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Litière malaxée : « Nous valorisons nos haies »

Pour son nouveau bâtiment, le Gaec la Liberté, en Vendée, a opté pour la litière de bois composté, en valorisant son important linéaire de haies. Un compromis économique pour les éleveurs et confortable pour les vaches.

Le vent souffle et s’engouffre dans le nouveau bâtiment du Gaec la Liberté, sur les hauteurs de Saint-Malo-du-Bois, commune bocagère du nord de la Vendée. « Le parcellaire autour du site historique du bourg s’est progressivement réduit, explique Jérôme Charrier, installé depuis 2010 avec son père Jean-Claude. Pour notre système bio, axé sur le pâturage, il fallait envisager une délocalisation. »

Après plusieurs mois de réflexion, le bâtiment a été mis en service en mars 2019, au cœur d’un site de 55 hectares. Un parcellaire regroupé, idéal pour le pâturage, sur des terres très portantes. Le bâtiment n’a ni logettes ni aire paillée : les 80 Holstein s’installent sur une surface de 800 m² de bois composté.

Un bâtiment sur mesure

Le choix du bâtiment s’est dessiné selon les critères des éleveurs : « Fini les logettes, je ne voulais plus de gros jarrets. Pas d’aire paillée, car nous n’avons que dix hectares de céréales. Quant à la main-d’œuvre et aux charges de mécanisation, l’objectif était de les limiter. »

L’idée de la litière compostée a émergé en 2017, lors de la visite d’un élevage laitier de Loire-Atlantique présentant son couchage sur miscanthus : « Le principe du bâtiment nous a plu. Mais la production de la graminée n’était pas envisageable chez nous, notre surface cultivable étant déjà insuffisante pour nos besoins. » Jérôme a alors l’idée de mettre à profit l’une des ressources de l’exploitation : les nombreuses haies du parcellaire. Un test de litière en plaquettes de bois sur les génisses emporte la conviction les éleveurs.

Exploiter les ressources naturelles

Les 110 hectares de l’exploitation offrent 30 à 40 kilomètres de haies. « C’est un stock sur pied très confortable, se satisfait Jérôme. Nous entretenons également des haies du voisinage, dont le bois nous est cédé en échange. » L’approvisionnement en bois pour le couchage des laitières et des génisses nécessite un volume annuel de 700 m3 de plaquettes, soit l’équivalent d’un à deux kilomètres de haies.

Au mois d’août, le bois est abattu par une entreprise spécialisée dans la taille des arbres, équipée en pelleteuse et tronçonneuse. « Il est primordial de faire appel à des intervenants compétents, disposant de matériel adapté, pour réaliser correctement la taille et préserver la ressource végétale. »

Les éleveurs sélectionnent du bois d’eau, friable, au séchage rapide et se décomposant facilement au sol. « Pour les génisses, nous utilisons les mélanges de bois et feuilles issus du nettoyage des haies avec un lamier. Cela permet de valoriser ce produit, proscrit sur les vaches, car les fermentations dues à la présence de feuilles peuvent avoir un impact sur la qualité du lait. »

 

 
Le stockage des plaquettes de bois se fait idéalement en un tas unique, pour limiter les entrées d’air et favoriser la montée en température en situation anaérobie.
Le stockage des plaquettes de bois se fait idéalement en un tas unique, pour limiter les entrées d’air et favoriser la montée en température en situation anaérobie. © M. Giraud

 

Pour la transformation en palette, la déchiqueteuse de la Cuma Défis 85 de La Roche-sur-Yon, située à 50 km, est utilisée sur place. Le tout est ensuite stocké en tas, en forme de volcan. La situation d’anaérobie engendre une montée en température de la masse de bois. « Un tas bien réussi doit chauffer jusqu’à 60°C afin d’assainir les plaquettes et de bien sécher l’intérieur. Mieux vaut faire un tas bien en hauteur dehors qu’un cordon sous abri. » Les plaquettes peuvent être utilisées en litière trois mois environ après le stockage, quand le tas est stable et les évaporations terminées.

Jérôme évalue le coût des opérations de récolte et de déchiquetage à 10 €/m3, soit 40 € la tonne. « Actuellement, le prix du marché des plaquettes bois tourne à 90 euros par tonne séchée. »

Garder la litière sèche

Naviguant entre le pâturage, ouvert dix mois et demi dans l’année, et les visites au robot et à la table d’alimentation, les vaches passent un quart du temps dans le bâtiment, selon les estimations de l’éleveur. « La conduite à l’herbe limite la présence des animaux et détermine la gestion de la litière. » En hiver, l’aire compostée est malaxée quotidiennement avec un vibroculteur. « L’opération prend peu de temps. Il faut quelques minutes pour passer sur l’ensemble de la litière, puis interdire l’accès aux animaux pendant une demi-heure. Le but est d’aérer les plaquettes de bois pour sécher la litière. » À la belle saison, l’aire compostée est malaxée une à deux fois par semaine.

Débutant son troisième hiver, Jérôme a testé différents asséchants en complément des plaquettes de bois. La dolomie, à l’effet limité, n’a pas convaincu l’éleveur. Il essaie cette année l’apport de « fine » de broyage, résidus de tri de bois de chauffage qu’il achète et parsème tous les quinze jours sur la litière.

Trois fois par an, en mars, novembre et janvier, l’aire de couchage est intégralement curée; « Nous en avons pour quatre heures. Le compost est destiné aux prairies. » Cet apport carboné est rééquilibré en azote avec du lisier et des fientes de volailles, ou utilisé seul sur les luzernes.

Les atouts de l’aire libre

Les vaches disposent de 10 m² chacune, quand les normes affichées préconisent un minimum de 7 m². Une surface nécessaire, selon l’éleveur, pour limiter le salissement de la litière et le nombre de curages. « Les vaches s’y sentent bien. Nous retrouvons les atouts de l’aire libre, avec des animaux sains. Je n’ai plus le critère boiterie parmi les causes de réformes et les chaleurs sont bien exprimées. La qualité du lait est aussi maîtrisée. Cette année, le taux cellulaire moyen se situe à 210 000 et j’ai soigné trois mammites. C’est moins que dans le bâtiment précédent. Pas de pénalités butyriques non plus, même s’il faut reconnaître que les vaches sont plus sales. »

Avis d'expert : Mickaël Papin, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de Vendée

« Un bon compromis »

 

 
Mickael Papin, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de Vendée.
Mickael Papin, conseiller bâtiment à la chambre d’agriculture de Vendée. © M. Giraud

 

« Ce type de bâtiment représente un bon compromis par rapport aux critères actuels des éleveurs laitiers : économique, sans paille, confortable pour les animaux et peu gourmand en entretien. La litière compostée fait désormais partie des options étudiées par les porteurs de projet. C’est aussi un système réversible, notamment si l’éleveur n’est pas à l’aise avec la gestion du compost ou s’il change d’orientation.

L’impératif pour ces bâtiments est l’aération et le séchage de la litière. Je recommande une circulation d’air importante et une orientation vers l’est, le soleil devant baigner au maximum l’aire de couchage. Le malaxage, avec un outil à dent, doit être proportionné à l’utilisation (avec ou sans pâture) et à l’hygrométrie. Hors système robot, il est conseillé d’équiper l’aire de couchage d’un chien électrique, pour encourager le bousage sur l’aire d’exercice. »

Côté éco

 

 
Litière malaxée : « Nous valorisons nos haies »

 

L’entretien annuel de la litière malaxée coûte 9 970 € :

]]> Plaquettes de bois : 7 000 € (700 m3 x 10 €/m3)

]]> Fine de broyage (asséchant) : 1 170 € (90 m3 x 13 €/m3)

]]> Amortissement tracteur et vibroculteur : 1 300 €

]]> Carburant 50 h/an : 500 €

 

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