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Les galères d’une ligne haute tension

Pendant dix ans, Jean-Michel Meyer en Moselle a subi des pertes de production, des mortalités inexpliquées… attribuées à une ligne haute tension. L’intervention d’un géobiologue a remis les choses en ordre.

Je suis éleveur laitier et cela fait dix ans que je vis un enfer, suite à l’implantation d’une ligne 400 000 volts à 500 mètres de ma ferme », nous écrivait il y a quelque temps Jean-Claude Meyer, éleveur à Sarraltroff (Moselle). Il dressait une longue liste des maux que subissait son troupeau à chaque mise à l’herbe et nous expliquait comment, en octobre 2016, il a fait intervenir un géobiologue, sur les conseils du GDS. Il a posé de grosses pierres dans les parcs pour neutraliser une faille géologique qui, selon lui, propageait les champs électromagnétiques de la ligne électrique. Depuis, beaucoup de difficultés ont disparu. La géobiologie a ses défenseurs et ses détracteurs. Mais, force est de constater qu’elle a apporté une solution là où personne n’en voyait. « Je n’y croyais pas du tout, admet Olivier Mathieu, le conseiller de l’élevage. Mais, suite à la pose de ces blocs, il y a eu une nette amélioration. »

L’éleveur est décrit par ses conseillers comme quelqu’un qui sans rechercher la technicité la plus pointue travaille bien. « Je n’ai rien à redire à la conduite du troupeau », confirme Marcel Albert, conseiller bovin lait à la chambre d’agriculture. Les bâtiments sont confortables et bien entretenus. La ration d’hiver est classique : ensilage de maïs (35 kg bruts), enrubanné (5 kg) et foin (1 kg). La complémentation est apportée dans la mélangeuse et au robot.

La production chutait à la pâture et remontait en hiver

La ligne haute tension, installée en décembre 2007, traverse les pâtures de l’exploitation et passe à 500 mètres de la stabulation et un transformateur est positionné à 1,6 kilomètre. Avant cette implantation, la moyenne économique du troupeau tournait autour de 7 500 litres par vache avec une utilisation très économe du concentré (160 g/l en moyenne les trois années précédentes). Depuis lors, elle ne dépassait guère 6 500 litres malgré la mise en service d’un robot de traite en février 2008 et des consommations de concentrés en hausse. Le robot est bien fréquenté (2,7 fois par jour en hiver, 2 fois en été). Tous les ans, le niveau d’étable chutait à partir de début mai (à 12-16 litres/VL/jour) jusqu’à la rentrée en stabulation, puis remontait au cours de l’hiver (20-25 litres). Les mammites et les taux cellulaires ont explosé, dépassant le million de cellules chez certaines vaches. Malgré le tri de lait, l’éleveur s’est retrouvé plusieurs fois en limite de suspension de collecte. « Nous avons mis en place toute la panoplie des mesures connues, mais sans résultat », explique Olivier Matthieu.

De nombreuses mortalités inexpliquées

Pendant ces dix années, le troupeau était affecté par de nombreuses mortalités en grande partie inexpliquées, touchant toutes les catégories d’animaux : veaux, vaches, génisses. Au bout de 15 jours à 3 semaines, les veaux cessaient de boire, se « desséchaient » et mourraient sans avoir manifesté de signes de diarrhées néonatales. Des autopsies faites par les vétérinaires n’ont pas permis d’identifier la cause de la mort. Les vaches s’affaiblissaient d’un coup après une période d’amaigrissement, chutaient et devaient être euthanasiées. Pour compenser ces pertes, l’éleveur achetait des génisses à l’extérieur en prenant le maximum de précautions (élevages connus, contrôles à l’introduction). Ce sont pourtant ces bêtes qui étaient le plus touchées par les mortalités, comme si elles étaient dans l’incapacité de s’adapter à leur nouvel environnement. Plus troublant encore. Il y a cinq ans, un remembrement a été réalisé à l’occasion du chantier du TGV, qui passe à quelques kilomètres de la ferme. Avant, les génisses étaient élevées à 3-4 km et n’avaient pas de problème. Depuis le remembrement, elles pâturent près de la stabulation et ont manifesté les mêmes troubles que les vaches. Jean-Claude Meyer décrit aussi des comportements anormaux. Certaines laitières étaient désorientées. « Il fallait aller chercher les vaches à deux personnes. Aujourd’hui, elles sont plus tranquilles. »

« Cet hiver, je suis à 28-29 litres par vache »

En 2017, la production n’a pas baissé à la mise à l’herbe et s’est maintenue durant une bonne partie du printemps. « En janvier 2018, je suis à 28-29 litres par vache avec 50 % de génisses, indique l’éleveur. Depuis dix ans, ça n’était jamais arrivé. » Le taux cellulaire du tank reste très élevé. L’éleveur doit terminer l’assainissement du troupeau. Mais, il constate qu’il n’y a pas de nouvelles infections. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions définitives et il faudra plusieurs années pour remettre le cheptel en état car il a beaucoup souffert. D’autres problèmes sanitaires ont pu s’y greffer, aggravant les difficultés. Découragé par les mortalités des vaches et confronté à des difficultés de trésorerie consécutives à ses déboires, l’éleveur n’achetait plus de renouvellement depuis deux ans. En 2017, il a produit 235 000 litres avec 35 vaches alors qu’il était encore à 283 000 litres en 2015 avec 43 vaches. Loin du potentiel de production de l’exploitation (135 ha dont 100 ha de prairies, 50 vaches). Les investigations vont se poursuivre avec les intervenants sanitaires.

À l’automne dernier, il a fait intervenir le GPSE (Groupe permanent pour la sécurité électrique en milieu agricole), instance chargée d’expertiser les problèmes électriques dans les exploitations. L’éleveur estime avoir perdu 400 000 euros de chiffre d’affaires au cours de ces dix années (2000 l/vache, mortalités). Le GPSE a reconnu « les graves difficultés » rencontrées par l’éleveur mais pas la responsabilité de la ligne haute tension : « On ne peut pas exclure que les menhirs aient neutralisé un phénomène tellurique inconnu mais la relation avec le poste électrique est difficile à prouver ». Il estime que « les autres pistes, médicales et nutritionnelles, auraient mérité des investigations plus approfondies ». L’éleveur a sans doute manqué d’un accompagnement extérieur pour mieux préparer ce dossier d’expertise. Mais, désormais, il veut tourner la page et il est peu de dire qu’il revit après ces dix années cauchemardesques.

Une faille qui « propage les champs électromagnétiques »

Guy Boussiron, géobiologue en Moselle, intervient régulièrement dans les exploitations d’élevage. Chez Jean-Claude Meyer, il a identifié « une faille géologique qui croise d’autres phénomènes telluriques et traverse tous ses terrains. Elle impacte une très grande surface mais, heureusement, elle ne passe pas par les bâtiments. Certains pylônes haute tension sont installés sur la faille mais pas le transformateur. Une faille géologique est nocive par elle-même. Si, en plus, elle est surmontée par des lignes haute tension, qui émettent des champs électromagnétiques très puissants, elle capte et propage cette nuisance. Tout ce qui se trouve sur le trajet de la faille est impacté. Les animaux sont beaucoup plus sensibles que les êtres humains à ces phénomènes. »

Sa solution a consisté à poser quatre lourdes pierres de deux mètres de haut en des lieux qu’il a déterminés avec ses outils de géobiologue (pendule…). « Il faut choisir des pierres paramagnétiques composées de matière dont les molécules s’orientent selon le champ magnétique terrestre ». En l’occurrence, chez Jean-Claude Meyer, du grès des Vosges. « La forme de la pierre est importante, ajoute-il. Dans l’idéal, elle doit avoir quatre faces et, quand on la pose, on oriente une face vers le nord magnétique. Partout où j’en installe, ça marche bien. » Et de citer une autre ferme affectée par de grosses mortalités suite à l’implantation de la ligne TGV. « Quand une ligne TGV passe près d’une ferme, c’est un désastre, dit-il. Après la pose des pierres, l’arrêt des mortalités a été immédiat. » Jean-Claude Meyer reconnaît qu’il l’a fait intervenir « sans y croire ». Depuis, il suit des formations sur le sujet avec la chambre d’agriculture.

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