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« J'essaie d'avoir l'élevage le plus simple au monde »

Dans le Sud-Ouest de l'Angleterre, Mat Boley a développé un système bio avec monotraite, zéro concentré... Plein cap sur la performance économique sans rogner sur le temps libre.

Quadragénaire au look de surfer californien, Mat Boley a retrouvé le sourire avec le retour du soleil en avril. Depuis qu'il s'est installé en 1999, Mat n'a eu qu'une idée en tête : développer un système simple inspiré du modèle néo-zélandais permettant de concilier vie privée et professionnelle. « Mon objectif est d'avoir l'élevage laitier le plus simple du monde », explique-t-il avec humour avant d'ajouter « je n'y arriverai pas encore cette année à cause de la météo. Les pluies incessantes ont retardé la mise à l'herbe. Nous avons eu plus de travail que d'habitude. » Les besoins en paille de l'élevage ont augmenté de 50 % (stabulation de 1750 m2 sur aire paillée). La forte demande en paille au Royaume-Uni a provoqué une inflation. Elle s'est négociée jusqu'à 160 euros la tonne. « La pousse d'herbe étant retardée, nous avons été obligés de distribuer de l'ensilage d'herbe aux vaches. » La pilule a été d'autant plus difficile à avaler que plus de 80 % des 350 vaches du troupeau vêlent durant les trois premières semaines de mars. L'éleveur envisage de décaler les vêlages à partir de la seconde moitié de mars pour assurer une meilleure synchronisation avec la mise à l'herbe.

Dans le top 10 de la performance économique

Avec des résultats économiques classés dans le top 10 en Angleterre depuis plusieurs années, Mat Boley est un modèle du genre en termes d'efficacité économique et de gestion du temps de travail. Pour atteindre son objectif, il n'a pas hésité à opérer un changement radical dans la gestion de l'exploitation familiale. Exit les Holstein à 6 000 l vêlant toute l'année, traites deux fois par jour et consommant une tonne de concentré par an. Tout le troupeau tourne avec zéro kg de concentré depuis 15 ans. La monotraite et l'arrêt de la traite en décembre et janvier sont des piliers de sa stratégie. En hiver, Mat et son salarié travaillent deux heures par jour contre six heures le reste de l'année. Avec la fermeture de la salle de traite en décembre et janvier, le gros du travail consiste durant ces deux mois à pailler la stabulation trois fois par semaine et à distribuer la ration à base de foin et d'ensilage d'herbe également trois fois par semaine. La monotraite permet quant à elle de limiter le temps de traite à quatre heures par jour pour une personne (nettoyage compris).

Mat Boley a commencé à faire du croisement il y a une vingtaine d'années. « J'ai d'abord utilisé de la semence de taureaux jersiais de Nouvelle-Zélande. La Jersiaise est une race très intéressante quand on est payé à la quantité de matière utile (1,1 million de litres de lait à 50 g/l de TB et 38 g/l de TP ). » Cette année, Mat a acheté de la semence de taureaux Kiwi en Nouvelle-Zélande. Les doses lui ont coûté entre 10 et 17 euros auxquels il faut ajouter 6 euros pour l'insémination. Inutile de chercher une vache ressemblant vaguement à une race française dans son troupeau. « J'ai juste une croisée Montbéliarde qui ne meurt jamais. Elle a 13 ans. J'aime cette race. Dommage qu'elle fasse des vaches un peu trop grosses pour mon système. » Peu importe donc la couleur de la robe. L'objectif de sélection ce sont des vaches de petit gabarit, fertiles, dotées de bons membres et produisant un lait riche. « Je n'ai levé que douze pieds l'année dernière. Les sabots noirs, c'est super. »

Un quart des vaches réinséminées le lendemain

Côté repro, Mat Boley délègue les IA à un inséminateur. « Je préfère déjeuner avec ma famille que d'inséminer 25 vaches tous les jours. Quand on insémine sur une courte période de l'année, on perd un peu la main. On est moins rapide que le technicien. » Pour assurer un bon taux de gestation, les vaches vues en chaleurs le lendemain d'une IA sont réinséminées. Cela concerne un quart du troupeau. La détection des chaleurs est réalisée à l'aide d'une peinture posée sur la croupe des vaches et l'observation des animaux lors de la traite. « Environ 10 % des vaches ne sont pas pleines après trois semaines d'insémination. Dans ce cas, je les mets avec un taureau en automne et je les vends pleines à mon frère. » Les veaux mâles sont vendus environ 25 euros à l'âge de 15 à 21 jours. Pour simplifier la distribution du lait, Mat Boley a mis au point un système de pipeline permettant d'acheminer le lait du tank distant d'une cinquantaine de mètres jusqu'aux bidons sur lesquels sont fixés des tétines. Une pompe vide cave transfère le lait dans les bidons. Ces derniers ne sont jamais nettoyés. "Le lait est ensemencé avec des bonnes bactéries", souligne l'éleveur.

La simplification est également de mise dans la gestion des 160 hectares de prairies dédiées aux vaches. « La moitié de la 'plate-forme laitière' est en prairies temporaires à base de RGA-TB. Mais je préfère les prairies permanentes parce que je n'aime pas labourer », souligne Mat Boley.

Trop de rumex après une rénovation de prairie sans labour

Environ 10 % des prairies sont resemées chaque année. Un raté suite à une rénovation de prairies sans labour a poussé l'éleveur à changer son fusil d'épaule. « L'année dernière, j'ai ressemé trois prairies après un passage de cover crop. C'était une erreur. Les prairies sont envahies de rumex. Je ne recommencerai pas »

Quoi qu'il en soit, il en faut plus pour perturber le flegme de Mat Boley, d'autant que ses prairies sont suffisamment productives pour produire 5000 l de lait par hectare. Le tout avec une fertilisation limitée à du compost. La recherche de simplification ne rime pas avec manque de rigueur. La pousse de l'herbe est évaluée tous les quinze jours avec un herbomètre. Jusqu'ici, Mat Boley faisait 2500 balles d'enrubannage chaque année. "Cela pose un véritable problème pour le recyclage du plastique. je vais donc faire plus de foin et moins d'enrubannage."

Le système de Mat est donc très bien calé. Il pourrait, comme son frère, gérer d'autres exploitations. Mais, ce serait en total contradiction avec ses aspirations en termes de qualité de vie. « Mon objectif est de rembourser le plus rapidement possible mes dettes. J'arrêterai peut-être de travailler sur la ferme à 50 ans. J'aimerais acheter un pub et faire le tour du monde en bateau. »

Avis d'expert 

« 174 000 euros de disponible, c'est remarquable. »

« En 2017, Mat Boley a dégagé un EBE de 254 000 euros (235 euros/1000 l : 1175 euros/ha : 41 % du produit brut). Son revenu disponible après remboursement des annuités s'élevait à 174 000 euros. C'est remarquable de pouvoir dégager un tel niveau de revenu disponible pour un seul exploitant. Cela traduit une très bonne efficacité du travail avec de fortes quantités de lait produites par travailleur, et une marge élevée pour chaque volume produit. Le niveau élevé de ses annuités (80 000 euros) est sa seule faiblesse. Elles ont cependant diminué de 10 000 euros depuis deux ans. L'achat de 80 ha à ses parents explique ce niveau élevé sachant qu'en Angleterre, le prix d'un hectare de prairie tourne autour de 19 000 à 20 000 euros. Par ailleurs, Mat Boley loue 160 ha à 350 euros/ha. »

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