Aller au contenu principal

L’achat en ligne se banalise

L’intérêt des agriculteurs pour l’achat en ligne des agrofournitures se confirme. Tout ou presque s’achète désormais sur internet. Comment s’y retrouver et cela vaut-il le coup ?

Le trafic des sites e-commerce d’agrofournitures est en forte progression en 2017 », constate Christian Gentilleau, consultant en technologies numériques dédiées à l’agriculture (blog tic-agri). Sur les huit premiers mois de l’année, les sites les plus fréquentés (plus de 12 000 visites par mois) « ont vu leur trafic progresser de près de 50 % en un an (1) », ajoute-t-il. Mais, autre enseignement : la hiérarchie des audiences évolue. Alors, que les vendeurs de pièces agricoles ont longtemps caracolé en tête, ce sont des distributeurs aux gammes plus larges qui ont explosé les scores de fréquentation et forment désormais le trio de tête (Alliance-Élevage, Agrifournitures, Agriconomie). L’enquête annuelle Agrinautes 2017 (2) confirme l’engouement des agriculteurs pour l’achat en ligne : 69 % des agriculteurs enquêtés ont commandé au moins une fois sur internet (+ 8 points/2016) et 30 % ont dépensé plus de 1 000 euros. Pièces détachées et consommables restent largement en tête (respectivement 53 % et 49 % des éleveurs qui ont passé commande ou s’apprêtaient à le faire ont acheté ce type de fournitures). Mais, semences (19 %), minéraux (24 %), engrais (11 %) et phytos (9 %) suscitent un intérêt croissant.

Des gammes de produits très étendues

Parmi les douze sites à plus de 12 000 visites par mois, on trouve encore six spécialistes de la pièce détachée et du matériel agricole (Prodealcenter, Agram, Agrizone-net, Cam-agri-parts, Promodis) et du matériel d’élevage (Beiser-se). Si, au départ, les vendeurs de pièces détachées proposaient surtout des consommables et de la pièce d’usure, aujourd’hui, ils référencent aussi des pièces techniques.

Les autres sites de ce classement sont soit orientés sur les fournitures pour l’élevage (petit matériel, nutrition, semences, hygiène, pièces détachées…) soit de véritables généralistes. Parmi les premiers, Vital-Concept couvre une large gamme des besoins des éleveurs, et particulièrement de la production laitière. Alliance-Élevage est d’abord un spécialiste des petits ruminants mais aussi du matériel de clôture. Tous deux sont des pionniers de la vente à distance classique (catalogue, commandes par téléphone…), qui ont pris le virage de l’internet. Les seconds (Agriconomie, Meshectares) sont des pure players (vente en ligne uniquement). Faisant à la fois du commerce classique et fonction de market place (vente pour le compte d’autres marchands), ils se définissent comme des acteurs à 360 °. Ces plateformes ont en effet ouvert un nouveau front en étendant leur gamme aux semences, produits phytosanitaires, engrais et aliments concentrés.

Achats groupés et sites spécialisés

Agrileader, qui s’est développé sur la vente par téléphone en s’appuyant sur un réseau de magasins, propose également une large gamme d’intrants. Mais, elle n’est pas entièrement disponible en ligne car ce n’est pas son canal de vente privilégié. Quant au site Agrifournitures, plutôt orienté viticulture et espaces verts, il a aussi une gamme de semences et engrais.

Impossible d’être exhaustif tant le web est foisonnant. Mais, on peut sans doute faire aussi de bonnes affaires sur des sites qui ne figurent pas au classement Tic-agri. Il y a ceux qui se sont développés sur le concept d’achats groupés : larecolte.fr, Agriclubachat… Mais, ce mode de vente n’a pas rencontré un énorme succès. « Nos clients qui étaient contents de nos produits souhaitaient les trouver de façon permanente », explique François Felloni, de larécolte.fr. Créé comme site d’achats groupés, celui-ci s’est transformé en site de e-commerce classique. Signalons encore des fournisseurs comme Adiel France (produits d’élevages, semences, phytos, bio) ou des sites spécialisés dans la vente d’engrais (AgriPro, Comparateur agricole, Fertitrade) ou dans les fournitures bio (Partnerandco).

« La concurrence est enfin là et les préjugés tombent »

Dans Agrinautes 2017, 60 % des éleveurs qui fréquentent les sites de e-commerce mettent en avant les prix attractifs pour justifier ce mode d’achat. « Notre objectif n’est pas d’être tout le temps moins cher mais d’offrir des prix et des produits qui correspondent aux besoins des agriculteurs, affirme Paolin Pasquot, président d’Agriconomie. On ne fait pas de low cost, mais nous sommes souvent moins cher. Nous avons fait une enquête auprès de 400 clients : en moyenne, ils ont économisé 3 000 euros sur l’année. » Selon Agrinautes, les trois quarts des acheteurs payent par carte bancaire.

Les sites en ligne sont concurrentiels parce qu’ils ont des structures légères (pas de charges de centrale, pas de magasin, peu de personnel…). Ils se fournissent auprès des mêmes fabricants que la distribution traditionnelle, même s’ils trouvent souvent des stratégies de contournement (achats à des négociants ou coopératives, achats à l’étranger…). Certains font aussi fabriquer leur propre gamme à ces mêmes fournisseurs pour s’affranchir des tarifs imposés sur les marques, notamment en hygiène de traite. « La concurrence a été longue à se développer dans le monde agricole, mais elle est enfin là, analyse Christian Gentilleau. Au début, les sociétés de vente par correspondance et les sites en ligne ont été dénigrés par les réseaux traditionnels et ont subi de fortes pressions. Mais, leur stratégie offensive a fait évoluer les choses et les préjugés sont en train de tomber, notamment auprès des jeunes qui sont de plus en plus nombreux à maîtriser l’internet. »

Disponibilité permanente, simplicité d’achat, large choix…

Les sites d’e-commerce mettent aussi en avant la transparence des prix, affichés en ligne. Mais, pour certains produits (phytos et engrais notamment), il faut demander des devis parce que les prix peuvent varier selon les quantités et selon le lieu de livraison et pour des raisons de stratégie commerciale. Jusqu’à présent, l’achat d’engrais se faisait par camions entiers (25 tonnes) pour un même produit. Mais, les choses évoluent : possibilité de panachage, livraisons sur deux sites…

Les éleveurs enquêtés pour Agrinautes invoquent d’autres motivations fortes : large choix de produits (39 %), absence de déplacement (39 %), disponibilité des produits 24 heures sur 24 (29 %), simplicité d’achat (36 %), rapidité (36 %). Le nerf de la guerre enfin pour les plateformes de e-commerce, c’est leur capacité à mettre en place une logistique irréprochable pour pouvoir livrer en temps et en heure dans n’importe quelle ferme de France, y compris des camions d’engrais. « La vraie différenciation se fera sur l’expertise du digital, pour être en première page, et sur la capacité à choisir ses bons partenaires logistiques », résume Gaétan Fleury, fondateur de Meshectares.

Bernard Griffoul

(1) D’après les données de SimilarWeb, site de mesure d’audience des sites internet.(2) Réalisée auprès de 1 116 agriculteurs par BVA pour Terre-net Média et Hyltel.

Conseils en ligne et services exclusifs

Se sachant en position de faiblesse par rapport à la distribution traditionnelle, voire aux spécialistes de la vente à distance par téléphone, sur le contact direct avec les clients, les pure players agricoles ont mis en place des plateformes téléphoniques pour répondre aux questions de leurs clients. Certaines sont accessibles jusqu’à 22 heures et même sept jours sur sept. « Ce conseil n’est pas aussi pointu que celui qui est apporté par un technico-commercial qui vient dans votre champ, reconnaît Paolin Pasquot d’Agriconomie. Mais, le coût de ce conseil est réintégré dans le prix du produit. Certains agriculteurs qui sont très formés et savent exactement ce qu’ils veulent, cherchent des offres où le conseil n’est pas la priorité. »

« Les fournitures agricoles sont des produits techniques et souvent chers. Aussi, nous accordons beaucoup d’importance au contact direct avec le client et au conseil que nous pouvons lui apporter, affirme Nicolas Brut, d’Agrileader. Nous ne faisons pas le même travail qu’un pure player. » Dans Agrinautes 2017, 49 % des agriculteurs qui n’achètent pas sur internet affirment qu’ils préfèrent le contact direct. Pour se différencier, les pure players développent des services exclusifs : achats groupés avec facturation individuelle, service d’engrais rendu racine, engrais à la carte à partir d’analyses de sol, météo agricole gratuite…

S’y retrouver dans les phytos

S’il n’y a pas de risque à acheter des produits phytosanitaires sur des sites français qui ont reçu tous les agréments, la difficulté est de trouver les équivalences de produits dans la multitude des noms commerciaux. Les phytos peuvent provenir de trois origines. Il y a d’abord les produits de référence destinés au marché français, mais distribués parfois sous des noms différents selon les réseaux. Les vendeurs de phytos s’approvisionnent aussi à l’étranger avec des produits de composition strictement identique aux spécialités de référence, qui ont obtenu un permis de commerce parallèle (PCP). Ils sont généralement moins chers.

Pour connaître le produit de référence équivalent, outre les informations et les liens vers le site E-Phy (ephy.anses.fr) disponibles sur les sites de vente, on peut télécharger une liste sur le site de l’Anses (www.anses.fr/fr/content/tableau-des-permis-de-commerce-parallèle). Les sites de vente en ligne, et parfois la distribution traditionnelle, vendent aussi des produits génériques, nettement moins chers. Ils peuvent être identiques aux spécialités de référence mais, parfois, les adjuvants sont différents, ce qui peut modifier leur efficacité. « Dans les génériques, on trouve du bon et du moins bon, explique Nicolas Brut d’Agrileader. Mais, dans certains contextes d’utilisation, même si l’efficacité est moins bonne, elle peut être suffisante. Cela fait partie de notre travail d’expliquer les différences entre tous ces produits pour qu’ils soient utilisés à bon escient. »

« Un grand choix et des tarifs directs »

Stéphane Luet éleveur dans le Maine-et-Loire (1) achète pas mal de fournitures en ligne, y compris des engrais et de l’aliment, et réalise de substantielles économies.

Qu’achetez-vous sur les sites d’agrofournitures et quels avantages y trouvez-vous ?
Stéphane Luet - J’achète en ligne presque toutes les semences (fourragères, maïs), de l’engrais (ammonitrate, urée), du tourteau de colza, des produits d’hygiène de traite, du petit matériel, des produits pour les animaux… L’avantage, c’est qu’il y a un grand choix et qu’on a un tarif direct. On peut très facilement comparer les prix. J’apprécie aussi de ne pas avoir la pression commerciale.
Quels sont les points sur lesquels il faut être vigilants quand on achète en ligne ?
S. L. - Avant de commander, il faut prendre le temps de se documenter sur les gammes de produits, en particulier pour les semences, parce que le conseil par téléphone n’est pas suffisant pour savoir par exemple si telle ou telle variété est bien adaptée à notre exploitation. Il faut se renseigner aussi sur la fiabilité de l’entreprise. La première fois, je les appelle pour les sonder et je ne commande que sur les sites les plus connus. Il faut aussi s’organiser pour avoir la trésorerie disponible car, quand on commande, on paye. Pour les engrais, on verse un acompte à la commande et on paye le solde avant la livraison ou quand le camion arrive. Enfin, il faut toujours comparer les prix et ne pas se focaliser sur un seul site et regarder aussi les tarifs du négoce et de la coopérative car, sur certains produits, ils peuvent avoir des prix plus attractifs.
Avez-vous évalué les économies que vous réalisez ?
S. L. - Sur les engrais, je gagne de 5 à 10 % par rapport à la coopérative ou au négoce, et sur les semences environ 15 %. Sur les produits d’hygiène de traite je ne suis pas complètement satisfait et la différence de prix n’est pas très importante par rapport à la concurrence. Je vais sans doute revenir à ceux de la laiterie. Pour l’année 2016, j’ai économisé 5 000 euros sur un total d’achats de 35 000 euros, soit 12 à 13 %.
(1) Lire Réussir Lait, n°316, septembre 2017, page 50.

Les plus lus

 Chauffeur-Ramasseur de lait
Lactalis veut réduire sa collecte de lait en France

La dernière médiation avec l’Unell le laissait présager, Lactalis l’a officialisé lors de la présentation de ses résultats…

Guillaume Dousset, éleveur à Frossay en Loire-Atlantique
« Nos bœufs prim’Holstein croisés hereford sont finis un an avant nos autres bœufs »

En Loire-Atlantique, les parcelles de marais de Guillaume et Maxime Dousset sont valorisées avec des bœufs croisés prim’…

Soins vétérinaires : « Nous avons opté pour un forfait de 37 euros par vêlage pour le suivi de nos vaches »

Certains éleveurs contractualisent les soins de leur troupeau avec leur vétérinaire. Le forfait permet un suivi régulier des…

veaux en igloo individuel
Les bons gestes pour des veaux laitiers en pleine forme dès la naissance

Il n’y a pas une seule et unique recette pour élever un veau. Ce qui est sûr, c’est que les premiers jours sont déterminants…

Franck Bonraisin, associé du Gaec La Morice
« Nous avons gagné 10 €/1 000 l grâce à une vraie stratégie de renouvellement »

Depuis deux ans, le Gaec La Morice utilise le génotypage et la semence sexée pour limiter le nombre de génisses de…

Après maïs, il est conseillé de semer dense (15 kg/ha de ray-grass pur, 13 kg/ha de ray-grass + 5 à 13 kg/ha de trèfle, 13 kg/ha de ray-grass + 8 à 10 kg/ha de vesce, ...
Quel couvert semer après un maïs ?

Très présents dans la nouvelle PAC, les couverts ont des atouts agronomiques, environnementaux et pour l’alimentation des…

Publicité
Titre
Je m'abonne
Body
A partir de 100€/an
Liste à puce
Accédez à tous les articles du site Réussir lait
Profitez de l’ensemble des cotations de la filière Réussir lait
Consultez les revues Réussir lait au format numérique, sur tous les supports
Ne manquez aucune information grâce aux newsletters de la filière laitière