PROGRÈS GÉNÉTIQUE
LA RÉVOLUTION GÉNOMIQUE DÉCRYPTÉE DE A À Z
Le 18 juin 2009 restera gravé dans l’histoire de l’élevage français.
Il marque la première sortie officielle de taureaux issus de la SAM.
Le point sur cette technologie révolutionnaire.
avec des index SAM publiés et
d’autres dans le cadre d’un profil
général correspondant à un objectif
de sélection (lait, fertilité...).
La SAM, abréviation de la sélection assistée par marqueurs génétiques, permet de prédire le potentiel génétique d’un animal en détectant dans son génome (patrimoine génétique) des régions responsables de la variabilité génétique pour les différents caractères sélectionnés (lait, TP, mamelle…). Ces régions sont dénommées QTL (Quantitative trait locus). Les QTL (morceaux d’ADN) peuvent contenir un ou deux gènes. Les QTL existent sous différentes formes (allèles) avec pour chacune d’elles une influence positive ou non sur les caractères sélectionnés. La présence et la forme des QTL est mise en évidence par des marqueurs génétiques (petits morceaux d’ADN). Ces marqueurs sont de véritables petites balises observables en laboratoire. La SAM actuelle utilise une puce (un « kit » qui permet de lire des positions dans le génome) de 54 000 marqueurs génétiques.
Au final, le potentiel génétique des reproducteurs est estimé en additionnant l’ensemble des effets des QTL. L’analyse du génome se fait à partir d’une simple prise de sang et bientôt de cellules embryonnaires. Pour calculer les index SAM, on complète cependant les informations issues de la génomique par celles provenant des index calculés sur ascendance et dès qu’elles sont disponibles sur descendance. Les index SAM et classiques sont comparables mais avec un niveau de précision différent. Par contre, « il n’est pas encore possible de comparer des taureaux « génomiques » de différents pays », précise François Guillaume, de l’Institut de l’élevage.
■ La SAM n’est pas de la sélection génomique
En effet, la SAM utilise des marqueurs génétiques pour prédire le potentiel d’un animal. Elle se base sur la détection de portion d’ADN précises à savoir les QTL ayant un effet connu sur les caractères sélectionnés.Tandis que la sélection génomique, telle qu’elle est pratiquée par les Américains, les Canadiens, les Danois ou Hollandais, consiste à analyser à l’aide de marqueurs la totalité du génome de l’animal mais sans distinguer la présence de QTL particuliers. Dans les deux cas, on utilise ensuite des équations mathématiques pour prédire le potentiel génétique de l’animal. La France compte cependant utiliser la sélection génomique pour compléter la SAM. « La SAM ne couvre que 50 à 60 % de la variabilité des caractères qui nous intéressent », souligne Vincent Ducrocq, chercheur à l’Inra. « Nous allons appliquer le principe de la sélection génomique pour expliquer le reste de la variabilité. »
■ Pourquoi la SAM est une révolution
La sélection assistée par marqueurs génétiques est une révolution à plus d’un titre. D’abord parce qu’elle bouleverse radicalement la manière de sélectionner les animaux. Elle signe la fin du testage sur descendance. « Le gain de précision qu’il permet ne justifie plus ses contraintes telles que le coût et surtout la réduction du nombre de reproducteurs aux capacités de testage. En outre, cela reviendrait à utiliser fortement quelques très bons taureaux plusieurs années après leurs fils ayant des index SAM, ce qui est très risqué pour la consanguinité », explique François Guillaume. On peut en effet désormais évaluer le potentiel génétique d’un reproducteur dès sa naissance (et bientôt avec l’embryon) à partir d’un simple prélèvement de sang. La révolution touche aussi l’organisation du dispositif génétique français. La SAM ne signifie par contre absolument pas la fin du contrôle de performance. Ce dernier est notamment nécessaire pour confirmer les index SAM et améliorer ainsi leur fiabilité mais aussi pour réactualiser en permanence les valeurs utilisées dans les équations.
■ La France dans le peloton de tête
La France est le premier pays européen à avoir réalisé une sortie officielle de taureaux « génomiques ». Le 18 juin 2009 restera donc un moment historique dans le monde de la sélection en France. Les Pays-Bas proposent aussi des taureaux mais leurs index ne sont pas encore officiels. D’autres pays comme l’Allemagne, l’Irlande, l’Espagne… vont emboiter le pas à court terme. Avec une technologie différente, le consortium américano- canadien propose également des taureaux « génomiques » avec index officiel (depuis août pour le Canada).
■ Un progrès génétique plus rapide
La SAM va accélérer le progrès génétique d’abord parce qu’elle raccourcit l’intervalle de générations. On connait avec une fiabilité correcte le potentiel génétique d’un animal dès sa naissance. On gagne environ quatre ans par rapport au testage sur descendance. Actuellement, les index SAM sont plus précis (CD = 0,50 à 0,60 selon les caractères) que les index calculés sur ascendance (CD = 0,3). Il le sont par contre moins que les index calculés à la fin du testage sur descendance (CD = 0,75). La précision des index des femelles et donc leur fiabilité est identique à celle des taureaux, ce qui n’était absolument pas le cas auparavant. Enfin, pour des caractères peu héritables comme la fertilité, la longévité… les index SAM sont bien plus précis que les index calculés sur ascendance et descendance. Le progrès génétique est d’autant plus rapide que la SAM permet d’augmenter la pression de sélection sur les voies mâle et femelle. En effet, on peut génotyper un grand nombre de reproducteurs potentiels pour n’en retenir finalement qu’une petite proportion.
■ Ne pas abuser des taureaux SAM
Attention! Les index SAM sont actuellement moins fiables (en dehors des caractères fonctionnels et pour les femelles) que ceux des taureaux testés sur descendance. En outre, le nombre de caractères évalués est plus faible. Il convient donc dans un premier temps d’utiliser judicieusement les taureaux génotypés, c’est-àdire avec parcimonie. « Pour limiter les risques, il est préférable d’utiliser cinq taureaux différents plutôt que cinq fois le même », souligne Sophie Mattalia, de l’Institut de l’élevage. Les entreprises de sélection adoptent deux stratégies pour diffuser les doses de taureaux « génomiques », avec à la clé des tarifs variables. Certaines d’entre elles présentent les index individuels des taureaux, auquel cas elles peuvent diffuser les reproducteurs sans restrictions. Ces taureaux peuvent être présentés individuellement, comme ceux testés sur descendance, ou vendus par groupes (packs).
Certaines entreprises ont choisi la seconde option, celle de la « confirmation sur descendance » : les index individuels ne sont pas publiés, et on ne présente qu’un profil général. Le nombre de doses est limité à 3 000 et l’objectif est alors de distribuer les doses des taureaux de la manière la plus équilibrée possible, d’éviter les excès sur un taureau et d’obtenir très rapidement des index fiables sur descendance. « Que ce soit via la » confirmation sur descendance « ou via les packs, les ES cherchent à éviter les risques inhérents au « star système », qui sont importants, compte tenu de la précision modérée des index », précise Sophie Mattalia. Concernant le pourcentage d’IA à faire au sein d’un troupeau avec des taureaux en génomique, « cela va évoluer dans le temps ». On peut tabler sur « 20-25 % les premières années, tant que les résultats sur performances ne seront pas disponibles, puis ce taux augmentera probablement fortement ». Tout dépend « de la confiance accordée par les éleveurs à cette nouvelle méthodologie et surtout de la façon de procéder ». Sophie Mattalia conseille de travailler par « profils » et d’abandonner un raisonnement individuel.
« Il faut prendre les meilleurs taureaux, c’est-à-dire ceux qui répondent le mieux à l’objectif de l’éleveur, quelle que soit l’origine de l’index (sur performances ou génomique). C’est là que l’on maximise le progrès génétique ! Ensuite, il faut veiller à la diversité des origines des taureaux… cela va être un enjeu essentiel dans l’avenir car le raccourcissement des intervalles entre générations risque d’accélérer énormément l’augmentation de la consanguinité. C’est une des préoccupations majeures du moment. » De son côté, François Guillaume explique qu’« utiliser une gamme large de taureaux génomiques viendra naturellement parce que l’on dispose d’un choix plus large par rapport au schéma classique ». En outre, la fiabilité des index SAM va s’améliorer.
■ Sur quels animaux les utiliser ?
« Il n’y a pas de raisons a priori d’utiliser les taureaux » génomiques « plus sur une catégorie de femelles qu’une autre. La seule contrainte réside dans le fait que nous ne disposons pas encore d’index sur la facilité de naissance en SAM », souligne Sophie Mattalia.« De ce fait, tant que les taureaux « génomiques » n’ont pas encore de descendants, il vaut mieux les utiliser sur des vaches. » Pour certains taureaux SAM, des index de facilité de naissance ont pu être calculés.
■ Une quinzaine de caractères évalués
La SAM permet d’évaluer une quinzaine de caractères actuellement : lait, MG, MP,TB,TP, cellules, fertilité (vache et génisse), vitesse de traite et six postes de morphologie. Elle permet d’évaluer les index synthétiques suivants : Inel, MO, mamelle et capacité corporelle. Au fur et à mesure de l’avancée des recherches, le nombre de caractères va augmenter rapidement. « Cinq nouveaux postes de morphologie devraient être publiés lors de l’indexation de février 2010 », souligne François Guillaume, de l’Institut de l’élevage. « Nous travaillons également sur la publication des index facilité de naissance, longévité et vitalité à la naissance. » À terme, « c’est l’ensemble des caractères actuellement indexés sur descendance qui seront disponibles », mais aussi des nouveaux portant notamment sur la qualité fine du lait…
(1) Le programme SAM a débuté en France en 2001. Ce programme national rassemble l’Inra, l’Unceia, les entreprises de sélection et Labogéna
La révolution génomique
Pour répondre aux différentes questions sur la SAM, l’interprofession génétique France génétique élevage a publié une brochure de 18 pages. Le document est téléchargeable gratuitement sur le site de l’Institut de l’élevage : www.idele.fr