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Les fermes seront-elles capables de continuer à investir ?

Une étude du BTPL sur plus de 300 exploitations en suivi Écolait montre qu’en 2015 une exploitation sur deux ne peut pas payer les annuités et la main-d’œuvre.

La volatilité atteint des niveaux que très peu d’élevages peuvent encaisser. Tel est le constat du BTPL suite à une étude sur plus de 300 exploitations en suivi Écolait, des exploitations pourtant dites « d’avenir ». Dans cette étude présentée lors de son assemblée générale le 14 décembre dernier, le BTPL s’est intéressé à deux critères clés vis-à-vis du revenu : l’EBE lait hors main-d’œuvre en €/1 000 l qui traduit l’efficience technico-économique, et le volume de lait produit/UMO lait. Il a réparti les exploitations en neuf groupes en croisant ces deux critères, et comparé les résultats de ces groupes (1). L’étude a porté sur 2014 (334 ateliers) et 2015 (391 ateliers), deux années entre lesquelles le prix du lait a dégringolé de 51 €/1 000 l. Une chute du prix du lait qui s’est traduite, en moyenne, par une baisse de l’EBE hors MO de 41€/1 000 l entre 2014 et 2015 .

Comment dimensionner l’exploitation ?

Le BTPL tire de cette étude plusieurs enseignements :

1 - L’efficience technico-économique a un rôle capital : il existe une forte variabilité de l’EBE hors main-d’œuvre. « L’écart entre le tiers supérieur (194 €/1 000 l en 2015) et le tiers inférieur (101€/1 000 l) est proche de 100 €/1 000 litres », souligne Michel Deraedt ingénieur BTPL. « Améliorer l’efficience nécessite un travail de fond, une adaptation permanente, pas de relâche et parfois des investissements. »

2 - Un grand volume/UMO n’est pas toujours gage d’un meilleur revenu : on trouve plus de meilleures efficiences dans les groupes des petits volumes/UMO (en moyenne 260 000 l en 2015) que dans les grands volumes (en moyenne 510 000 l). Les plus petits volumes/UMO dégagent 20 à 25€/1 000 l d’EBE en plus. « Le volume produit est loin d’être une garantie absolue, mais il est un frein s’il n’est pas suffisant. »

3 - Le poids des annuités/1 000 l n’est pas plus faible là où le volume par UMO est plus grand : il est très proche dans toutes les classes d’exploitations (50 à 65 € suivant les groupes).

4 - En 2014 et a fortiori en 2015, l’EBE hors main-d’œuvre ne suffit pas toujours à payer les annuités et la main-d’œuvre. C’est ce que montre le calcul de la CAF nette (capacité d’autofinancement) qui est égale à l’EBE hors MO moins les annuités lait et le coût de la main-d’œuvre lait (2). « En 2014, la CAF est négative dans les exploitations où l’efficience est plus faible, mais en 2015, elle est négative dans plus de la moitié des cas. Avec une annuité de 65 €/1 000 litres, plus de 80 % des élevages restent bénéficiaires en 2014, mais seulement 50 % en 2015 (voir tableau 1). » Et en 2016, extrapole le BTPL, avec 35 €/1 000 l en moins sur le prix du lait, 5€ en moins sur la viande, 10 à 20 € d’aides PAC en moins en plaine, 15 € de charges de concentrés/engrais en moins… seulement moins de 20 % des élevages resteraient bénéficiaires.

5- Quel niveau maximum d’annuités pour éviter les déficits ? Le BTPL a calculé les annuités pour que la CAF soit nulle (voir tableau 2). Il conclut qu’en 2015, une baisse du niveau des annuités peut difficilement éponger les déficits dans un cas sur deux. "Et il n’y a pas un niveau d’annuités à ne pas dépasser pour l’ensemble des ateliers lait, souligne Michel Deraedt. Celui-ci doit être en cohérence avec la capacité à rembourser." Mais quel plafond d’annuités se fixer pour de futurs investissements ? Doit-on se baser sur une année de type 2014 en prenant un risque énorme, de type 2015 plus proche de la moyenne, ou de type 2016 en jouant la sécurité mais avec des investissements limités ? Faut-il ralentir le rythme des investissements ?

Le niveau d’annuités/1 000 litres : un critère aujourd’hui très important

La présentation de ces chiffres a suscité beaucoup de commentaires et d’interrogations dans l’assistance. « La solution est-elle au niveau des banques (NDLR : avec des modalités de financement plus adaptées à la volatilité) ? » « Beaucoup d’agrandissements jusqu’à présent se sont faits en saturant des bâtiments, mais les accroissements futurs devront se faire avec des investissements importants : les fermes seront-elles capables de faire ce saut ? » « N’est-on pas arrivé au bout d’un système : comment rémunérer le capital ? Ne dois-je pas chercher d’autre mode de financement pour mon outil de travail ? » « On sait tous qu’à moyen terme, le nombre d’exploitations va être divisé par deux : soit on a une filière qui réussit à investir, soit on aura une filière qui produira 12 milliards de litres au lieu des 24 milliards actuels. » Enfin, l’étude montre tout de même "qu’il y a des exploitations qui arrivent à conjuguer gros volume/UMO et efficience (32 sur 391). Il faut un certain temps pour trouver un équilibre quand on se développe, mais le jour où cela marche, ça marche ! »

(1) Prix d’équilibre lait standard (méthode Institut de l’élevage).(2) Salariés, rémunération standard 1,5 Smic et MSA réelle.

Trois critères stratégiques à forte variabilité

° L’efficience économique : EBE lait hors main-d’œuvre (MO). Elle est fortement conditionnée par le travail de tous les jours, et la maîtrise des charges et l’optimisation des produits (sauf les prix de base).

° Le coût de rémunération de la main-d’œuvre : volume lait produit/UMO lait. Le dimensionnement de l’atelier lait est un choix stratégique (accroissement ou non du volume, équipement/automatisation/MO).

° Les charges d’investissement : annuités lait/1 000 l. Le financement doit être cohérent avec la capacité à créer du revenu.

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