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« L’audit nous aide à nous poser les bonnes questions »

Au Gaec Saint-Eloi dans les Côtes-d’Armor, l’audit Signes de vaches a formalisé l’observation des animaux à partir de grilles et de repères précis pour vérifier leur bien-être.

En ce milieu d’après-midi de fin d’hiver, l’ambiance est calme dans la stabulation du Gaec Saint-Eloi à Plaine-Haute, non loin de Saint-Brieuc. Parmi les 70 vaches du troupeau, une majorité est dans les logettes en train de ruminer, certaines mangent au cornadis, quelques-unes se situent à proximité du robot de traite, tandis que quelques autres encore circulent dans les couloirs… Malgré la météo maussade, le bâtiment est clair et lumineux. Les éleveurs, Pascal et Noëlle Lebreton, ont renouvelé les translucides il y a un mois. « Cela nous a coûté 3 200 euros, mais nous ne regrettons pas. C’est le jour et la nuit comparé à avant », indique Pascal en souriant. Le luxmètre indique 1 500 lux, soit autant que dans un bâtiment neuf. Pas de signes d’humidité visibles en toiture, ni d’odeur d’ammoniac. Pas non plus de bruit métallique de cornadis qui claque, souvent synonyme de compétition à l’auge, juste le ronron de la radio que l’on perçoit du fond de l’étable. C’est plutôt bien parti…

Observer la répartition des animaux dans le bâtiment

Approchons un peu pour regarder les vaches sans les perturber depuis le couloir d’alimentation. À première vue, les animaux sont propres et leurs poils luisants. Ils se répartissent de façon homogène dans le bâtiment. « L’auge est propre, on ne voit pas de trace de fourrage souillé, relève Johann Cariou de BCEL-Ouest. L’inclinaison des cornadis à 10° permet une bonne accessibilité aux fourrages. La hauteur de la table d’alimentation par rapport à l’aire d’exercice est en adéquation avec les recommandations : 15 centimètres de décalage ». Quelques vaches au cornadis présentent des naseaux secs. Un signe non anecdotique qui soulève d’ores et déjà la question de l’accès à l’eau.

La compétition s’exprime autour des points d’eau

Une fois au milieu des animaux, intéressons-nous au troupeau dans son ensemble. Les vaches ont une démarche franche. La circulation est assez bonne avec des sols propres et non glissants (les caillebotis et l’aire d’exercice ont été scarifiés). Nous observons de la compétition sur l’aire d’exercice sur un tronçon du bâtiment, où le couloir d’exercice se limite à 2,50 m de large derrière les cornadis. Ailleurs, il y a 3,50 m. « C’est trop juste, estime le conseiller. Il faudrait 4,50 m pour que deux vaches puissent se croiser si une autre est en train de manger. » La compétition se retrouve également au niveau des abreuvoirs. Une primipare s’approche timidement, s’apprête à aller boire puis s’arrête. Une autre vache plus assurée vient de prendre sa place, bloquant ainsi l’accès au double abreuvoir. Le bâtiment compte trois points d’eau, dont deux situés dans un passage étroit (2,50 m de large). « L’idéal est d’avoir un point d’eau de 70 à 80 litres (avec un débit de 15 l/mn) pour 15 à 20 vaches », souligne Johann Cariou en conseillant de rajouter au moins un point d’eau, si possible à proximité du robot et de remonter d’une dizaine de centimètres tous les abreuvoirs. « Mieux vaut viser une hauteur de 80-90 centimètres du sol au bord de l’abreuvoir, en veillant à maintenir le niveau d’eau constant. Dans le couloir étroit, un abreuvoir type face à face serait plus adapté pour que les vaches boivent le long du mur sans obstruer la circulation. »

Beaucoup de vaches debout dans les logettes doit alerter

Autre point frappant : plus de 60 % des vaches au repos ruminent, mais il y a aussi beaucoup de vaches (plus de 15 %) qui restent debout dans les logettes. Pourquoi ? Testons le confort de couchage en se laissant tomber à genoux dans les logettes à plusieurs reprises. Même pas mal ! « Le problème ne vient pas d’un manque de confort (tapis + 4 kg de paille/j) mais d’un réglage des logettes inadapté qui crée un obstacle au coucher et au lever », analyse Johann Cariou. Certaines vaches restent debout une heure, voire plus, comme en témoignent les observations faites sur la vidéo (lire ci-contre). « Il n’y a pas d’arrêtoir au sol, ce qui fait que certaines vaches se couchent 45 à 50 centimètres trop en avant à l’intérieur des logettes. Du coup, elles ont davantage de difficultés pour se relever. » Elles manquent de dégagement pour effectuer le mouvement de balancier vers l’avant avec le cou. Du coup, elles se mettent en travers et positionnent leur tête de biais pour parvenir à se lever. « Le lever nécessite parfois plusieurs tentatives et peut prendre plusieurs minutes. »

Une grille d’observations individuelle pour une dizaine de vaches

La visite se termine par une approche plus individuelle en observant une dizaine de vaches. L’état corporel est jugé bon. Les vaches sont indemnes de lésions, si ce n’est quelques tarsites légères. Elles ruminent bien, avec 62 à 65 coups de mâchoire par bol de rumination, signe que la ration est bien équilibrée en énergie-azote et fibres. Les notes de remplissage de rumen sont homogènes avec seulement 5 % des vaches avec des notes inférieures à 3, « ce qui confirme que les fourrages sont accessibles et distribués à volonté ». Par contre, les bouses apparaissent assez hétérogènes en consistance et couleur. Certaines sont ternes avec la présence de grains et de fibres non digérés, et 15 à 20 % présentent des moulures reflétant des bouses assez sèches. « L’explication est certainement à chercher du côté des concentrés distribués au robot, du stade de lactation, de l’abreuvement ou encore de la transition des primipares », suggère le conseiller.

Une caméra filme les vaches sur 24 heures

En complément des observations faites lors de l’audit, les conseillers de BCEL-Ouest installent une caméra pendant 24 heures et réalisent un film en mode time-lapse. « Il s’agit d’une animation vidéo réalisée par une série de photographies prises à des moments différents (toutes les 20 secondes) pour présenter en un laps de temps court (7 mn) l’évolution du troupeau sur 24 heures, détaille Stéphane Saillé de BCEL-Ouest. Cette approche donne une vision globale à l’échelle d’une journée et met en avant des points clés sur la circulation, la compétition, le comportement des animaux. » La caméra grand angle est placée à un emplacement stratégique pour visualiser un maximum de lieux de vie (zones d’alimentation, de repos, de circulation…) « Cet outil pédagogique permet d’élargir notre vision restreinte de la journée du troupeau, avec parfois des surprises ! »

L’observation des vaches de nuit est très instructive

Même la nuit, il y a toujours quelques vaches qui se lèvent pour manger, se rendre au robot, boire… « On peut notamment observer les fraîches vêlées, vérifier si elles sont isolées, si elles mangent… », illustre Johann Cariou. Sur le Gaec, la vidéo a permis de confirmer que la circulation est ralentie autour d’un point d’eau et que trop de vaches restent debout dans les logettes. « La vidéo révèle aussi un peu de compétition à l’auge pendant les 30 minutes de paillage deux fois la semaine. »

Autre confirmation : la ration est bel et bien distribuée à volonté. « Parfois des éleveurs pensent à tort que c’est le cas car ils trouvent des refus à l’auge le matin, alors que la vidéo indique que le filet de fourrage restant n’est plus accessible depuis 3 heures du matin ! »

L’un des intérêts de la caméra est aussi d’objectiver les durées. « On peut comptabiliser par exemple le temps d’auge vide, le temps que passe une vache debout au cornadis ou couchée dans sa logette, le temps de saturation d’un point d’eau… »

« Voir ses vaches sous un nouvel œil »

« Malgré le temps passé quotidiennement auprès des animaux, on passe parfois à côté de certaines choses pourtant évidentes ! Une routine s’installe avec l’habitude. Avec Signes de vaches, l’idée est de retrouver un œil neuf et devenir un fin observateur en mettant tous nos sens aux aguets, pour mieux capter et comprendre le langage des bovins. Attention toutefois à ne pas se noyer dans le flot de signaux émis ! Il faut apprendre à trier, prendre du recul et garder en tête que les vrais signes se répètent. »

Johann Cariou, responsable technique à BCEL-Ouest

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