de manier les chiffres, c’est inconcevable de conduire une entreprise sans cela. Comment piloter sans indicateurs ? Comment avoir une vision claire et faire les bons choix ? On dispose régulièrement d’indicateurs de suivi technique, mais pas économique. Hormis le bilan comptable que l’on reçoit quatre mois après la fin de l’exercice… Difficile de faire preuve de réactivité dans ces conditions. » Par les temps qui courent, la gestion en bon père de famille ne suffit plus.
Ne trouvant d’outil ni auprès de la banque ni auprès du centre de gestion, Yann a pris le taureau par les cornes et a commencé à aligner les dépenses de l’exercice précédent pour bâtir un prévisionnel sur Excel. « Je suis parti de l’effectif actuel de vaches et génisses, des vêlages et des réformes prévus, et j’ai essayé de proratiser les dépenses en fonction des effectifs grandissants. Pour les cultures, je me suis basé sur l’assolement et j’ai quasiment déroulé le même itinéraire technique que les années précédentes. Je me suis contenté de travailler sur les grandes masses mais cela donne déjà une bonne idée. »
Des indicateurs économiques pour être plus réactifs
Puis, Yann a découvert Trésolait lors de la formation organisée par la chambre d’agriculture. « Enfin, un vrai tableau de bord ! Le 'plus' qu’apporte le programme tient au suivi de l’excédent brut d’exploitation prévisionnel. On voit au mois le mois comment on avance dans la constitution de l’EBE. Et visuellement, la représentation graphique de la courbe de trésorerie facilite les échanges aussi bien entre nous qu’avec la banque. »
L’idée est de présenter quelque chose qui se rapprochera le plus possible de la réalité. Le prix du lait retenu est à 300 euros/1 000 litres de janvier à août (date de clôture d’exercice). « J’ai cherché à être cohérent et précis mais sans chercher à m’attacher aux détails », poursuit Yann.
Des coupes franches sur tout ce qui n’est pas essentiel
« D’après la simulation réalisée, notre EBE prévisionnel passe cette année à 100 000 euros, soit une baisse de plus de 25 % par rapport à l’année précédente. » Un sacré manque à gagner… Le fait d’autofinancer depuis plus d’un an le croît interne de cheptel n’arrange pas la situation. La trésorerie se dégrade particulièrement à partir de mars; la courbe passe sous l’ouverture de crédit jusqu’en juillet. Avant d’aller voir la banque, Yann et ses associés ont pris le problème à bras le corps. « Nous avons décidé de faire des coupes franches sur certaines dépenses. Nous suspendons par exemple cette année le génotypage des génisses. Nous y croyons, c’est l’avenir. Par contre, une pause nous permettra d’économiser 3 000 euros. Même chose au niveau des engrais. Nous éliminons tout ce qui n’est pas absolument indispensable. » L’exploitant a également remis à plat les contrats d’assurances et mensualisé les cotisations MSA du Gaec.
Renégociations de tarifs ou facilités de paiement
Les achats d’aliments sont passés au peigne fin. « Nous ne cherchons pas à « dévisser » tout le monde mais à faire comprendre à nos fournisseurs que le contexte est difficile et qu’un effort de chaque maillon est bienvenu. » L’idée est d’obtenir quand c’est possible une renégociation de tarifs, ou du moins des facilités de paiement (délais, étalement de facture…). « Il est rare qu’un fournisseur soit à la planche pour toutes les exploitations. Il ne faut pas hésiter à comparer les offres, demander une remise (fidélité, quantitative…) et chercher un deal gagnant-gagnant. Nous l’avons fait avec deux fournisseurs d’aliments. Avec le premier, nous avons conclu un contrat d’approvisionnement pour les CMV sur la base des quantités annuelles consommées. Avec un autre, nous avons opté pour un lissage en mensualisant les factures avec une régularisation deux fois par an. La démarche vaut le coup, par contre, c’est du temps à passer… »
« On est mieux armé pour aller voir la banque »
« Comment négocier avec son banquier si on va le voir les mains vides ?, s’interroge Yann Charton. L’avantage est d’avoir une vision claire et chiffrée de sa situation pour mieux pouvoir l’exposer. » La négociation et les arbitrages financiers sont alors facilités. Il est possible de définir la durée du recours à l’OC, de juger l’opportunité de l’autofinancement, de définir la période de remboursement optimale d’un nouveau prêt, …
Pour la banque, le prévisionnel de trésorerie s’avère « un bon support pour donner de la visibilité et apprécier la situation de l’élevage au-delà des critères technico-économiques », estime Patrice Lorand, chargé d’affaires au Crédit Agricole de Questembert, à qui Yann a présenté son prévisionnel réalisé sur Trésolait. « C’est la première fois qu’un éleveur me soumettait une vraie projection de trésorerie ! C’est un super outil qui rend les choses plus palpables. On voit par exemple concrètement quand les effets des mesures bancaires d’accompagnement commenceront réellement à se faire sentir et si elles se révèlent suffisantes. » Cette approche est importante car beaucoup de structures présentent des projets de développement, avec des besoins de trésorerie plus importants. « Effectuer un prévisionnel est surtout utile dans les élevages dont la situation est tendue. Il précise l’importance et la durée des déficits, et aide à décider des mesures pour limiter les frais financiers, poursuit Patrice Lorand. Une telle prévision a aussi un intérêt dans les exploitations n’ayant pas de difficulté de trésorerie pour évaluer précisément les excédents et déterminer les types de placements les mieux adaptés. »