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Désinsectisation
L´efficacité des traitements insecticides est mal connue

La FCO a pris tout le monde de court. On sait peu de choses sur la biologie des culicoïdes incriminés et sur l´efficacité de la désinsectisation pour réduire la transmission de la maladie.


Avant la mise au point d´un vaccin inactivé contre le sérotype 8, la désinsectisation était le seul moyen de limiter la transmission du virus de la fièvre catarrhale par les culicoïdes. « Parmi les insecticides autorisés, la quasi-totalité appartiennent à la famille des pyréthrinoïdes. Ils ne présentent pas de délai d´attente pour le lait ou la viande, à l´exception du Butox 50 pour mille (trois jours d´attente pour la viande) », précise Thomas Balenghien, entomologiste au Cirad(1). « Les pyréthrinoïdes ont aussi a priori un effet excito-répulsif à courte distance, et un effet irritant au contact », souligne le scientifique.
Reste que l´efficacité des traitements insecticides sur les animaux est encore mal connue pour plusieurs raisons. Plutôt discrets, les culicoïdes, présents depuis la nuit des temps dans le monde, n´ont fait, pour la majorité des espèces signalées en France, que l´objet de recherches faunistique et systématique.

Les insecticides utilisés actuellement ont une autorisation de mise sur le marché ©AMM sur d´autres insectes comme les mouches mais pas pour les culicoïdes. ©S. Leitenberger

Six espèces de culicoïdes suspectées
Par contre, l´étude des moeurs (éthologie), la capacité vectorielle de ces espèces, et les moyens de lutter contre ces espèces n´ont fait l´objet jusqu´ici que de peu d´investigations. Pour preuve, avant l´apparition de la fièvre catarrhale ovine en Corse en 2000, seul Jean-Claude Delécolle, entomologiste à l´université Louis Pasteur de Strasbourg, continuait en France à étudier ces minuscules moucherons de 1 à 3 mm de long.
On sait qu´« il existe quatre-vingt espèces de culicoïdes en France dont six sont suspectées de transmettre la FCO », précise l´entomologiste. Autrement dit, nous ne savons pas précisément aujourd´hui quel est ou quels sont les culicoïdes responsables de la propagation du sérotype 8 dans l´Hexagone.


Il ne s´agit pas de C. imicola, venu d´Afrique, qui est présent en France uniquement en Corse et dans le Var. Mais s´agit-il de C. obsoletus, de C. scoticus, de C. pulicaris, de C. dewulfi ou de C. nubeculosus ? « Catherine Cêtre-Sossah, virologiste au Cirad, a réussi récemment à extraire du virus de l´espèce C. chiopterus », souligne Jean-Claude Delécolle, faisant de cette espèce un nouveau coupable potentiel. « Compte tenu notamment de l´étendue de la zone infectée en France, rien ne permet de croire qu´une seule espèce soit responsable de la transmission », commente Fabienne Biteau, épidémiologiste au Cirad.
Les culicoïdes présents dans le Nord de l´Europe n´ayant pas posé de problèmes sanitaires jusqu´en 2006, il n´existe pas d´insecticide ayant (en France) une autorisation de mise sur le marché (AMM) avec une indication pour les culicoïdes. « Ce sont des diptères comme les mouches. On se réfère donc aux produits qui ont une AMM pour les mouches », explique Thomas Balenghien. Mais ces préconisations restent empiriques. Les doses d´emploi, la rémanence de l´effet insecticide, l´efficacité globale. n´ont pas encore fait l´objet « d´études précises ».

Jean-Claude Delécolle, entomologiste : « Il existe 80 espèces de culicoïdes en France dont 6 sont suspectées de transmettre la FCO ». ©DR

Pas de lutte anti-larvaire
Les préconisations réglementaires s´appuient avant tout sur l´efficacité des pyréthrinoïdes pour lutter contre les mouches et sur les résultats d´expérimentations menées notamment aux États-Unis et en Australie. Mais ces données ne sont pas forcément transposables aux conditions qui prévalent dans le Nord de l´Europe.
Une équipe allemande a certes récemment testé avec succès l´efficacité de deux insecticides pour-on, mais les résultats et les conditions expérimentales ne sont pas décrites dans le détail, ce qui appelle à la prudence dans l´interprétation des résultats. L´absence de connaissances approfondies sur la biologie de certaines espèces de culicoïdes, notamment sur leurs gîtes larvaires, rend impossible une lutte anti-larvaire.


« Les culicoïdes peuvent vivre un mois, voire plus, dans des conditions optimales de température et d´humidité. Une femelle peut pondre en moyenne jusqu´à 250 oeufs par ponte et réaliser cela au maximum quatre fois ». Les femelles pondent dans des biotopes très variés selon les espèces, et « nos connaissances dans ce domaine sont encore très limitées pour certaines espèces actuellement suspectées de pouvoir transmettre le virus », selon Jean-Claude Delécolle.
« Le traitement des animaux reste donc le seul moyen de lutte, tout en sachant que les études scientifiques publiées à l´heure actuelle ne permettent pas d´évaluer précisément l´efficacité des traitements insecticides contre nos espèces européennes, souligne Thomas Balenghien. Un animal traité ne sera pas protégé à 100 %, mais la transmission du virus devrait être moins importante. »


Environ 250 oeufs par ponte
Une enquête sur la désinsectisation menée par la FNGDS, a surtout permis de constater que « la désinsectisation n´a pas été massivement réalisée malgré les obligations réglementaires et les messages d´encouragement, note Joëlle Dop, vétérinaire à la FNGDS. Et dans ces conditions imparfaites de traitement, nous n´avons pas observé de différences significatives entre les animaux traités et les non traités. » Mais une tendance se dégage toutefois à partir de l´expérience de terrain.
Thomas Balenghien, chercheur au Cirad : « Nous ne savons pas encore quelles sont les espèces de culicoïdes qui transmettent le virus. » ©DR

Moins de pression virale
Ainsi, selon Vincent Fournier, directeur du GDS du Pas-de-Calais, l´enquête sur la désinsectisation des animaux menée auprès de 450 éleveurs du département montre que « la pression de la maladie s´est avérée moins élevée dans les cheptels correctement désinsectisés ». L´analyse est la même dans les Ardennes. « Les signes cliniques dans les troupeaux où les éleveurs ont respecté les obligations réglementaires ont été moins marqués », souligne Alain Mayer, vétérinaire dans ce département. « L´application d´un insecticide diminue le nombre de moucherons et donc la pression virale sur les troupeaux. Mais la gravité des signes cliniques dépend également de l´état sanitaire du troupeau. » Et de conclure : « L´éleveur qui fait correctement la désinsectisation de ses animaux soigne son portefeuille ! Par contre, ça n´a aucun intérêt pour son voisin. »
Quoi qu´il en soit, personne ne s´avance aujourd´hui à garantir une efficacité de 100 %. Par ailleurs, la désinsectisation ne peut donner de résultats probants que si l´on respecte le protocole d´utilisation du produit utilisé (dose, quantité, fréquence.).
« La période de rémanence annoncée par le fabricant dépend du produit et de l´espèce cible, mais rien ne prouve que ces préconisations soient extrapolables aux culicoïdes », précise Thomas Balenghien.
Par ailleurs, le niveau de pression virale et l´état sanitaire des troupeaux avant la contamination expliquent certaines observations contradictoires rapportées du terrain.
Les travaux portant sur l´efficacité de la désinsectisation menée par l´EID(2) de Montpellier depuis avril devraient apporter des premiers éléments de réponse « d´ici juin 2008 », selon Bruno Mathieu.


(1) Centre de coopération international en recherche agronomique pour le développement.
(2) Entente interdépartementale pour la démoustication du littoral méditerranéen.

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