Les coopératives à la recherche de financement
Pour financer leur développement, certaines coopératives n’ont pas hésité à ouvrir le capital aux associés non coopérateurs.

Les coopératives sont confrontées un peu partout en Europe à un problème de taille : celui du financement des capacités supplémentaires de transformation à mettre en place si elles veulent profiter du développement des marchés émergents. Les associés coopérateurs doivent-ils financer à la fois le développement de leur exploitation et celui de leur coopérative ? Quelles sont les alternatives ?
Jusqu’où aller dans le partage du capital ?
Lors de l’AG de la FNCL, le 18 avril dernier, Benoît Rouyer, directeur économique du Cniel, a brossé un tableau des différents modèles coopératifs qui cœxistent en Europe. Le plus fréquent et le plus simple consiste à mettre dans une même entité les associés coopérateurs et les outils de transformation. À côté de ce modèle classique, « la première étape consiste à séparer les associés coopérateurs et les actifs de l’entreprise : les usines sont regroupées au sein d’une structure juridique à part (SARL ou SA), le capital étant détenu à 100 % par la coopérative de base, a expliqué Benoît Rouyer. C’est le modèle retenu par Friesland (Pays-Bas) dès sa création à la fin des années 1990 et conservé au moment de sa fusion avec Campina. En Allemagne, Hochwald et DMK l’ont également adopté. Ce modèle coopératif avec deux pôles distincts a un impact sur la gouvernance de la coopérative ».
Chez DMK, le pôle coopératif est géré par un directoire composé de douze associés coopérateurs ; le pôle business est, lui, géré par un conseil de surveillance composé de six administratifs et de six associés issus du directoire du pôle coopératif ; c’est lui qui donne donne des directives au bureau exécutif de DMK SARL. « C’est sur la base du résultat de la SA (lié aux marchés) que les associés sont rémunérés. » L’étape suivante, vraiment importante, consiste à ouvrir le capital de la SA ou SARL à des associés non coopérateurs. Toute la question alors est de savoir jusqu’où aller dans ce partage du capital. « À partir du moment où le pôle coopératif n’est plus majoritaire dans le capital de la SA… il ne s’agit plus d’une coopérative. »
C’est le cas depuis longtemps de l’entreprise irlandaise Kerry. Le capital de Kerry Group a été ouvert dès 1986 à hauteur de 40 % avec une introduction en bourse ; la participation des associés-coopérateurs (Kerry coop) est devenue minoritaire dès 1996 pour descendre fin 2011 à 17 %. « La dilution de la participation des associés coopérateurs a permis de lever des fonds et de financer le developpement de Kerry, reconnaît Benoît Rouyer. Mais l’activité laitière est modeste (960 millions de litres transformés) face aux 5,8 milliards de chiffre d’affaires du groupe. Kerry Group est aujourd’hui un groupe florissant, le leader du marché des ingrédients alimentaires. Les associés coopérateurs en tirent bénéfice à hauteur de leur participation mais ils peuvent être mis en minorité au niveau des décisions de gestion. »
Glanbia et Dairy Gold : des choix de financement opposés
Les regards sont aujourd’hui braqués sur deux autres grandes coopératives irlandaises, le n°1 irlandais Glanbia et le n°2 Dairy Gold. Toutes deux adhèrent pleinement à l’ambition du gouvernement irlandais de développer la production nationale de 50 % d’ici 2020 ; pour accompagner le développement de la production, elles ont des projets d’investissement dans deux tours de séchage de respectivement 180 et 225 millions d’euros. Elles ont fait des choix radicalement différents en matière de financement.
Glanbia, dont une partie du capital est depuis plus de vingt ans entre les mains d’associés non coopérateurs, a décidé de franchir un pas supplémentaire : en 2013, les associés coopérateurs vont devenir minoritaires avec 41 % du capital. « Cette opération permet de lever 226 millions d’euros : 52 millions permettront de financer à 60 % la nouvelle société Glanbia Ingredients, 52 millions participeront au financement des deux tours, et les 122 millions restants seront redistribués aux éleveurs pour financer leurs investissements postquotas ».
À l’opposé, Dairy Gold a choisi de garder 100 % de son capital entre les mains des associés coopérateurs. « Le financement des tours sera assuré par un prélèvement sur le prix du lait payé et par un emprunt de 16 millions d’euros auprès de ses coopérateurs sur une durée de cinq ans. Elle incite ses producteurs à s’engager sur sept ans avec un bonus de 3,5 €/1000 l en 2012. »