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Date de semis, de sortie à l'herbe...
Le changement climatique bouleverse tous les repères

La hausse des températures et les épisodes de sécheresse modifient déjà les calendriers et les pratiques. Climalait s'intéresse aux moyens de s'adapter et à l'avenir du lait dans les régions françaises.

"Le réchauffement climatique, c’est une évidence. Le sorgho arrive chez nous. C’est un bouleversement des repères. On ne peut plus avoir un itinéraire technique figé. Une année c’est le labour qui sera le plus pertinent pour le colza, et une autre, le semis direct. Il va falloir de la souplesse et s'adapter pour être résilient", témoignait le président du réseau Civam, éleveur dans la Marne, lors d'un débat au Salon aux champs, fin août dernier. "En été, nos vaches souffrent de la chaleur et produisent 15% de lait en moins. Au printemps, ce sont les veaux qui souffrent de plus en plus de problèmes pulmonaires à cause du thermomètre qui fait le yoyo", exprimait un éleveur participant à Climalait, un programme de recherche piloté par le Cniel, et conduit par Idele, les chambres d'agriculture, Arvalis, BTPL, Inra, Météofrance.

Climalait s'intéresse aux impacts du changement climatique sur trente unités laitières climatiques. Ce sont des zones cohérentes sur le plan pédo climatique et des systèmes d'élevage. Climalait simule l'impact sur les productions fourragères. Puis, il fait travailler un groupe d'éleveurs sur les voies d'adaptation, à l'aide du Rami fourrager. Ce travail est terminé dans les Mauges, dans le sud-ouest du Maine et Loire, une zone de polyculture élevage faiblement arrosée (736 mm de cumul annuel).

Le futur simulé sur la zone des Mauges montre une hausse des températures moyennes et des épisodes caniculaires l'été qui impliquent un arrêt de croissance voire la mort de certaines espèces prairiales. Sur trois modèles climatiques, un seul prévoit une baisse du cumul annuel des précipitations en fin de siècle. Par contre, tous les modèles prédisent une diminution des pluies l'été. Cumulé avec l'augmentation prévue de l'évapotranspiration (ETP), cet effet contribue à accentuer le déficit hydrique.

"Les éleveurs du groupe étaient inquiets de l'avenir du lait dans la région, et après le Rami fourrager, ils étaient rassurés. Leurs exploitations de polyculture-élevage ont des atouts pour s'adapter aux épisodes de sécheresse", indique Céline Marsollier, conseillère à la chambre d'agriculture du Maine-et-Loire.

Le pâturage conforté mais à deux saisons différentes

Le changement climatique a un effet positif, tout au moins jusqu'à la moitié du siècle, grâce à l'effet CO2 qui améliore le rendement de la photosynthèse et engendre moins de transpiration (stomates des feuilles davantage fermés). Les rendements sont attendus en hausse à moyen terme : +10% de production fourragère pour la zone des Mauges. Le pâturage n'est pas remis en cause par le changement climatique, au contraire. "Les éleveurs ont retenu qu'ils pourraient mieux valoriser le pâturage tôt au printemps et à l'automne", insiste Céline Marsollier. Mais il faut faire davantage de stocks d'herbe pour valoriser les fortes pousses d'herbe et les distribuer en été quand l'herbe ne pousse plus. Même si la production est en hausse en moyenne, les aléas seront très marqués et il faudra constituer des stocks de sécurité pour pouvoir passer une année de pénurie. Les calendriers des récoltes, semis, mise au pâturage, épandages, mais aussi des vêlages seront décalés.

Des leviers connus mais pas forcément plébiscités

Pour faire face à une année de printemps chaud et sec, et de déficit hydrique marqué en été, comme en 2017, les éleveurs font ressortir différentes pistes, comme ne pas faire sa référence laitière en anticipant des réformes mais en gardant des génisses pour pouvoir repartir. Ou déléguer l'élevage des génisses. Une idée est de conserver un deuxième troupeau (taurillons) que l'on peut arrêter en cas de manque de fourrages. Autres solutions : ensiler une partie des céréales ; faire un mélange céréales protéagineux immature pour les génisses ; faire plus d'hectares de maïs qu'on utilisera soit en ensilage soit en grain ; implanter des multiespèces avec des espèces prairiales à fort enracinement comme le dactyle, la fétuque élevée, la luzerne, le trèfle violet... ; limiter l'ETP avec des plantes associées (prairies sous couvert de céréales)...

"Les leviers d'adaptation sont connus des éleveurs, mais certains ne rencontrent pas de succès, expose Jean-Christophe Moreau, de l'Institut de l'élevage. Par exemple, les éleveurs nous disent que les dérobées d'été, ça ne marche qu'une fois sur deux, qu'il y a des difficulté à la levée... Les mélanges céréaliers immatures, ils nous disent que ça fait du volume mais que la valeur alimentaire n'est pas à la hauteur et que la réussite technique n'est pas toujours au rendez-vous."

L'évolution des bâtiments et de la génétique animale

Le changement climatique impacte aussi les animaux. Au-delà de 25°C, la vache souffre et la production laitière diminue, de 2 à 3 kg de lait par vache et par jour en cas de canicule de faible durée et peu marquée. Et plus de 10 kg pour des hautes productrices soumises à une canicule à la fois forte et de longue durée (Source : Idele). Les taux se dégradent. La fertilité diminue et le repérage des chaleurs est plus difficile. La vache peut mourir d'hyperthermie dans les cas extrèmes.

"Les éleveurs rentrent les animaux lorsque les températures sont élevées. Cela pose la question de l'aménagement des bâtiments pour qu'ils restent le plus frais possible", pointe jean-Christophe Moreau. 

Améliorer la résistance des vaches est aussi envisagée. Le croisement trois voies est étudié sur la ferme expérimentale de Lusignan. Une vache moins lourde devrait mieux valoriser le pâturage précoce.

Climalait est actuellement en cours de déploiement dans les autres régions. La restitution de tous les travaux est prévue pour l'automne 2018. On peut déjà dire que le maintien du lait est compromis dans les zones particulièrement exposées au risque sécheresse, avec des systèmes très spécialisés élevage, et sans signe de qualité permettant de compenser les surcoûts de ces systèmes plus soumis aux aléas climatiques.

S'adapter pour maintenir le potentiel laitier

Des évolutions plus ou moins marquées selon les régions

Il existe différents modèles de prédiction du climat futur. Voici les principales conclusions pour la métropole française.

Hausse des températures moyennes. L'hypothèse retenue par Climalait est que les concentrations en gaz à effet de serre feraient plus que doubler d'ici la fin du siècle, ce qui est assez probable si des mesures draconiennes ne sont pas prises immédiatement.

La hausse des températures sera plus marquée sous une diagonale sud-ouest nord-est. Il est même probable que la perturbation des courants marins (dont le Gulf Stream) annule le réchauffement sur les régions atlantiques dans le futur proche. Sur l'hexagone, la hausse des températures s'accélère à partir de la moitié du siècle.

Plus d'épisodes de sécheresse. La prédiction sur la pluviométrie est plus difficile. Avec la hausse de l'évapotranspiration et un nombre de jours très chauds plus important, les sécheresses seront plus nombreuses dans une large partie sud du pays, pouvant s'étendre à l'ensemble de l'hexagone, surtout à partir de la moitié du siècle. 

Où sera fait le lait dans le monde

Une étude est en cours pour répondre à cette question. Les projections climatiques tablent sur un accroissement des précipitations moyennes dans les régions déjà bien arrosées (régions intertropicales et Europe boréale) et diminution sur les régions les plus arides, comme le bassin méditéranéen. L'Europe du nord devrait ainsi être favorisée pour la production laitière.

"Plus de diversité dans nos prairies"

Christophe Bretaudeau, du Gaec des fibres, dans le Maine-et-Loire. "Notre Gaec polyculture élevage (100 vaches laitières et 60 vaches allaitantes) vit le changement climatique. Les dates de récolte avancent même en année normale pour le blé et le maïs. Cette année a été très marquée par la chaleur et tous les chantiers ont été avancés de 10 à 15 jours par rapport à la moyenne de ces dix dernières années."

Pour l'herbe, le Gaec diversifie les espèces et les façons de récolter, avec plus d'enrubannage, pour sécuriser le système. "Nous faisons toujours du ray-grass anglais trèfle blanc pour les hectares accessibles au pâturage des laitières. Et du ray-grass d'Italie pour assurer le stock. Nous avons développé les prairies multi-espèces avec notamment de la fétuque élevée et du dactyle. Cet été, on n'avait pas encore connu une sécheresse comme celle-ci, même la fétuque et le dactyle ne poussaient plus." Le Gaec vise deux-trois mois de stocks, "pas plus car on est en système pâturant"

Semis avancés pour le maïs sous conditions

Pour le maïs, face au risque d'un coup de chaud au moment de la floraison, le Gaec s'adapte chaque année en fonction des conditions climatiques. "Habituellement, en non irrigué, on attend la première quinzaine de mai pour semer car ce sont des terres hydromorphes et qu'il y a souvent des pluies fortes début mai. Avec une variété demi-précoce, on vise ainsi une floraison début août, en espérant que le maïs pourra profiter des pluies d'août et des journées moins chaudes." Quand les conditions sont favorables, le Gaec avance les dates de semis, parfois jusqu'au 15 avril pour un même groupe de précocité, en maïs irrigué. "Mais il faut rester prudent car on n'a pas toujours la ressource en eau", ajoute Christophe Bretaudeau.

Si le réchauffement se poursuit, le Gaec envisage d'augmenter l'indice de précocité et d'avancer la date de semis, en irrigué. "Je trouve que la génétique du maïs a déjà évolué vers plus de résistance au stress hydrique. Le sorgho ne rencontre pas le succès par ici, car il lui faut quand même de l'eau, et il semble y avoir moins de progrès génétique qu'en maïs."

Les vaches sont en race pure Holstein et le Gaec s'interroge pour faire du croisement, pour augmenter la capacité des laitières à valoriser le pâturage précoce de printemps et tardif d'automne. 

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