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L’homéopathie soigne le malade, pas la maladie

Stimuler la réactivité naturelle de l'animal : tel est l'objectif de l'homéopathie, explique Loïc Guiouillier, vétérinaire et homéopathe convaincu.

Soigner selon le principe des semblables

L’homéopathie repose sur la loi des semblables, c’est-à-dire soigner par ce qui est semblable à la maladie. Ce principe considère qu’une substance susceptible de déclencher un ensemble de symptômes chez un individu sain est capable de guérir un individu malade présentant les mêmes symptômes. À la différence de l’allopathie, où on lutte contre l’agent infectieux, l’homéopathie stimule la réactivité de l’animal pour qu’il se défende lui-même. « L’agent pathogène n’a aucune importance. On ne soigne pas la maladie en elle-même, mais l’animal qui fait la maladie, décrit Loïc Guiouillier, vétérinaire en Mayenne. Il est toutefois utile de connaître l’agent pathogène pour pouvoir rebondir et mettre en place une réelle prévention. Par exemple, pour soigner une mammite avec de l’homéopathie, peu importe de savoir quelle est la bactérie en cause. Par contre, il est toujours important de vérifier les paramètres qui peuvent expliquer la survenue de la mammite, comme le réglage de la machine à traire par exemple. »

Des substances à dose infinitésimale

Les remèdes homéopathiques sont élaborés par dilutions successives du principe actif. La dénomination CH pour Centésimale Hahnemannienne indique le degré de dilution. Plus le chiffre qui précède est élevé, plus la dilution est importante. Après chaque dilution, la solution est secouée : on parle de dynamisation. Les produits utilisés pour réaliser ces remèdes proviennent des règnes végétal, animal ou minéral. Ils vont du chlorure de sodium au venin de serpent à sonnette en passant par le soufre ou la coquille d’huître.

Sous forme de granules ou de solutions administrés par voie orale (dans la gueule, l’eau de boisson…) ou dans la vulve, les remèdes homéopathiques présentent des concentrations extrêmement faibles (les plus fréquentes sont 5, 7, 9, 15, 30 CH). À partir de 3 CH, le remède est réputé sans toxicité et sans risque avec un délai d’attente nul. La réglementation n’exige pas de prescription vétérinaire.

Un remède par animal

L’homéopathie uniciste prend en compte l’animal dans son individualité, et prône la recherche d’un remède spécifique à chaque animal. Le remède qui va le guérir en profondeur une première fois sera capable, en cas de rechute, de le guérir à nouveau. Il n’existe pas de remède type par pathologie. Des animaux présentant des symptômes similaires peuvent ne pas recevoir le même traitement. « Par exemple, trois mammites dans un même troupeau peuvent être traitées distinctement, illustre Loïc Guiouillier. L’expression de la douleur, les antécédents ou encore la texture du quartier atteint des trois vaches peuvent être différents et faire varier le traitement. »

L’homéopathie ne cible pas de pathologie particulière. « Cette médecine est idéale pour traiter les problèmes de reproduction, de cellules ou de comportement. Mais son champ d’action est encore bien plus large. » Elle trouve sa place principalement dans trois situations : si un animal présente des symptômes particuliers, s’il n’y a pas d’autres solutions thérapeutiques envisageables, ou si les autres thérapeutiques ont échoué. « Dans un cas grave et urgent, je ne propose un traitement homéopathique que si les éléments recueillis permettent de caractériser à coup sûr le médicament adapté. Mieux vaut proposer un traitement allopathique plutôt que tâtonner. »

« Bien pratiquée, l’homéopathie donne des résultats rapides, avec des effets qui peuvent se montrer spectaculaires », affirme le vétérinaire. À travers les prescriptions, généralement établies pour trois jours, l’objectif est de rééquilibrer l’organisme de l’animal, le « réaccorder ». « Si l’éleveur ne voit pas de réel changement entre 24 h et 72 h, c’est que ce n’est pas le bon remède ou que l’on s’est trompé de diagnostic. » Certains désordres plus anciens sont plus longs à traiter.

Une observation approfondie de l’animal

L’homéopathie prend en compte l’intégralité de l’animal, sans dissocier le physique du mental, et s’intéresse à sa façon d’exprimer sa maladie. « Il faut amener l’éleveur à repérer des symptômes inhabituels, des symptômes rares, bizarres et curieux, qui font que cet animal est différent de tous les autres, affirme Loïc Guiouillier. J’encourage l’éleveur à décrire ce qu’il voit, sans chercher à l’expliquer. » L’animal doit être soigneusement examiné, exploré, du bout du nez à l’extrémité de la queue, de la pointe des oreilles au bout des sabots, en faisant appel à tous les sens. Il faut pouvoir répondre à des questions un peu étranges et très précises : cette vache passe-t-elle parmi les premières en salle de traite ? A-t-elle soif ou non ? Est-elle froide aux extrémités malgré une température élevée par exemple ? Est-elle curieuse ? Son état s’améliore-t-il si elle se déplace ou bien préfère-t-elle rester prostrée ? Ce faisceau d’informations permet d’orienter vers tel ou tel remède à partir d’un répertoire. « C’est là où il faut être très rigoureux pour être efficace ", explique le vétérinaire, en précisant qu’il y a plusieurs moments clés pour appréhender le comportement de l’animal : le vêlage, la traite, et les chaleurs. « J’incite les éleveurs à consigner dans un petit carnet les signes particuliers observés pour chaque animal, depuis la naissance. "

L’homéopathie exige beaucoup de pratique. L’automédication se limite aux causes évidentes de perturbations, telles que les conséquences des traumatismes. La difficulté est de trouver un vétérinaire référent. Aujourd’hui, on recense 30 à 50 vétérinaires ruraux praticiens.

En savoir plus

À côté de l’approche uniciste qui administre un seul remède ou molécule par animal, on trouve aussi des complexes homéopathiques. Il s’agit d’associations à basses dilutions de remèdes (Wombyl, Cervicyl, etc.). Non spécifiques à l’animal traité, elles s’utilisent à la façon allopathique, avec un effet plutôt dans la durée. 

Une efficacité mise en doute

« Il n’existe aucune preuve, scientifiquement établie et reproductible, de l’efficacité des produits homéopathiques, même s’il y a parfois un effet placebo. » C'est ce qu'affirme catégoriquement le Conseil scientifique des académies des sciences européennes. Une revue systématique très récente des publications scientifiques, avec analyse qualitative des traitements autres qu’antibiotiques, va dans le même sens. " Elle conclut que les traitements homéopathiques n'ont pas montré d'efficacité pour la gestion des mammites cliniques, rapporte Marylise Le Guénic, vétérinaire à la chambre d’agriculture de Bretagne. Dans une thèse menée en 2014, nous avons toutefois observé des taux de guérison corrects, mais sans différence entre les traitements unicistes très ciblés à l'animal et l'utilisation de complexes homéopathiques."  On peut émettre l’hypothèse d’une autoguérison spontanée. « De récents travaux américains de traitements sélectifs des infections cliniques peu sévères ont montré de bons taux d’autoguérison. »

« L’appréciation de l’efficacité des traitements homéopathiques nécessite une approche différente de celle habituellement employée, rétorque Loïc Guiouillier. La réactivité individuelle n’est pas compatible avec des études statistiques telles qu’elles sont pratiquées en allopathie. » De par son approche centrée sur le malade, l’homéopathie ne se prête guère à l’expérimentation. Effectivement on n’explique pas encore l’effet des hautes dilutions et leur mécanisme d’action. « Mais est-ce la priorité ?, s’interroge-t-il. L’effet placebo pourrait être recevable, même pour des animaux d’élevage, en considérant que les éleveurs qui pratiquent sont très proches de leurs animaux. Par contre, le fait d’observer des résultats étonnamment rapides infirme cette hypothèse. »  

« Nous l'utilisons dans les cas ni graves ni urgents »

Au Gaec des Clairventes, en Mayenne. Passionnés de génétique et à la tête d’un troupeau de 80 Normandes à 7 700 litres, Olivier et Francine Huet ont découvert l’homéopathie il y a quatre ans. L’une de leurs génisses a déclaré une mammite clinique après son vêlage, qu’ils n’ont pas réussi à endiguer après différents traitements antibiotiques. « On a galéré pendant trois mois, se souviennent les éleveurs. La primipare tapait en salle de traite et son lait tournait à 4 millions de cellules ! On ne s’en sortait pas… jusqu’à ce que notre vétérinaire nous propose un traitement homéopathique. On a essayé car on n’avait plus rien à perdre. » Les éleveurs lui ont administré 3 gouttes de Sulfur 200 K dans la gueule, matin et soir pendant trois jours. La consigne était de rappeler le véto si la situation ne s’améliorait pas. « Le résultat fut épatant. Le soir même, elle n’avait plus besoin d’entrave à la traite, s’enthousiasme encore le couple. Et, au contrôle suivant, elle était redescendue à moins de 100 000 cellules. » Cette primipare est revenue en chaleur après le traitement et a pris dès la première insémination. Depuis, elle a vêlé trois fois. « À chaque début de lactation, on a redonné le remède car elle refaisait une mammite. Sans ce traitement peu coûteux, nous aurions dû la réformer… »

« Nous avons vu des résultats troublants sur certaines vaches »

Les éleveurs se permettent de travailler avec l’homéopathie quand le pronostic vital de l’animal n’est pas engagé. « Quand j’ai un petit veau qui bat du flanc et/ou qui tousse, je pulvérise sur ses narines une préparation à base d’Arsenicum album, raconte Francine. Cela ne marche pas à tous les coups, mais j’ai déjà pu soigner une dizaine de veaux comme ça. Quand ça marche, je vois des signes d’amélioration à chaque prise. » Autre exemple avec des petits veaux faibles qui ont du mal à se réchauffer à la naissance. « J’applique Carbovegetabilis sur les narines ou la langue, toutes les heures et ça les requinque bien. » « L’avantage, c’est qu’il n’y a pas de rémanence, apprécient les éleveurs. Il faut se montrer patient et bien connaître ses vaches pour remarquer s’il y a quelque chose d’inhabituel dans leur comportement. »

« Pas toujours simple de déceler le bon symptôme ! »

Au Gaec de l’Orée des bois, en Mayenne. Installée avec son fils Nicolas, Nancy Boudier a toujours quelques tubes d’homéopathie dans sa poche. Très animalière, cette éleveuse s’est lancée dans l’homéopathie il y a une dizaine d’années et continue de suivre des formations pour se perfectionner. « Je trouve l’homéopathie particulièrement efficace pour traiter des problèmes comportementaux, considère Nancy. On avait une primipare qui sautait systématiquement par-dessus la barrière pour aller au robot. On a expliqué le cas au vétérinaire et donné un maximum d’observations sur cet animal. Il lui a prescrit des granules de Stramonium matin et soir, et ça a été radical. On n’en revenait pas. Le lendemain, elle est devenue toute calme. » Dernièrement, d’autres cas particuliers avec une vache qui cherchait toujours à sortir au pré, et une autre qui tapait lors de la traite, ont pu être résolus par un traitement homéopathique. Aujourd’hui, Nancy l’utilise pour les métrites, les fourchets, les non-délivrances, les coliques, les traumatismes... Ou encore pour des problèmes des yeux qui pleurent au pâturage avec les mouches, de présence de sang dans le lait après le vêlage, de chaleurs anormales. « J’ai traité une vache fatiguée et au poil terne avec Phosphorus. Au bout de deux jours, elle a retrouvé du dynamisme et a mieux fréquenté le robot. »

« Quand le traitement marche, le résultat est rapide »

Nancy préfère administrer directement les granules dans la vulve ou au DAC du robot. « Quand un traitement marche, le résultat est rapide, décrit-elle. Et plus on traite tôt, mieux c’est. Il faut essayer de déceler des petits détails et bien décrire l’animal au véto. L’observation demande du temps. Il arrive qu’on passe à côté de quelque chose et qu’il manque une pièce au puzzle pour résoudre le cas… Mais au prix du tube (2,20 €), j’estime que ça vaut le coup d’essayer. »

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