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Désileuse, mélangeuse, robot d’alimentation…
"Ne pas se louper quand on renouvelle l’outil de distribution"

Tony et Valérie Citerin dans le Finistère viennent de réaliser un audit technico-économique avec BCEL Ouest pour les aider à déterminer le système d’alimentation le plus adapté à leur situation.

Depuis que le robot de traite a été installé il y a deux ans et demi sur l’élevage de Tony et Valérie Citerin à Kerguigner, leurs 75 vaches ne sortent plus du bâtiment. Elles produisent plus de 11 000 kg de lait en moyenne, reçoivent une ration quasi identique toute l’année à base de 14,5 kg de maïs ensilage, 4,5 kg d’enrubanné, 2,5 kg de tourteau de colza, 0,7 kg de mélasse, du CMV et du bicarbonate à l’auge, plus une complémentation individuelle en tourteau de soja, soja tanné et concentré de production au robot. La ration est distribuée depuis 11 ans avec une mélangeuse de 14 m3, mais celle-ci arrive en bout de course et les exploitants s’interrogent sur son renouvellement. « Nous devons réinvestir mais en tenant compte des évolutions à venir en termes de volumes et de main-d’œuvre, avance Tony. C’est un investissement pour les dix prochaines années, alors on ne veut pas se louper ! » Les éleveurs souhaitent raisonner ce projet en se laissant la possibilité de monter à 100-110 vaches à terme. « Notre objectif est de maintenir une bonne homogénéisation des rations distribuées, et ne pas distribuer de fourrages aux génisses et aux taries le week-end, comme cela est déjà le cas aujourd’hui. » Les éleveurs s’interrogent aussi sur l’évolution de la main-d’œuvre à l’avenir. « Aujourd’hui, avec trois UTH dont une salariée (1), la main-d’œuvre n’est pas limitante, mais qu’en sera-t-il demain ? »

Une réflexion globale et à long terme

La réflexion sur le renouvellement de la mélangeuse est menée avec BCEL Ouest, qui propose des audits sur la distribution des fourrages en tenant compte des objectifs des éleveurs. Les simulations économiques réalisées intègrent le coût de la traction et le temps passé à la distribution. Les éleveurs ont d’emblée exclu le recours à une désileuse ou à un godet désileur du fait de l’apport d’enrubannage dans la ration. « Nous avons d’abord étudié l’achat d’une nouvelle mélangeuse. C’est la solution qui nous semblait la plus naturelle comme nous étions satisfaits du système actuel, raconte Tony. J’ai demandé à trois marques de nous faire des devis. Au départ les fournisseurs nous ont proposé des 18m3, mais nous avons préféré nous baser sur des modèles de 20 m3. » Les mélanges sont bien faits lorsque les mélangeuses sont chargées à 80 % de leur capacité. « Mais, avec l’augmentation progressive des effectifs, il n’est pas rare de voir des mélangeuses chargées à 105-110 % de leur volume », remarque Johann Cariou de BCEL Ouest. Le brassage dure alors beaucoup plus longtemps et la ration se retrouve souvent déstructurée. "Nous recommandons un volume utile de 2m3 pour 10 vaches. Pour 100 vaches, mieux vaut donc partir sur une mélangeuse de 20 à 22 m3 pour permettre l’incorporation de fourrages grossiers sans être à saturation de l’outil et permettre d’élaborer des rations pour les taries et les génisses pour deux à trois jours sans être obligé de réaliser deux tours par catégorie. »

Garder de la souplesse sur le volume de la mélangeuse

De plus, il est toujours préférable de se laisser une marge de manœuvre en cas d’une évolution de la taille du troupeau ou du type de ration (par exemple si l’éleveur souhaite travailler avec une ration plus fibreuse ou intégrer des betteraves). Attention aussi à bien se baser sur le volume utile (hors-vis) et pas sur le volume total. « Quant au choix de la mélangeuse et de ses options, l’important est de bien qualifier ses besoins en fonction des contraintes (bâtiments, ration…), ainsi que la manière avec laquelle on souhaite manager son troupeau », indique le conseiller.

Les devis pour les trois mélangeuses (une à pâles et deux à vis verticales) étaient compris entre 35 000 et 43 000 euros. Soucieux du résultat rendu auge, Tony a également tenu à réaliser des essais grandeur nature avec les machines. Quelle que soit la machine testée, le rendu auge s’est montré satisfaisant. « On peut faire aussi un bon boulot avec les deux types de mélangeuses, mais il faut se montrer plus vigilant sur le temps de mélange avec une mélangeuse à vis. Et à volume égal, la mélangeuse à vis demande environ 20 CV de puissance supplémentaire », avance Johann Cariou, qui recommande aussi de tenir compte du coût d’entretien des différentes mélangeuses (couteaux, fond de cuve…).

Etudier l’option d’une automotrice pour libérer deux tracteurs

Les éleveurs ont également souhaité simuler l’investissement dans une automotrice 20 m3. Cette solution a l’avantage de pouvoir libérer le tracteur du chargeur et celui attelé à la mélangeuse (80 CV) qu’il faudrait renouveler pour un plus puissant.

L’hypothèse d’une possible automatisation de la distribution a également été étudiée. « Nous n’avions jamais envisagé cette solution mais quand Johann nous a proposé de faire le calcul, nous nous sommes dit pourquoi pas, étant donné l’augmentation des effectifs du troupeau à terme. Cette solution correspondait bien à nos objectifs de souplesse de travail et permet de se libérer de l’astreinte de la distribution pour se recentrer sur la gestion de troupeau, commente Tony. Le montant d’un tel investissement est certes plus élevé (210 000 €, cuisine incluse) mais le temps économisé permet peut-être de rendre cette solution compétitive. Ce raisonnement m’a semblé d’autant plus logique que j’emploie de la main-d’œuvre salariale. »

Intégrer le coût de la main-d’œuvre dans le calcul change la donne

Une première approche permet d’évaluer le coût de distribution hors main-d’œuvre (lire tableau). Logiquement, l’option automation affiche le coût le plus élevé 23 €/1 000 l, contre 17 €/1 000 l pour l’option mélangeuse et automotrice. Le coût de la main-d’œuvre est intégré dans un second temps. Les durées de distribution sont associées à chaque système d’alimentation. Sur l’exploitation, la préparation avec la mélangeuse prend deux heures par jour (enlèvement des refus, préparation des silos, chargement et mélange). Avec une automotrice, ce temps serait réduit d’une demi-heure ; il y a moins d’allers-retours et plus besoin de monter et de descendre du tracteur. « Quant au robot d’alimentation, en nous basant sur l’expérience d’une vingtaine d’élevages équipés, on estime qu’il mobilise l’éleveur 35 minutes par jour », mentionne Johann Cariou. Attention, prévient-il, la dimension de la cuisine peut s’avérer très impactante. Certains élevages ont fait le choix de recycler un bâtiment existant (génisses ou autres) pour aménager la cuisine à moindres frais, mais parfois cette option les contraint à venir approvisionner quasiment tous les jours, au lieu de deux ou trois fois par semaine. »

Au final sur l’exploitation, si on tient compte du coût de la main-d’œuvre, l’automatisation et l’automotrice font jeu égal à 27 €/1 000 l, soit 3 €/1 000 l de moins que la mélangeuse. Pour l’heure, les exploitants n’ont pas encore pris de décision quant à l’investissement à retenir mais ces résultats relancent leur réflexion. « Je ne m’attendais pas à ce que l’automatisation puisse être dans la course au niveau économique, nous allons creuser cette piste », conclut Tony qui a déjà programmé des visites dans différents élevages équipés d’un robot d’alimentation.

(1) L’exploitation a aussi un atelier de 90 truies NE.

Comment est calculé le coût de distribution ?

• Le coût annuel de distribution hors main-d’œuvre est ramené aux 1 000 l. Le calcul réalisé par BCEL Ouest tient compte du coût annuel du matériel de distribution (entretien inclus) et du coût annuel de traction et chargement (gasoil, entretien, amortissement…). « Le coût de traction est comptabilisé à 16 €/h pour un tracteur de 90 CV et 25 €/h pour les plus fortes puissances et télescopiques. Le coût est divisé par deux si le tracteur utilisé est déjà amorti, précise Johann Cariou. Par exemple, un tracteur de 100 CV, qui tourne 500 h/an (1,5 h/j) représente une charge de 12 500 €/an. »

• L’outil intègre ensuite le coût de la main-d’œuvre. Le temps de distribution est estimé avec l’éleveur au regard de ses pratiques et c’est lui qui indique le niveau de rémunération horaire souhaité. « Il est difficile de se baser sur des repères moyens pour estimer la durée du temps de distribution en fonction du système d’alimentation en place. Pour une même ration et un même système d’alimentation, ce temps peut varier du simple au double selon l’emplacement des silos et des concentrés, de la proportion de pertes à retirer, du temps de chargement… »

Aller jusqu’au coût de la ration rendu auge

Approcher le coût alimentaire aux 1 000 l, c’est une bonne chose, mais y intégrer le coût de la distribution pour calculer le coût de la ration rendu auge se montre plus pertinent », affirme Johann Cariou de BCEL Ouest. À l’échelle d’un élevage, cela permet d’être en mesure de comparer jusqu’au bout l’impact financier du choix de tel ou tel système : pâturage, distribution à l’auge, affouragement en vert, séchage en grange… « Un élevage peut être très bien placé au niveau du coût alimentaire, mais se trouver en queue de peloton sur le coût alimentaire rendu auge, illustre le conseiller. Il est dommage d’économiser quelques euros/1 000 l sur le coût alimentaire, et d’en perdre des dizaines sur le coût de distribution. Le risque de dérapage sur ce poste est tout aussi grand que sur le coût de la ration lui-même ! Attention aux investissements non adaptés au système fourrager ou trop importants par rapport au volume à produire. »

Ne pas négliger le coût de la traction dans le coût de distribution

Autre piège à éviter : lors d’un renouvellement du matériel de distribution, la réflexion ne doit pas uniquement se focaliser sur le coût de l’investissement en lui-même. « Dans les calculs de coût de distribution que nous faisons, on voit que ce n’est pas forcément l’investissement dans le matériel de distribution qui se montre le plus impactant, mais plutôt le coût de la traction. Dans le cas d’une ration mélangée par exemple, le coût de la traction et du chargement(1) représente environ deux tiers du coût de distribution hors main-d’œuvre ! » Et ce n’est pas parce que le tracteur sur lequel est attelé le chargeur est amorti qu’il ne coûte plus rien. Le gasoil, les pneus, les vidanges, les pannes diverses coûtent aussi de l’argent… Enfin, avec l’agrandissement des exploitations et le manque de main-d’œuvre, le temps de travail lié à la distribution — et donc le coût de la main-d’œuvre — est également essentiel à intégrer.

(1) Un tracteur de 90 CV et un tracteur-chargeur à moitié amorti.

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