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« Même avec un robot, je ferme mon silo de maïs au printemps »

En Ille-et-Vilaine, Philippe Bougeard n’a pas renoncé au pâturage. Avec un peu plus de 25 ares par vache, l’éleveur parvient généralement à fermer son silo pendant deux mois.

Que ce soit pour la maîtrise du coût alimentaire, la santé et le bien-être de mes vaches, je tiens à ce qu’elles pâturent », explique avec conviction Philippe Bougeard, installé à Iffendic, à l’Ouest de l’Ille-et-Vilaine. Et la mise en place en 2012 d’un robot pour remplacer la salle de traite en bout de course, ne devait pas remettre en cause ce pâturage. « Avec quatre années de recul, force est de constater que cela n’a pas été le cas, relate Anthony Baslé, responsable de marché robot chez Eilyps. En moyenne sur les quatre ans, les laitières de l’élevage ont en effet consommé chacune environ 1,6 tonne de MS d’herbe pâturée par an. »

« Nous avons la chance d’avoir un parcellaire groupé », précise l’éleveur. Actuellement, le troupeau compte une soixantaine de laitières essentiellement Prim’Holstein à 9 000 kg de moyenne d’étable (8 700 litres vendus) en vêlage étalé. L’exploitation vend un peu plus de 500 000 litres de lait. Chaque vache traite (55 en moyenne) dispose d’un peu plus de 25 ares à pâturer.

Le robot est installé à l’une des extrémités du bâtiment, près de la laiterie, mais à l’opposé de la sortie des vaches. C’est donc une porte de pâturage qui gère les possibilités d’accès à l’extérieur.

Un objectif de deux mois de fermeture de silo

L’organisation du parcellaire n’a pas été modifiée avec la mise en place du robot. Les vaches pâturent sur douze paddocks desservis par un chemin et accessibles à une distance maximale de 600 m. Les 30 ha de prairies sont implantées en mélanges « suisses », renouvelés tous les 6 à 7 ans.

Les paddocks de dimensions variables sont conduits avec un fil avant, déplacé matin et soir. « Mes deux plus grands paddocks font 1,5 hectare et le rationnement au fil avant facilite la gestion de l’herbe et permet une meilleure valorisation, explique l’éleveur. Mes vaches vont sur les mêmes paddocks jour et nuit. Elles rentrent dans les parcelles à une hauteur d’herbe comprise entre 10 et 15 cm et en ressortent à 5-6 cm. Je fais une fauche de refus sur l’ensemble des paddocks au cours de la saison de pâturage. Des mesures de hauteurs d’herbe réalisées tous les mois par mon conseiller d’élevage Eilyps m’aident dans la prise de décision : pour fermer le silo, débrayer un paddock…. On a souvent tendance à trop attendre pour débrayer et en période de pleine pousse on peut vite se faire déborder et en subir les conséquences pendant tout le reste de la saison, avec de l’herbe trop avancée, moins bien consommée et de moins bonne valeur. »

La mise à l’herbe a généralement lieu pendant la première quinzaine de mars. « Normalement, les vaches sont nuit et jour dehors environ deux semaines plus tard". À partir de fin novembre, les vaches restent la nuit en bâtiment, mais continuent à pâturer un peu en journée, jusqu’à mi-janvier. "Mon objectif est de fermer le silo de maïs pendant au moins deux mois, entre début avril et mi-juin. »

La fréquentation baisse de 0,2 traite par jour

« Sur les quatre dernières années, il n’y a qu’en 2016 que je ne l’ai pas fermé. Du fait d’une période fortement pluvieuse en cours de printemps, j’ai conservé 5 kg de MS d’ensilage de maïs/vache/jour. »

Les vaches sont ramenées au bâtiment matin et soir

Pendant toute la saison de pâturage, Philippe Bougeard ramène ses vaches dans le bâtiment deux fois par jour, « le matin entre 8 h et 8h30 et le soir vers 18 h. Ce n’est pas une contrainte. Cela me permet de voir l' état des paddocks et leur évolution, d’observer le troupeau et d’avancer mon fil. Et en général, la plupart des vaches sont remontées avant que j’aille les chercher. Elles se repèrent très bien dans la journée et elles savent que matin et soir, après être passées au robot, elles auront accès à un nouveau morceau de pâture. Lorsqu’elles n’ont pas de fourrage à l’auge et qu’elles ne sont pas dans leur plage d’autorisation de traite, les vaches qui ont été ramenées au bâtiment retournent aussitôt dans la parcelle ».

« Quand je distribue un peu de conserve, la distribution est réalisée juste avant d’aller les chercher, ce qui permet d’être sûr qu’elles y ont toutes accès. D’ailleurs, pendant ces périodes de transition où les vaches ont un peu de conserve, le simple fait d’entendre le tracteur passer à l’auge les fait remonter. »

Chaque jour doit ressembler au précédent

« Pour que les vaches circulent bien entre le robot et les pâtures, il faut qu’elles aient de bons chemins, qu’elles n’éprouvent aucune gêne à aller et venir. Les miens sont d’ailleurs à refaire en bonne partie, reconnaît l’éleveur. Ils commençaient à se dégrader et la dernière saison de pâturage avec une longue période pluvieuse leur a été fatale ! » En plus de la réfection de ses chemins, Philippe Bougeard a d’ailleurs prévu quelques aménagements comme la réalisation d’un talus pour faciliter l’écoulement de l’eau. « Pour une circulation fluide des vaches entre le robot et les prairies, il me parait aussi important de respecter leur horloge biologique, en leur offrant le maximum de régularité. Chaque jour doit ressembler au précédent, de sorte que les vaches sachent à quoi s’attendre. »

« Lorsqu’elles sont au pâturage, les vaches n’ont pas d’eau dans les parcelles. Lors de la première année de pâturage avec le robot, j’avais supprimé l’eau avec l’idée d’inciter les vaches à revenir au bâtiment. Depuis, comme tout se passe bien, je n’ai pas remis l’eau en pâture. Mais le réseau et les bacs à niveau constant sont toujours en place, ce qui me laisse la possibilité de le faire, notamment en cas de forte chaleur pour les parcelles les plus éloignées. »

Un coût alimentaire au printemps de 60 à 80 €/1 000 litres

° Quand le silo est fermé, les vaches ont à leur disposition du foin déroulé à l’auge sur lequel Philippe Bougeard apporte 2 kg de maïs grain/vache/jour. Elles reçoivent par ailleurs environ 2,5 kg de concentré au robot : 1,5 kg d’un concentré énergétique et 1kg de correcteur azoté tanné.

L’accès des vaches au pâturage est géré par une porte de tri. Une laitière proche de sa plage d’autorisation de traite ne peut pas sortir sans être passée par le robot. « Le réglage a été fait à 80 % de l’autorisation de traite. » Ainsi, avec une fréquence de 2,4 traites/j correspondant à une traite toutes les 10 h environ, les vaches qui ont été traites depuis 8 h ou plus doivent passer par le robot avant de sortir.

° « Il faut accepter une baisse de fréquentation de la stalle », souligne Philippe Bougeard. Les vaches sont traites 2,6 à 2,7 fois par jour en hiver et 2,3 à 2,5 fois par jour lorsqu’elles sont à l’herbe, en fonction de leur avancement en lactation et de leur production.

« Pendant la période de pâturage, la production journalière baisse un peu également et elle est surtout plus variable en fonction de la météo, du stade d’avancement dans le paddock et de la qualité de l’herbe. En hiver, la production journalière moyenne est de 30 kg, au pâturage, elle varie entre 26 et 29 kg. Mais au final, je m’y retrouve largement avec la baisse du coût alimentaire. » D’environ 105 €/1 000 litres sur la période d’hiver, il descend à 60 €/1 000 litres en plein pâturage quand le silo est fermé.

« Pâturer avec un robot : des conditions à respecter »

" Si l’on observe souvent une diminution du pâturage suite à la mise en place d’un robot de traite, ce n’est pas une fatalité. Il est tout à fait possible, comme chez Philippe Bougeard, de conserver une bonne part de pâturage, sous réserve de respecter quelques conditions. La stalle ne doit pas être saturée. Nous observons que, jusqu’à une bonne cinquantaine de vaches traites, les éleveurs valorisent sans problème 20 à 25 ares de pâture par vache. Avec 60 vaches traites par stalle, la surface en herbe valorisée diminue à une dizaine d’ares. Un autre critère important est la motivation de l’éleveur qui doit être prêt à dépasser certains freins psychologiques comme la baisse de fréquentation du robot et une production journalière individuelle des animaux plus variable au pâturage. Enfin, les accès entre le robot et les pâtures doivent être de très bonne qualité, suffisamment larges et bien entretenus. Lorsque ces conditions sont réunies, la place du pâturage peut rester conséquente, avec tous les bénéfices associés à ce pâturage, notamment en termes de coût alimentaire. Nos observations montrent que les élevages en traite robotisée valorisant 20 ares (ou plus) d’herbe pâturée par vache ont un coût alimentaire inférieur de 15 €/1 000 litres aux élevages en zéro-pâturage."

Anthony Baslé, responsable de marché robot Eilyps

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