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Chez Laurent Goulard dans le Morbihan
« Je ne veux surtout pas me compliquer la vie »

Installé depuis dix ans en individuel sur une exploitation de 70 ha et 55 vaches, Laurent Goulard a choisi sa stratégie : faire simple et efficace. Les résultats sont au rendez-vous.

Dans tout ce qu’il entreprend sur son exploitation, Laurent Goulard cherche toujours le meilleur compromis entre les moyens mis en œuvre et le résultat obtenu. « Mon objectif est de sortir le meilleur résultat de la façon la plus simple possible, résume-t-il pragmatique. À partir d’un certain litrage, quand on est en individuel, on n’a pas le choix, sinon on est vite débordé. » Un raisonnement qui ne l’empêche pas pour autant d’être exigeant sur le troupeau et les cultures.

Laurent a toujours su qu’il voulait devenir éleveur. À 35 ans, avec un diplôme d’ingénieur en poche et dix années d’expérience en tant que conseiller d’entreprise puis responsable technique à la chambre d’agriculture du Maine-et-Loire, il a fait le saut. « Ma cousine cédait sa ferme dans le sud du Morbihan, en même temps que l’un de ses voisins. Cela permettait de monter un projet avec 70 hectares et 282 000 litres. J’ai saisi cette opportunité. Si je ne l’avais pas fait, je l’aurais toujours regretté », reconnaît-il. Laurent était prêt à s’installer, mais pas sur n’importe quelle structure. « Ce qui m’a plu ici, c’est le parcellaire groupé, avec un îlot de 43 hectares d’un seul tenant et potentiellement 55 hectares accessibles. C’est un atout de poids en termes de choix de système, de temps, de souplesse de travail et d’économie de carburant. Et avec la construction d’un bâtiment au milieu des terres, on ne peut rêver mieux pour le pâturage. » Convaincu de l’intérêt du pâturage au niveau économique, travail et santé animale, Laurent a opté pour un système mixte herbe-maïs. « Avec des rendements moyens de 13-14 tMS/hectares sur les limons profonds réservés au maïs, cette culture reste une garantie. » D’autant qu’il sort régulièrement avec de bonnes valeurs (0,91 à 0,94 UFL/kg MS). Les parcelles à plus faible potentiel sont réservées aux prairies.

Cumuler les avantages de l’herbe pâturée et du maïs

Le silo de maïs reste ouvert toute l’année pour faciliter la gestion des aléas climatiques et mieux valoriser les excédents azotés de l’herbe au printemps. Les vaches pâturent environ neuf mois par an. Elles sortent en général de mi-février à fin novembre, et même l’hiver en cas de belles journées. La portance ne pose pas de problème et 500 m de chemins ont été aménagés pour faciliter l’accès aux prairies. Les vaches disposent de 25 ares/VL de RGA-TB, auxquels s’ajoutent 20 ares de dérobées de RGI-trèfle incarnat au printemps et à l’automne. « Elles aiment autant le RGI-TI que le RGA-TB. En général, sur l’année, elles font 3 à 5 passages sur les couverts et 6 à 8 sur les prairies. Je passe le broyeur quasiment après chaque passage. » Même si la zone est réputée plutôt séchante l’été, Laurent estime ne pas être mal loti depuis son installation. Certains étés, le pâturage constitue jusqu’à la moitié de la ration. Laurent coupe le correcteur assez vite dans la saison. « Cette année, comme j’étais un peu juste en stock de maïs, je suis descendu en l’espace de 15 jours à 2-3 kg de maïs ensilage dès début mars. Et tant que l’herbe constitue plus de la moitié de la ration (et selon sa qualité), je ne distribue quasiment pas de correcteur. »

Je raisonne troupeau, pas à la vache

L’hiver, la ration est assez simple : du maïs ensilage et un peu d’enrubannage (une botte étalée pour deux jours), 180 g de CMV et 3 kilos de correcteur maximum avec un peu d’urées. « J’ai opté pour un mélange de deux aliments du commerce (tanné et non tanné) à base de soja, colza et tournesol par souci de facilité. Je ne cherche pas à pousser les vaches et je raisonne 'troupeau'. Je ne fais plus de calcul de ration, j’ajuste le correcteur selon le niveau d’urée du tank. L’hiver, je vise 220-250 mg/l. »

« En m’installant ici, je me suis dit qu’il me faudrait dix ans pour bien maîtriser mon affaire », rapporte-t-il. Le pari est tenu. Après des débuts éprouvants liés au manque de place et aux bâtiments anciens (étable entravée, 5 heures de traite par jour…), des soucis sanitaires (neospora, paratub, cellules) et la construction d’un nouveau bâtiment en 2010, l’exploitation parvient aujourd’hui à dégager une bonne efficacité technico-économique et à maintenir sa trésorerie à flot. Le prix d’équilibre est de 306 euros/1 000 l(1). « J’ai vécu la fin des quotas comme une vraie opportunité, en obtenant d’Eurial 150 000 l supplémentaires. Aujourd’hui, produire plus de lait sans réinvestir m’aide à passer la crise en diluant les charges de structure. » En 2016, l’élevage n’a toutefois pas encore produit l’intégralité du volume contractualisé. « J’ai préféré ne pas acheter des animaux à l’extérieur dans un contexte de prix du lait dégradé. J’augmente les effectifs par croît interne. L’objectif est de ne pas dépasser 65 vaches pour ne pas surcharger le bâtiment. »

Une aire paillée avec aire d’exercice sur caillebotis

Laurent a fait le choix d’une aire paillée de 385 m2 avec aire d’exercice sur caillebotis, essentiellement pour une question de travail (pas de raclage, pas d’eau à épandre). « Sur caillebotis, le sol n’est jamais nickel mais jamais humide non plus, ce qui limite grandement les problèmes de pattes. »

Ses bons résultats, Laurent les doit aussi à son expérience passée. « Dix ans d’expérience capitalisée, ça compte. J’avais de bonnes bases, mais il m’a quand même fallu deux-trois années pour me rôder au métier. » Son ancien réseau professionnel est aussi un plus. « Aujourd’hui encore, si j’ai une question ou besoin d’un conseil avisé, je n’hésite pas à appeler des spécialistes ou d’anciens collègues. » Un réflexe qui lui permet souvent de bénéficier d’un œil extérieur et de prendre de la hauteur. Il se forme aussi régulièrement. Même jeune installé, il a toujours pris le temps de suivre 6 à 7 jours de formation par an. « Assister aux réunions d’information, visiter des salons, cela fait partie intégrante du boulot… Tout n’est pas intéressant mais il y a toujours quelque chose à en tirer. Cela permet d’affiner ses connaissances et d’être à l’affût d’évolutions potentielles (PCAE, MAEC…). »

En bon gestionnaire, il tient à jour ses propres tableaux de bord sur informatique ou sur des fiches plus ou moins formalisées. « Je reporte notamment le chiffre d’affaires lait mensuel et cumulé, les frais véto, la consommation et le coût des concentrés. D’une année sur l’autre, je compare leur évolution. Cela me donne une certaine lisibilité sur l’année en cours et m’aide à me fixer des objectifs. » Une chose est sûre, Laurent connaît bien ses chiffres et a ses repères en tête. Il suit sa trésorerie de près et sait anticiper les périodes qui s’annoncent plus tendues.

Un gestionnaire qui suit ses propres tableaux de bord

La gestion l’intéresse plus que la repro. « La génétique n’est pas vraiment ma passion. Je fais confiance à l’inséminateur pour le choix des taureaux. Je ne cherche pas le maximum de lait par vache, je veux juste des vaches qui me causeront le moins de problème possible. » L’âge au vêlage est de 28 mois. Depuis six ans, il se fie à 100 % au détecteur de chaleur. « Au début, c’était nécessaire car je n’habitais pas sur place. Aujourd’hui, je ne m’en passerai plus, il détecte plus de chaleurs que moi et les résultats obtenus en stations expérimentales sont concluants. Si des outils peuvent nous simplifier la tâche, autant les utiliser. »

Par contre, l’hygiène de traite mobilise toute sa vigilance. Il ne lésine pas sur le protocole : nettoyage des mamelles à la lavette suivi d’un essuyage, prétrempage, essuyage, premiers jets, puis post-trempage et désinfection automatique des griffes. Depuis l’entrée dans le nouveau bâtiment en 2010, aucune pénalité n’est à déplorer. Le taux cellulaire moyen du tank est de 173 000/ml et l’élevage connaît une quinzaine de mammites par an. « Je traite un quartier deux fois maximum avec le même produit ou non. » Sans historique cellules (pas de contrôle de performance), Laurent préfère appliquer systématiquement un antibiotique au tarissement, associé à un obturateur de trayon pour celles qui perdent du lait.

La fin des quotas vécue comme une vraie opportunité

« Aujourd’hui, je ne regrette pas de m’être installé, affirme-t-il, l’air réjoui, même s’il reconnaît que produire du lait en individuel constitue une fragilité. Etre éleveur, c’est chronophage mais on travaille pour soi. Le travail quotidien ne me pèse pas. Le plus dur, c’est l’astreinte. » Laurent s’accorde de rares week-ends et une semaine de vacances à tout cassé par an. La main-d’œuvre est l’un des points faibles de la structure. Depuis septembre 2016, il est aidé d’un apprenti et reçoit encore des coups de main quotidiens de sa tante et son oncle. Il délègue également à la Cuma et l’ETA les épandages, le pressage, l’enrubannage, en plus des ensilages et de la moisson. S’il se montre serein et confiant, il avoue que ce qu’il craint le plus, ce sont les aléas climatiques. « Dans ce métier, la météo est un facteur déterminant pour la qualité fourragère, mais sur lequel on n’a pas d’emprise ! » Même s’il ne se situe pas dans la zone la plus sèche du département, il a tremblé ce printemps pour les maïs. « Heureusement ça s’est bien rattrapé, on devrait faire 12 tMS/hectare. »

(1) Calculé avec l’hypothèse d’une rémunération de 1,5 Smic/UMO.

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