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« Je suis maman, éleveuse et engagée pour le collectif »

Marie-Laure Bechepois, en EARL avec son mari en Mayenne, est présidente de l’OP Perreault. Elle parvient à concilier cet engagement, son rôle sur l’exploitation et sa vie de famille.

Marie-Laure Bechepois est maman avant tout, responsable de la traite de 50 vaches, des veaux jusqu’à 5 mois, du secrétariat et de l’administratif, et c'est une femme engagée. © EARL Bechepois
Marie-Laure Bechepois est maman avant tout, responsable de la traite de 50 vaches, des veaux jusqu’à 5 mois, du secrétariat et de l’administratif, et c'est une femme engagée.
© EARL Bechepois

En cet après-midi d'avril, quand Marie-Laure Bechepois me répond, sa fille de 11 ans lui demande conseil pour ses devoirs. Confinement oblige, nous faisons l'entretien au téléphone : elle, avec ses oreillettes, raconte tout en vérifiant les clôtures des prairies de l'exploitation. « Je suis femme, et maman de quatre enfants avant tout. Puis chef d'exploitation avec mon mari. Et enfin, je suis engagée à l'extérieur car j'éprouve le besoin d'apporter ma pierre à l'effort collectif », résume-t-elle.

Marie-Laure Bechepois est présidente de l'organisation de producteurs Perreault, qui représente environ 250 livreurs sous contrat avec Savencia. Avant, elle était secrétaire de cette OP. Et encore avant, elle faisait partie du conseil municipal de sa commune. Elle a aussi été membre de l’association des parents d'élèves de l’école, de 1998 jusqu'à cette année.

Former un vrai duo d’associés avec son mari

« Je remercie mon mari qui m'a donné la possibilité d'accomplir ce besoin de travailler pour les autres, pour un collectif. Il m’a aussi aidée à prendre une place sur la ferme. » Fille d’agriculteurs, Marie-Laure a une licence de biochimie et elle a fait valider ses acquis issus de son expérience à la ferme grâce à son mari qui l’a, en quelque sorte, formée. « Nous avançons à deux, aussi bien pour élever les enfants que pour définir la stratégie de l'exploitation, même si chacun est responsable de ses tâches. Cela implique de savoir déléguer, de laisser à l'autre ses choix et ses initiatives. Sur la ferme, nous sommes véritablement associés, même du temps où j'étais conjointe collaboratrice. » Et son mari a aussi son activité à l'extérieur : il est membre actif d’un club de tennis de table.

Pardonner les blagues pas méchantes

En 2009, quand Marie-Laure est entrée au conseil d'administration du groupement de producteurs Perreault, elle était la seule femme et elle était face à trente et un hommes ; même si ce n'était pas la première fois qu'une femme entrait au conseil. « Je me souviens de cette blague : “On cherchait un secrétaire, ben voilà elle est toute trouvée ! Je suis une femme, donc forcément je fais la secrétaire !” Ils ont rigolé et j'ai pris le parti d'en rire aussi, car ce n'était pas méchant. Si on est blessée par les blagues, mieux vaut ne pas se frotter au collectif. Mon objectif était d'apporter ma pierre à l'édifice collectif ; je me suis concentrée là-dessus. »

« Je pense que les hommes sont prêts à laisser des places aux femmes ; tous ne sont pas accrochés à leur poste. Peu sont réellement machistes même si j'ai, très rarement, entendu “Les femmes ne savent prendre que des congés maternité et parentaux.” Ou “Vous avez le temps parce que vous êtes une femme”. »

S'autoriser à s'exprimer

Marie-Laure reconnaît que les relations de travail ne sont pas toujours faciles pour une femme dans un univers très masculin. « Il faut pouvoir exprimer son point de vue pour faire sa place. Je pense que le problème vient du fait que les femmes n'osent pas ; elles appréhendent les relations avec les hommes et elles doutent de leurs compétences. Personnellement, aucun homme ne m'a écartée parce que j'étais une femme. Je pense qu'ils sont prêts à faire une place aux femmes. »

Marie-Laure se souvient de sa première réunion du groupement, qui avait lieu le mercredi matin. À l'époque, il n'y avait pas école le mercredi matin, ce qui lui posait un problème pour garder ses enfants. « J'allaitais ma fille de 1 mois ; et je suis allée à la réunion avec elle. Mes collègues ont été agréablement surpris que l'on ait réussi à faire une réunion avec un bébé. J'ai aussi clairement posé le problème du mercredi matin. Nous en avons discuté, et les réunions ont été programmées d'autres jours de la semaine. Ce n'est pas un détail ; c'est important d'être bien organisé, que les choses soient claires et que tout le monde se sente bien. » Aujourd'hui, en périodes chargées en travaux des champs, Marie-Laure s'arrange pour respecter les contraintes de ses collègues.

Pouvoir se faire remplacer, déléguer

Quand elle est devenue présidente, Marie-Laure a clairement demandé à ce que l'OP paye un vacher de remplacement (Marie-Laure gère la traite) quand elle serait en déplacement pour l'OP. « Le problème du remplacement de celui qui s’engage doit se poser de la même façon dans une structure en couple que dans une structure avec des associés autres. Il faut l'exposer clairement dès le départ pour ne pas provoquer de tensions. »

Pour elle, la question de l'engagement est la même pour une femme et pour un homme. C'est « A-t-on envie de travailler pour les autres et de faire bouger un collectif ? Veut-on oser ? » Si la réponse est oui, elle estime qu’il faut trouver des solutions pour s'organiser. La différence entre les hommes et les femmes est que les conseils d'administration sont très masculins, ce qui peut intimider les femmes. « Et dans les exploitations, on voit encore souvent les femme qui gèrent les enfants, la cuisine, l’administratif de l’exploitation, les veaux… Du coup, elles ne voient pas comment s’organiser pour s’engager à l’extérieur. Et si leurs maris ne veulent pas qu’elles s'engagent, c'est sûr que c'est bloquant. »

Marie-Laure a hésité à prendre la présidence, n’aimant pas trop être sur le devant de la scène et ne s’en sentant pas capable. « Notamment, je ne me sentais pas compétente sur la lecture des marchés, compétence qu’avait l’ancien président. J’ai donc cherché une personne compétente au sein du bureau, et nous jouons la complémentarité. Les présidents ne sont pas des surhommes, ou des surfemmes ! » À présent, Marie-Laure cherche à transmettre le flambeau de la présidence. « Il faut que les têtes changent, c’est plus sain. »

Chiffres clés

48 ans

4 enfants de 25, 19, 15 et 11 ans

1994 : s'installe sur la ferme familiale de son mari

1995 : conseillère municipale

2001 : adjointe au maire

2009 : secrétaire de l'OP Perrault

2016 : présidente de l'OP

Une vocation qui se transmet

L'envie de s'engager a été transmise à Marie-Laure par ses parents. « Mon père était syndicaliste. Et ma mère était engagée avec Famille rurale dans des actions pour monter un centre de loisirs, gérer une cantine scolaire... Et elle était administratrice à la MSA. »

Son fils aîné est devenu membre du bureau de son club de foot. « L'engagement ne lui fait pas peur. Il n'a pas souffert du fait que je donnais et continue de donner de mon temps et de mon énergie à des causes collectives. Mes enfants voient que l'on peut vivre des moments familiaux tout en s'engageant. »

S'exprimer sans revendiquer

Marie-Laure Bechepois insiste sur le fait qu'elle n'est pas une militante féministe. Les femmes doivent oser, mais la parité imposée n’est pas une bonne solution.

Quand elle s'est engagée pour sa commune, elle a d'abord été six ans conseillère municipale, puis elle a été sept ans élue adjointe au maire, ou plus précisément à Madame le maire. La loi sur la parité obligeait à trouver des femmes pour le conseil municipal. « J’estime qu’il y a des hommes compétents et des hommes incompétents, et que c’est pareil pour les femmes. Le problème de la parité imposée est que l’obligation de prendre un certain nombre de femmes dans le conseil a conduit à ce que certaines femmes étaient là par défaut. Elles n’avaient pas spécialement envie d’être là. Et elles ont pris la place d’hommes qui auraient été plus investis. Au final, cette obligation de parité a peut-être permis de faire avancer les choses dans la société, mais elle dessert aussi la cause des femmes quand elle aboutit à mettre des femmes peu investies à des postes de responsabilité. »

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