Étude technico-économique
Le prix du lait restera-t-il plus élevé en Savoie ?
Étude technico-économique
Un prix du lait nettement au-dessus de la moyenne et une politique agricole volontariste ont permis jusqu´à présent aux exploitations laitières des Alpes du Nord de tirer leur épingle du jeu. Qu´en sera-t-il demain ?
Les éleveurs laitiers des Alpes du Nord, grâce à des filières fromagères de qualité, bénéficient depuis plus de vingt ans d´un prix du lait nettement plus élevé que les autres producteurs français. Ainsi en 2004, alors que la moyenne nationale se situait à 308 euros pour 1000 litres, le prix payé aux éleveurs en zone de production de l´emmental et de la tome de Savoie(zone IGP) s´élevait à 387 euros. Il frôlait les 450 euros en zone du reblochon et de l´abondance, et atteignait les 542 euros en zone de beaufort ! De quoi faire pâlir d´envie de nombreux producteurs, même si durant les deux dernières années le prix du lait dans les Savoie est à la baisse(1). Vient s´y ajouter une politique agricole volontariste qui s´est entre autres traduite par l´attribution de soutiens publics spécifiques pour soutenir l´installation ou compenser l´existence de handicaps naturels (ICHN).
Dans les Savoie, 80 % du lait sont valorisés en fromages sous appellations. ©B. Compagnon |
Deux facteurs fragilisés
Au final, « ces deux facteurs ont permis aux éleveurs savoyards d´obtenir en moyenne des niveaux de revenu comparables à leurs collègues de la plaine, malgré des tailles d´exploitations plus modestes et une productivité du travail plus faible », analyse Vincent Chatellier de l´Inra de Nantes, responsable scientifique d´une étude conduite avec Frédéric Delattre du Gis-Alpes du Nord.
Cette situation particulière met-elle les éleveurs des Alpes du Nord à l´abri des profondes mutations que traverse le secteur laitier ? Pas vraiment, montre le rapport. « Car ces deux facteurs qui ont permis à ces élevages de s´en sortir sont aujourd´hui fragilisés », explique Vincent Chatellier. D´un côté, « les soutiens publics sont attaqués, certes pour le moment modestement. Mais, quand on voit le montant attribué au second pilier de la PAC (le développement rural), on peut avoir des craintes pour leur pérennité. La prime à l´herbe (Phae), désormais financée sur des crédits nationaux, est tributaire d´une politique budgétaire fragile. »
De l´autre, des incertitudes planent sur le prix du lait. Depuis quelques années, la consommation de fromages stagne voire même en légère diminution. Le développement des marques de distributeurs et des hard-discounters (Lidl, Aldi.) n´est pas non plus favorable à des prix élevés. Et la baisse du prix des produits industriels (liés à la réforme de la PAC et aux négociations à l´OMC) pourrait, par ricochet, se répercuter sur les fromages sous appellation.
Dans ces conditions, quelles stratégies peuvent être développées pour passer le cap ? « La structure actuelle des exploitations des Alpes du Nord ne peut permettre de générer du revenu avec de trop fortes baisses de prix », souligne le rapport. L´étude évoque quelques pistes pour les acteurs des filières fromagères : être à l´écoute des propositions commerciales du hard-discount pour le reblochon notamment, rester vigilant sur l´écart de prix « départ-cave » du beaufort et le prix d´achat des consommateurs (en forte hausse ces dernières années), satisfaire les exigences croissantes des consommateurs en matière de qualité organoleptique, praticité du produit.
Déterminant pour l´occupation du territoire
L´avenir des exploitations laitières savoyardes est d´abord lié à leur efficacité économique, dépendante de la maîtrise des charges. Mais « pourront-elles continuer à dégager suffisamment de revenu en continuant à avoir des gains de productivité plus faibles qu´en plaine, s´interrogent les auteurs. Sur les dix dernières années, les exploitations de plaine ont produit en moyenne 72 000 kg de lait supplémentaires contre 45 000 kg pour les exploitations de montagne. »
Le lait représente un enjeu important dans les Alpes du Nord. Les 335 millions de litres livrés en 2004 et les 56 millions de litres en production fermière y représentent 40 % de la valeur de la production agricole.
(1) Baisse importante en 2002 et 2003 en zone reblochon (près de 27 euros sur les deux ans) atténuée en 2004 ; début de la baisse en 2003 qui s´est poursuivie en 2004 en zone IGP ; baisse de 32 euros en zone beaufort en 2004.