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Camembert
Isigny explique sa stratégie

L’évolution des techniques et le risque de contamination du lait ont conduit la coopérative à abandonner le lait cru au profit du lait microfiltré.

L’installation de microfiltration. Lait cru ou microfiltré : au jeu gustatif, aucun panel de consommateurs n’a penché plus pour l’un que pour l’autre.
L’installation de microfiltration. Lait cru ou microfiltré : au jeu gustatif, aucun panel de consommateurs n’a penché plus pour l’un que pour l’autre.
© A. Conté

A en croire Claude Granjon, directeur adjoint de la coopérative d’Isigny Sainte-Mère « on sera à l’avenir incapable de fabriquer des fromages à pâtes molles à partir de lait cru ». « Nous en sommes convaincus », at- il affirmé lors d’une journée organisée pour la presse le 22 mai dernier. Une journée motivée par la polémique suscitée par son abandon du lait cru (voir Réussir Lait Élevage de mai 2007, p. 6 et 7), et au cours de laquelle la coopérative du Calvados a développé son argumentation. Depuis vingt à vingt-cinq ans, les conditions de production ont beaucoup évolué. L’aseptisation de l’environnement du lait cru a permis de réduire considérablement la flore totale du lait. Malheureusement, cette réduction s’est faite au détriment d’une flore lactique indispensable à la fabrication des fromages, affirme-t-elle. Parallèlement, une flore psychotrophe (liée au refroidissement du lait) s’est développée, et les germes pathogènes tels que Listeria, E. Coli, Staphylococcus aureus… (en cas de contamination) ont trouvé davantage de place pour se développer.

DU LAIT MICROFILTRÉ RÉENSEMENCÉ

« La microfiltration permet de se débarrasser de cette flore psychotrophe et des pathogènes », a expliqué Alexis Desmares, responsable qualité et sécurité alimentaire. Les Listeria, mais aussi les E. Coli pathogènes sont éliminées. Et notamment la souche E. Coli 026(1) responsable fin 2005 de l’hospitalisation pour insuffisance rénale de six enfants ayant consommé des camemberts au lait cru. Une bactérie que jusqu’à présent seul le laboratoire de l’Afssa de Lyon est capable d’identifier (une méthode d’analyse plus accessible et plus rapide devrait toutefois être mise au point avant la fin de l’année). La microfiltration est donc pour la coopérative un moyen de réduire le risque d’accidents sanitaires, mais aussi le risque économique lié à la destruction de lots importants de fromages. Ceci, sans altérer le goût, affirme-t-elle. Car après cette étape de « débactérisation », le lait est réensemencé avec un cocktail de souches lactiques issues du terroir. Un réensemencement qui était déjà pratiqué depuis longtemps sur le lait cru. « Cela nous a permis de compenser l’appauvrissement des laits crus en flore «utile », tout en gardant notre typicité en n’ayant pas recours à des ferments du commerce commun à toute la profession ». Les 250 producteurs (sur les 650 de la coopérative) dont le lait sert à fabriquer les camemberts doivent suivre le même cahier des charges pour le camembert au lait microfiltré que pour le camembert AOC au lait cru.

LA QUASI-TOTALITÉ À LA FIN DE L’ÉTÉ

Aujourd’hui, la quasi-totalité des camemberts AOC au lait cru sous marque Isigny ont basculé en lait microfiltré: ils ne bénéficient plus du logo AOC. « Un mois et demi après le changement d’étiquette, nous n’avons pas enregistré de baisse de consommation sur notre marque », constate Luc Sénécal, directeur commercial. Côté marques de distributeurs, près de 80 % des volumes fabriqués auraient basculé en camemberts microfiltrés. « Certaines enseignes sont un peu plus réticentes, mais les 23-24 % restants devraient passer en lait microfiltré pendant l’été. » Seuls les camemberts fabriqués dans l’atelier de moulage à la main (quelques milliers par jour) resteront au lait cru: ce qui permettra à Isigny de garder un pied dans le syndicat des transformateurs de camemberts de Normandie. Car la coopérative (de concert avec Lactalis) espère toujours faire accepter la microfiltration et la thermisation dans le cahier des charges de l’AOC. Le lait cru a un coût et demande un engagement important à tous les niveaux. Le lait microfiltré est la voie de la simplicité, assurément plus compatible avec de gros volumes transformés. Faut-il pour autant l’autoriser au niveau de l’AOC camembert de Normandie ? Était-il nécessaire de mettre le débat sur la place publique au risque de ternir l’image de l’AOC et de la filière lait cru ?

(1) pathogène uniquement pour les enfants de moins de 5 ans.

UN COÛT DE 6 EUROS POUR 1 000 LITRES
La microfiltration « débactérise » le lait sans altération 

La microfiltration est un procédé de filtration douce qui n’altère pas les caractéristiques physico-chimiques; les protéines ne sont pas détériorées comme lors d’un chauffage. Appliquée au lait cru, elle permet de le « débactériser ». Cette technique utilise une filtration sur membrane à flux tangentiel : le lait cru est forcé sous pression à travers une membrane céramique. La membrane, grâce au diamètre des pores (1,4 micron) ne laisse pas passer les bactéries qui ont un diamètre supérieur( contrairement aux toxines produites par staphylococus aureus) 

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