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Avenir de la filière laitière
L´Auvergne doit renforcer la dimension économique de ses élevages

L´Auvergne s´attend à une forte restructuration de la production laitière. D´autant que la rénovation indispensable des bâtiments ne pourra être financée que par du lait supplémentaire.


Pour un succès, c´est un succès ! Au 1er janvier dernier, l´enveloppe 2006 du plan Bâtiment pour l´Auvergne était déjà consommée alors que cette région avait été l´une des mieux dotées. Une demande de financements supplémentaires a été déposée. Cet engouement pour la modernisation des bâtiments révèle « une vrai attente des éleveurs laitiers » et « un enjeu fondamental », selon Michel Lacoste, administrateur de la FNPL et président de la section lait de la FRSEA du Massif central(1). Pour François Tahon, animateur de la même structure, il en va de l´avenir de la production laitière en Auvergne : « L´exploitation qui, dans cinq à dix ans, n´aura pas modernisé son bâtiment est vouée à disparaître car il y a une attente de la société en termes de normes environnementales et une attente de l´agriculteur lui-même en termes de qualité de vie. » Dans le Puy-de-Dôme, par exemple, 70 % des bâtiments pour vaches laitières sont des étables entravées, souvent anciennes et peu fonctionnelles. Chez les éleveurs adhérents du contrôle laitier, ce chiffre est encore de 39 % (13 % sur le plan national).
Ce retard dans la modernisation des bâtiments est révélateur d´un enjeu tout aussi délicat à relever : le renforcement de la dimension économique des exploitations laitières. Aujourd´hui, la livraison moyenne par producteur ne dépasse pas 135 000 litres. Jean-Luc Bonhomme, directeur des ressources laitières (pour la région Centre) du groupe Bongrain, n´y va pas par quatre chemins : « On peut très bien légitimer l´occupation du territoire, mais ça se fait forcément au détriment de la compétitivité économique, aussi bien pour les producteurs que pour la collecte. Nous avons des producteurs professionnels qui ont investi dans les bâtiments, qui croient à la production laitière et qui sont freinés dans leur développement parce qu´on leur saupoudre 5000 litres de lait de droite ou de gauche. Il faut dénouer cette situation très rapidement. »
Bibiane Baumont, directrice du contrôle laitier du Puy-de-Dôme, pointe également du doigt ce saupoudrage qui a longtemps prévalu, d´autant plus stérile qu´il bénéficiait en partie à des producteurs qui n´étaient pas en capacité de produire davantage, renforçant ainsi une sous-réalisation des quotas, autre problème chronique en Auvergne. « Aujourd´hui, nous sommes sur l´idée de projet avec des attributions supérieures. Les gens montent un projet viable et le défendent. Pour certains, les attributions peuvent aller jusqu´à 100 000 litres, voire plus, avec un échelonnement sur cinq ans. »
Une étude prospective prévoit une forte baisse du nombre de producteurs laitiers en Auvergne d´ici à 2010.

Soutenir des projets avec des attributions importantes
Mais cette nouvelle approche de la redistribution repose entièrement sur les disponibilités en quota. La volonté est réelle de « mobiliser » le moindre litre de lait. L´Auvergne se caractérise par un nombre important de systèmes mixtes lait-viande. Une spécialisation est néanmoins en cours et beaucoup de doubles troupeaux à dominante viande pourraient encore basculer vers celle-ci. Bibiane Baumont constate cette année des démissions plus importantes du contrôle laitier : « L´étude prospective est en train de se réaliser mais on ne sait pas quelle va en être l´ampleur ». L´étude en question prévoyait pour 2010 une baisse de 45 % du nombre d´élevages laitiers et une augmentation de 65 % du volume produit par exploitation. « Nous avons la volonté au niveau de la région de poursuivre les programmes d´échanges de droits pour spécialiser les exploitations mixtes et récupérer les quotas laitiers des éleveurs qui arrêtent leur activité laitière », souligne Michel Lacoste.
Le contrôle laitier du Puy-de-Dôme a évalué à 1600 litres par vache le différentiel de production entre stabulation libre fonctionnelle et étable entravée inadaptée. ©B. Griffoul

L´inéquité des DPU pénalise l´Auvergne
Les représentants des producteurs souhaitent également lutter contre les sous-réalisations qui, en Auvergne, tournent autour de 7 à 8 %. Et pour cela durcir les règles. Yannick Fialip, président du Crielal (Interprofession laitière Auvergne limousin), pose aussi la question de la gestion des quotas : « Ne faudrait-il pas mutualiser des références au niveau national ? Dans nos régions, les producteurs sont prêts à faire du lait supplémentaire mais sont limités par la faiblesse des références alors que, dans des départements proches de chez nous où il n´y a plus de dynamique laitière, les agriculteurs ont des possibilités de références très importantes. » Et il pose la question de l´iniquité des DPU face auxquels l´Auvergne se trouve plutôt dépourvue, alors que l´avenir des aides du second pilier pose question également.
Reste une incertitude importante : les producteurs qui poursuivront leur activité auront-ils la capacité de reprendre tous les quotas libérés ? L´Institut de l´élevage a effectué des simulations pour évaluer les conséquences du découplage de la PAC. Dans le Massif central, les exploitations qui resteront en 2 012 devront produire entre 200 000 et 250 000 litres de lait pour assurer le quota régional. Or, la capacité d´augmentation du cheptel sans nouveaux investissements ne dépasse guère en moyenne les 40 % des vingt vaches supplémentaires qu´ils devront détenir pour cela. C´est dire le besoin d´investissement auquel est confronté le Massif central.
Pour relever le défi de la modernisation des bâtiments auquel est confrontée l´Auvergne, le regroupement d´ateliers laitiers pourrait être une voie à creuser. ©B. Griffoul

Du lait supplémentaire pour payer le bâtiment
Pour le tiers des exploitations adhérentes au contrôle laitier qui ont des places disponibles, cette évolution se fera sans trop de soucis. En revanche, pour les élevages traditionnels qui devront investir dans une stabulation libre et une salle de traite, la situation sera beaucoup plus tendue. Les réseaux d´élevage ont calculé que le niveau d´investissement permis par les quantités supplémentaires de lait (sans dégradation du revenu), avec une hypothèse de baisse du prix du lait de 15 %, était inférieure à 4000 euros par vache. Or, les coûts actuels sont nettement supérieurs (plus de 5000 euros par vache). « Dans cette conjoncture dégradée, les éleveurs traditionnels qui vont reprendre du lait et qui auront à investir vont le faire pour payer le bâtiment, analyse Jean-Luc Reuillon, de l´Institut de l´élevage. Il va falloir faire très attention aux investissements si on ne veut pas que ce lait supplémentaire détériore le revenu disponible qui n´est déjà pas très élevé. »
De toute manière, ces évolutions sont indispensables. Si elles veulent continuer à être collectées, « les fermes doivent être attractives », avertit Yves Soulhol, directeur de l´Union régionale Riches Monts (Sodiaal), ce qui signifie notamment un « niveau de production satisfaisant ». Il se dit néanmoins « confiant » même s´il y aura « deux ou trois années dures à passer ». Et de mettre en avant le « potentiel humain » de l´Auvergne : l´âge des producteurs laitiers est inférieur à la moyenne française. Et il est des signes qui ne trompent pas : les importantes demandes d´attributions de quotas, le plan Bâtiment qui explose, les installations qui se maintiennent, essentiellement dans un cadre sociétaire. Or, quand jeunesse veut, elle peut relever bien des défis.
(1) L´interprofession régionale (Crielal) et la FRSEA Massif central interviennent sur les quatre départements d´Auvergne (Allier, Cantal, Haute-Loire, Puy-de-Dôme) et sur trois départements limitrophes qui ont des caractéristiques de production et des enjeux identiques (Creuse, Corrèze, Lozère).

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