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Mycotoxines : quelle réalité sur le terrain ?

Il n’est pas facile d’appréhender l’impact des mycotoxines en élevage laitier. Un observatoire national multipartenarial des mycotoxines dans l’ensilage de maïs a été mis en place pour mieux analyser ce risque.

À l'échelle de l’observatoire, il n’a pas été mis en évidence de corrélation systématique entre les teneurs en mycotoxines retrouvées dans les maïs et l’impact zootechnique sur les laitières.
À l'échelle de l’observatoire, il n’a pas été mis en évidence de corrélation systématique entre les teneurs en mycotoxines retrouvées dans les maïs et l’impact zootechnique sur les laitières.
© E. Bignon

Est-ce que mon ensilage de maïs est contaminé ? À partir de quels seuils ai-je un risque pour mon troupeau ? Faut-il traiter les vaches pour lutter contre les mycotoxines ? Depuis quelques années, de nombreuses questions émergent autour de la problématique des mycotoxines en élevage laitier, mais les discours sont parfois divergents et il est difficile de s’y retrouver. Afin d’avoir une vision plus précise et objective de la pression en mycotoxine et de leur impact en élevage, un observatoire a été mis en place depuis trois ans par différents partenaires autour de la nutrition animale afin de faire un état des lieux du risque des mycotoxines dans les ensilages de maïs.

1 - L’ensilage de maïs, un fourrage à risque

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires, invisibles et inodores mais très toxiques, produits principalement par des moisissures (champignons) qui contaminent les cultures au champ, et plus rarement qui contaminent les silos de fourrages. Actuellement, environ 400 mycotoxines sont connues et les plus courantes peuvent être classées en six grandes familles : alfatoxines, trichothécènes, fumonisines, zéaralénone, ochratoxines et alcaloïdes d’ergot. Ce sont les champignons qui produisent des mycotoxines pour se défendre lorsqu’ils sont en stress (thermique, hydrique…) ou lorsqu’il y a de la concurrence (présence de plusieurs champignons). Les champignons producteurs de mycotoxines les plus communs sont les Fusarium, qui se développent au champ. Les facteurs favorisant leur développement sont le type variétal, le climat, la présence d’insectes foreurs (pyrales), les techniques culturales, les incidents climatiques (grêles), la date de semis et de récolte.

Les plants de maïs sont fortement sujets au développement de Fusarium lors de la croissance végétative au champ. L’analyse est indispensable car une détection visuelle des mycotoxines est impossible. Un silo peut contenir des moisissures sans pour autant qu’il y ait production de toxines. À l’inverse, un silo qui semble sain visuellement peut être contaminé. La stabilité de ces molécules implique qu’elles peuvent rester dans le produit après la récolte, même si les moisissures à l’origine de la contamination ont disparu.

2 - Objectiver la pression en mycotoxines

Pour évaluer les niveaux de contamination en mycotoxines des maïs de façon plus précise, réactive et objective, un observatoire multi-partenarial a été mis en place. C’est le premier observatoire mycotoxines sur l’élevage des ruminants en France ; il a été initié en 2018 sur la zone Bretagne pour aujourd’hui s’étendre à l’échelle nationale. Il a pour objectif de fournir à destination des éleveurs et des conseillers des repères annuels sur le risque de contamination, au travers d’une cartographie dynamique actualisée au fil de l’eau dès le début des chantiers d’ensilage, grâce à des prélèvements en vert le jour de la récolte, et une actualisation fréquente des données. Ce qui fait l’originalité de ce projet, c’est qu’il est conduit par différents partenaires ayant tous un lien avec la problématique mycotoxines (agronomie, méthode d’analyse, conseil en élevages, solutions curatives).

3 - DON et nivalénol : les mycotoxines les plus à risque

La compilation des résultats de l’observatoire sur trois ans a mis en évidence la présence d’un grand nombre de mycotoxines sur les maïs. Par ailleurs, on s’aperçoit que le profil de contamination est assez stable d’une année sur l’autre.

La contamination en mycotoxines de la famille des trichothécènes, et notamment en DON (déoxynivalénol) et nivalénol, est la plus répandue sur le territoire étudié, puisque 80 % des échantillons ont été quantifiés à des niveaux significatifs. Et 20 % des échantillons dépassent le seuil de risque majeur d’intoxication des vaches laitières admis par l’observatoire (voir le tableau).

La zéaralénone a été retrouvée dans 35 % des échantillons à des niveaux très variables, avec 10 % qui sont au-dessus du seuil de contamination majeure.

Enfin, la famille des fumonisines est très peu présente voir même absente.

Il est important de prendre en compte l’effet cumulatif et synergique des différentes mycotoxines présentes dans un échantillon. En effet l’impact d’une mycotoxine peut être augmenté par la présence d’autres mycotoxines.

4 - Des symptômes peu spécifiques

Les mycotoxines peuvent être à l’origine de pertes économiques considérables. Les symptômes des mycotoxines dans un troupeau laitier peuvent être de différents types, en fonction du nombre et du type de mycotoxines impliquées, des interactions entres elles, et d’autres facteurs liés à la conduite d’élevage. Les vaches laitières ont une certaine capacité à se protéger des effets des mycotoxines grâce à l’action détoxifiante de certains microorganismes du rumen. Cependant, la combinaison de plusieurs facteurs que l’on retrouve très souvent sur les hautes productrices, comme la part importante de maïs ingéré, un transit ruminal rapide, une action microbienne insuffisante, une ration déséquilibrée (acidose subclinique, acétonémie…) laisse moins de temps aux microorganismes du rumen pour détoxifier les mycotoxines, qui du coup se retrouvent absorbées au niveau de l’intestin comme chez les monogastriques.

Les DON affectent principalement le fonctionnement du rumen et peuvent provoquer une baisse d’ingestion, des diarrhées, une baisse des performances laitières. La zéaralénone va, quant à elle, principalement provoquer des troubles de la reproduction. L’absorption de mycotoxines dans le temps affecte de façon plus générale le système immunitaire des animaux.
Cependant, dans le cadre de l’observatoire, il n’a pas été possible de mettre en évidence une corrélation systématique entre les teneurs en mycotoxines retrouvés dans les maïs et l’impact zootechnique sur les vaches laitières.

Repères zootechniques pour les mycotoxines principalement rencontrées en élevage dans le cadre de l’observatoire

 

 
Mycotoxines : quelle réalité sur le terrain ?

 

 

Que faire en cas de suspicion de contamination ?

Il faut agir étape par étape. Si l’analyse révèle des teneurs élevées en mycotoxines, il faut soit déconcentrer la ration en maïs, soit ajouter un capteur de mycotoxines.

Avant de soupçonner la présence de mycotoxines, il faut déjà écarter toutes les autres pistes : conduite du troupeau, ration, parasitismes, sanitaire… Et seulement après, la question des mycotoxines peut se poser. L’étape suivante consistera à réaliser une analyse pour confirmer la présence ou non, mais surtout pour déterminer quels types de mycotoxines pourraient être présents.

Si l’analyse révèle la présence de mycotoxines, il existe deux stratégies pour limiter l’impact : la première consiste simplement à diminuer la part d’ensilage de maïs dans la ration si cela est possible, ou sinon la deuxième est de mettre en place un traitement pour lutter contre les mycotoxines. Il existe des capteurs-fixateurs qui vont se lier avec certaines mycotoxines : il s’agit principalement des argiles, des parois de levure et des charbons actifs, qui utilisent les caractéristiques chimiques des mycotoxines pour se lier à elles comme un aimant et par la suite les éliminer dans les fécès. C’est le cas notamment des aflatoxines et des alcaloïdes d’ergot. Cependant, la majorité des mycotoxines ne possèdent pas ce type de charge et ne sont pas retenues par les capteurs-fixateurs, comme les DON, nivalénol et zéaralénone qui sont plus courantes. Il faut alors utiliser des enzymes spécifiques qui vont permettre d’éliminer la toxicité des mycotoxines en les dénaturant. La forme détoxifiée n’a alors plus d’effet néfaste sur l’organisme des animaux.

Mise en garde

Dans les analyses, il ne faut pas oublier de rechercher la nivalénol ! Son risque toxique est considéré comme supérieur à la DON, sa présence est importante en élevage et ses valeurs ne sont pas corrélées à celles de la DON.

Pour en savoir plus

Les résultats sont publiés et consultables sur le site internet de l’observatoire des mycotoxines. Les travaux se poursuivent. L’objectif cette année va être d’étudier la relation entre les pratiques culturales et le niveau de contamination en mycotoxines afin d’essayer de mettre en évidence des pratiques permettant de limiter le développement au champ.

Entre 150 et 200 € par analyse

Le coût d’une analyse dépend des mycotoxines recherchées. Pour une analyse complète, le coût s’élève entre 150 € et 200 € HT. Elle repose sur une méthode d’analyse chimique par chromatographie en phase liquide LC-MS/MS. Seuls quelques laboratoires en France (Capinov, Labocea, Eurofins, Inovalys…) la pratiquent. Dans le cadre de l’observatoire, les analyses ne portent désormais plus que sur les DON, zéaralénone et nivalénol car ce sont les plus présentes dans les ensilages de maïs. En début de campagne, sur les maïs en vert, le coût payé par un éleveur s’élève à 50 € car une partie est financée par l’observatoire. Réalisée plus tard dans l’année, le coût passe à 100 € HT.

Avis d’éleveur : Yves Gourdin, associé du Gaec Gourdin à Humerœuille dans le Pas-de-Calais

« Mes résultats de reproduction se sont nettement améliorés »

 

 
Yves Gourdin, en Gaec dans le Pas-de-Calais.
Yves Gourdin, en Gaec dans le Pas-de-Calais. © Gaec Gourdin
« Par simplification et pour l’organisation de notre travail, nous groupons les vêlages de nos 70 Prim’Holstein à 10 600 kg de lait de septembre à janvier. Cela implique une bonne fécondité afin de ne pas à avoir trop de vaches vides à réformer car se trouvant hors de la période de vêlage souhaitée. Depuis quelques années, nos résultats de reproduction se sont dégradés et nous avons du mal à remplir nos vaches. Bien que nous ayons un suivi de fécondité régulier avec le vétérinaire et que nos vaches expriment bien leur chaleur… On s’était déjà questionnés sur les mycotoxines et quand notre conseillère d’Oxygen Conseil élevage nous a parlé de l’observatoire et de la possibilité de faire une analyse, on a tout de suite accepté. Nous avons eu le retour de résultat rapidement début janvier. L’analyse a révélé une présence importante de DON (2 419 ppb/kgMS - risque majeur à partir de 1 500 ppb/kgMS) et surtout en zéaralénone (1 203 ppb/kgMS - risque majeur à partir de 300 ppb/kgMS). Comme celle-ci a un impact sur la fertilité et les mortalités embryonnaires, et que nous ne pouvions pas réduire la part de maïs dans la ration, nous avons mis en place un traitement pour lutter contre les mycotoxines car nous débutions notre période d’insémination. J’ai apporté dans la ration à l’auge 50 g/VL/j d’un capteur de mycotoxines contenant un désactivateur enzymatique et permettant de booster la flore ruminale.

 

Je me suis posé des questions sur le coût et l’efficacité car l’investissement n’est pas négligeable (0,20]]>€/VL/j). Le traitement est resté en place jusqu’au printemps et les dernières inséminations. Nous avons réalisé un bilan à l’automne et les résultats de reproduction se sont nettement améliorés par rapport aux années précédentes. Nous sommes passés de 2,9 IA/VL à 1,8 IA/VL, de 34 % à 49 % de réussite en première IA et de 37 % à 16 % de vaches à trois IA et plus. Le gain estimé sur les résultats est d’environ 4 800 € pour un investissement de 2 000 € donc je suis satisfait du retour sur investissement. Afin d’être encore plus réactif, cette année, j’ai réalisé l’analyse de recherche de mycotoxine dès la récolte en octobre. J’espère que la contamination sera moins importante. Pour ne pas subir l’impact des mycotoxines et le coût du traitement, je vais voir pour travailler sur la conduite culturale de mes maïs pour limiter l’impact de la fusariose et de la pyrale qui est de plus en plus présente dans la région. »

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