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« J’ai préféré me ré-installer sur une autre ferme »

Suite à une mésentente, Gaël Fortin a quitté l’exploitation familiale en Vendée et s’est ré-installé dans un département voisin, en couple cette fois. Un nouveau départ qui a nécessité un cheminement par étape.

Gaël et Lucia Fortin ont quitté la Vendée pour se ré-installer en Loire-Atlantique. « Ce n’est pas le parcours le plus simple, mais aujourd’hui nous ne regrettons pas ce choix. » © E. Bignon
Gaël et Lucia Fortin ont quitté la Vendée pour se ré-installer en Loire-Atlantique. « Ce n’est pas le parcours le plus simple, mais aujourd’hui nous ne regrettons pas ce choix. »
© E. Bignon

« Après six années passées en Gaec familial à quatre associés, j’ai décidé de quitter l’exploitation pour une question de mésentente quant à l’organisation du travail, raconte Gaël Fortin très ouvertement. La situation n’était plus tenable. Pour ne pas pénaliser la structure, j’ai récupéré mes parts à leur valeur nominale, c’est-à-dire à la valeur établie au moment de la création du Gaec, sans réévaluation à leur valeur économique. J’ai privilégié le fait de rester en bons termes. »

Puis il a fallu rebondir… « Je me suis senti un peu perdu au début, concède-t-il. Je voulais rester dans le métier, mais que faire ? Se ré-installer seul ? Se ré-associer ? Prendre une ferme en couple ? » Le questionnement chemine et c’est finalement cette dernière option qui l’emporte. Son épouse Lucia n’a pas de formation agricole et ne pourra prétendre aux aides à l’installation, mais qu’importe.

Les recherches débutent en 2016 en Vendée où ils résident, ainsi que sur les départements voisins. En parallèle, alors âgé de 40 ans, Gaël travaille comme salarié agricole et autoentrepreneur en espaces verts. « L’avantage, c’est qu’après la crise laitière, les fermes à reprendre en bovins lait ne manquaient pas », mentionne-t-il. Après un premier projet de ré-installation avorté, le couple se tourne vers Quatuor Transactions, une agence immobilière spécialisée dans la vente d’exploitations.

Bien définir quelles sont les priorités de recherche

« Nous cherchions une exploitation laitière viable pour deux personnes, avec ou sans maison », résument les éleveurs, aujourd’hui à la tête d’une exploitation de 130 hectares et 80 vaches produisant 10 000 kg de lait de moyenne à Saint-Hilaire-de-Clisson en Loire-Atlantique. « En vendant notre maison et les parts, nous avions potentiellement un capital de 120 000 euros. Personnellement, j’étais prêt à changer de région, mais mon épouse voulait rester Sud-Loire, à proximité de la famille vendéenne, pas au-delà d’une heure trente de trajet. »  

 

 
Gaël et Lucia Fortin ont quitté la Vendée pour se ré-installer en Loire-Atlantique. « Ce n’est pas le parcours le plus simple, mais aujourd’hui nous ne regrettons pas ce choix. » © E. Bignon
Gaël et Lucia Fortin ont quitté la Vendée pour se ré-installer en Loire-Atlantique. « Ce n’est pas le parcours le plus simple, mais aujourd’hui nous ne regrettons pas ce choix. » © E. Bignon

L’important est avant tout de bien qualifier son projet. « Il faut se poser les bonnes questions en hiérarchisant les principaux critères pour trouver le bon bien », insiste Tugdual de Trémaudan, négociateur chez Quatuor Transactions. Quelle est la priorité : l’exploitation ou le lieu de vie ? L’outil de production ou l’organisation du parcellaire ? Autant de questions essentielles sur lesquelles les futurs acquéreurs doivent s’accorder. Sinon, ils risquent de s’éparpiller et de visiter moult exploitations qui présenteront chacune des qualités mais dont aucune ne correspondra à leur « idéal ». « Et parfois même, plus ils en voient, moins ils savent ce qu’ils veulent faire… », commente l’expert.

Les premières minutes de visite sont décisives

Après un tri réalisé en fonction des souhaits des éleveurs, mais aussi de leur niveau d’autofinancement, l’agence a proposé au couple trois exploitations : deux situées en Vendée et une en Loire-Atlantique. Un circuit pour visiter les trois fermes sur une journée a été programmé. « Chaque visite dure entre 1h30 et 2h et donne un rapide aperçu du potentiel de la structure, dépeint Tugdual de Trémaudan. Les premières minutes sont généralement décisives. » En découvrant la configuration du parcellaire, les bâtiments, la maison, le cheptel… les exploitants se font une idée des plus et des moins de chaque ferme. « Nous avons débriefé le soir même avec l’agent, au café du village, se souvient Gaël, l’œil vif. Sur les trois visites, la dernière était la bonne ! Sur la première ferme, le cheptel et les bâtiments étaient bien mais nous n’avons pas accroché sur la maison. La deuxième, c’était l’inverse, la maison était impeccable mais les bâtiments pas du tout. » « La troisième exploitation était la plus chère, mais le cadre m’a plu tout de suite, poursuit Lucia en souriant. Tout n’était pas parfait, mais des trois exploitations, c’était le meilleur compromis. » Les éleveurs ont fait une offre dès le lendemain. Ils n’ont pas traîné car le bien venait d’être mis en vente quelques jours plus tôt, et ils étaient les premiers à l’avoir visité. 

 

 
 © E. Bignon
© E. Bignon
« Le hic, c’est qu’à ce moment-là, le projet restait conditionné par la vente de notre maison qui constituait une partie de l’apport. Heureusement, nous l’avons vendue trois semaines plus tard au prix demandé. » C’est à partir de là que les choses se sont réellement débloquées. En particulier vis-à-vis de la banque. Il a ensuite fallu monter le dossier économique et obtenir l’accord de financement. Cela n’a pas été simple car la marge de sécurité était réduite. « Pour faciliter la reprise, nous avons uniquement repris le matériel d’élevage et pas celui des cultures. »

 

« On a hâte d’être chez soi au bout d’un moment »

Les éleveurs se sont installés en Loire-Atlantique fin juillet 2018. « Nous voulions être là avant la rentrée des classes, même si nous n’avions pas encore obtenu l’autorisation d’exploiter. En attendant, on a pu louer la maison attenante au corps de ferme », rapportent-ils. « D’ordinaire, nous conseillons plutôt d’attendre de signer la vente avant de venir vivre sur place, car il arrive que les relations se tendent entre les futurs acquéreurs et les cédants, relève le négociateur. Nous encourageons plutôt des visites ponctuelles durant cette phase. »

 

 
La maison d’habitation est l’un des critères qui peut se révéler rédhibitoire dans le choix de l’exploitation où se ré-installer.  © E. Bignon
La maison d’habitation est l’un des critères qui peut se révéler rédhibitoire dans le choix de l’exploitation où se ré-installer. © E. Bignon
La période de travail en commun a duré cinq mois. Elle a été mise à profit pour connaître les spécificités pratiques, découvrir les terres, rencontrer les gens de la Cuma… « C’est une bonne chose, mais ça m’a paru long. On a hâte d’être chez soi au bout d’un moment », lâche Gaël en ajoutant qu’« il vaut mieux prévoir une épargne de sécurité supplémentaire ». Entre la signature du compromis et la vente, il y a eu un écart de 10 000 euros lié aux génisses. Un grain de sable dont le couple se serait bien passé.

 

Plus de deux ans après cette ré-installation, les éleveurs se disent satisfaits de leur choix. « Le secteur est différent, je n’étais pas habitué aux cailloux ! Ça change aussi au niveau des mentalités, les gens sont plus ouverts par ici. On travaille avec de nombreux voisins éleveurs, c’est plaisant, il y a une bonne dynamique. » Et, cerise sur le gâteau, les résultats obtenus sont conformes aux prévisions.

Côté éco

L’agence immobilière perçoit une commission proportionnelle au montant de la vente. Elle représente 6,25 % HT pour une transaction entre 500 000 et 2 M€. Celle-ci est à la charge du vendeur.

Avis d’expert : Tugdual de Trémaudan, négociateur chez Quatuor Transactions

 

 
Tugdual de Trémaudan, négociateur chez Quatuor Transactions © E. Bignon

 

« La priorité est de vendre pour avoir les mains libres »

« Il faut absolument accepter de dissocier la vente de l’achat. Beaucoup d’éleveurs aimeraient se réinstaller dès le lendemain de la vente de leur exploitation pour transférer le cheptel et le matériel. Il leur est aussi souvent difficile d’envisager de vendre leur exploitation tant qu’ils n’en ont pas trouvé une nouvelle. Pourtant, il faut dépasser ces freins et cette peur du vide. Il est quasiment impossible de gérer en parallèle les démarches d’une vente et celles d’un achat, tout en restant en activité sur son exploitation. Matériellement, gérer les deux timings simultanément n’est pas tenable. La priorité est de vendre. Sans quoi, les exploitants risquent de voir des biens leur passer sous le nez. En effet, s’ils trouvent une exploitation pour se ré-installer, le temps de cession de leur ferme sera trop long (entre 12 à 24 mois) et le vendeur de l’exploitation qu’ils avaient en vue ne les attendra pas. Pour bloquer un bien, il faut un accord de financement. Rien n’empêche, par contre, de commencer les recherches en même temps que la réflexion sur la cession pour valider la faisabilité financière du projet. Et se rassurer aussi, en réalisant qu’il est possible de retrouver une ferme ! Les acquéreurs sont aujourd’hui en position de force.

Définir le prix de vente en faisant estimer l’exploitation est une autre étape-clé. Ce prix ne doit pas être fixé en fonction du budget de la ré-installation. La vente marque un moment décisif qui donne de la crédibilité vis-à-vis de la banque et permet d’avancer plus sereinement vers un nouveau projet. »

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