Les ventes de contrats se multiplient et font réagir
"Depuis début septembre, je reçois au moins un appel par semaine à ce sujet", nous dit un conseiller. Il y a une vraie demande de producteurs qui veulent produire plus, entend-on un peu partout dans l'Ouest. Les acheteurs de contrat sont des éleveurs qui ont investi récemment et veulent remplir leur bâtiment, ou bien qui auraient sinon des pénalités à payer à leur laiterie pour dépassement du volume du contrat (286 E/1000 l dans le cas de livreur Lactalis). Le plus souvent, ce sont des volumes de 100 000 ou 150 000 litres qui sont échangés. Les laiteries n'hésitent pas à servir d'intermédaire. Les transactions se font à des prix très variables. C'est la loi de l'offre et la demande. En Haute-Normandie, "je vois des contrats s' échanger à 15-20 E/1000 litres, et ceux à 25-30 E ne trouvent pas preneur", nous dit-on. Dans les régions plus laitières, les ventes se font entre 30 et 300 E/1000 litres, voire même 400 euros selon des rumeurs. À l'inverse, on nous signale des éleveurs qui cèdent des contrats gratuitement à des jeunes qui s'installent. Des chiffres en tout cas à mettre en parallèle avec le coût de production marginal des derniers litres de lait (voir p. 68).
Des transactions entre 0 et 300 E/1000 litres voire plus
Face au développement de ces pratiques, les réactions se multiplient elles aussi. Ainsi la FRSEA et JA des Pays de la Loire tirent la sonnette d'alarme dans un communiqué, même s'ils "comprennent les producteurs qui veulent produire plus de lait": "Attention, acheter un contrat, c'est alourdir ses propres coûts de production et s'exposer à une plus grande fragilité en cas de volatilité des prix", alertent-ils en soulignant que les juristes sont partagés sur la validité juridique d'une telle opération. "La pyramide des âges montre que de nombreux producteurs vont cesser leur activité pour prendre leur retraite; des quantités importantes de lait vont être disponibles. Ne vaut-il pas mieux attendre un peu?" Jeunes Agriculteurs rappelle de son côté son opposition à toute vente de contrats. "C'est à l'organisation de producteurs de redistribuer le volume disponible, en priorité aux jeunes qui souhaitent s'installer", plaide le syndicat. La Confédération paysanne demande au ministre de l'Agriculture de "réagir au plus vite par décret pour mettre fin à cette pratique. (...) Elle va à l'encontre de l'intérêt collectif de maintenir des fermes nombreuses sur tout le territoire." Interrogé lors d'une conférence de presse sur cette marchandisation des contrats, le président de la FNPL a répondu "c'est aberrant car cela constitue une charge supplémentaire (...) C'est une impasse dans laquelle s'engagent des producteurs avec la complicité des transformateurs."
A.C. et V. Q.