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« Il ne faut pas être aveuglé par la performance technique »

À l'EARL Hélaine dans la Manche, les associés ont actionné les leviers pâturage et baisse de production par vache pour réduire les dépenses. Des options efficaces et peu banales en traite robotisée.

Le déclic est venu lorsque Stéphane Hélaine et son frère Thibault ont comparé leur coût alimentaire à celui des autres éleveurs adhérents au Club APL du Cerfrance Manche. « Nous étions performants sur le plan technique mais pas d'un point de vue économique. Or il faut trouver un juste équilibre entre les deux », insiste Stéphane. Les éleveurs ont investi dans deux robots de traite Lely d'occasion en 2009. Les Prim' Holstein, au potentiel génétique élevé, produisaient à l'époque 10 500 kg de lait. En 2012, les vaches consommaient 2,8 tonnes de concentrés total dont 1026 kg de VL 3 litres. « Les vaches produisaient beaucoup mais elles étaient rincées. Celles qui étaient à plus de 50 kg consommaient jusqu'à 8 kg de VL 3 litres. Nos frais vétérinaires et le coût de alimentaire de l'atelier lait étaient trop élevés. » Ce dernier a atteint 136 euros/1 000 l dont 108 euros de concentrés en 2012 (voir graphique). Pour rectifier le tir, les éleveurs ont fait appel aux services de Benoît Mouchard, conseiller technique au centre de gestion. Ensemble, ils se sont penchés sur l'optimisation des ressources de l'exploitation et en particulier sur le pâturage. Le tout sans jamais perdre de vue l'impact de chaque solution sur la charge de travail.

22 hectares de prairies à base de RGA, trèfle blanc et fétuque

« On n'a pas voulu partir sur de l'affouragement en vert parce que nous ne sommes que deux sur l'exploitation et ça demande beaucoup trop de travail. Autant laisser faire les animaux. » Même sanction pour le méteil à cause de son coût d'installation (250 euros/ha) et du volume de travail supplémentaire. Côté pâturage, les vaches disposent de 22 hectares de prairies à base de RGA (trois variétés), trèfle blanc et fétuque. « Il faut choisir des mélanges compatibles avec la pâture et la fauche. » Gros atout pour l'élevage, ce secteur de la Manche est propice à la pousse de l'herbe au printemps comme en automne. « Ici, les terres sont portantes et la pousse de l'herbe est assez impressionnante même en septembre », souligne Stéphane sans toutefois s'avancer sur un tonnage. « La gestion du pâturage est délicate avec des robots de traite parce que si vous offrez trop d'herbe aux vaches, elles la gaspillent et elles ne reviennent pas au robot. » Après une année sans pâturage pour cause de mise en route des robots en avril, il revient au goût du jour en 2010 en système full grass. Puis, suite aux conseils de Benoît Mouchard, les associés mettent en place du pâturage tournant avec des paddocks de 3 ha en 2012. Les vaches y restaient trois jours. La recherche « du toujours mieux » a conduit à réduire encore la taille des paddocks à 2 ha avec un temps de séjour de deux jours. « Nous privilégions la qualité et l'appétence de l'herbe plutôt que le rendement. » La hauteur d'entrée est de 15 -16 cm. « L'idéal c'est que le RGA soit au stade trois feuilles. »

Arrêt des apports de correcteur azoté au pâturage

Avec des paddocks de deux jours, « il y a moins d'herbe à girobroyer et c'est plus facile de débrayer des parcelles au printemps. » Compte tenu de la taille des parcelles, l'herbe fauchée est enrubannée. « Nous enrubannons avec notre propre matériel une dizaine d’hectares en avril pour les vaches. » L'herbe est fauchée à 5-6 cm « pour ne pas abîmer les prairies et ne pas ramasser de terre. » Côté travail, « les boules d'enrubannage sont plus faciles à distribuer que l'ensilage. » L'essai de paddocks d'une journée ne s'est par contre pas révélé concluant. « Avec les allers-retours incessants au robot, les vaches massacraient la prairie. »

L'investissement dans un boviduc en 2013 a également permis d'optimiser la valorisation des prairies. « Avant, les 13 hectares de prairies qui étaient situés de l'autre côté de la route étaient mal exploitées et les autres sûrpaturés. » En saison de pâturage, « nous distribuons en complément des fourrages un kilo d'orge produit sur l'exploitation pour maintenir les vaches en état mais plus aucun correcteur azoté depuis 2013 sauf si la valeur de l’herbe chute comme ça été le cas cette année à partir de juillet (1 kg/v/j). Avant on en distribuait systématiquement 2 kg/j/v. Sur quatre mois, cela représente une économie de 250 kg de correcteurs par vache. » La ration est équilibrée à 26-27 kg (voir tableau).

L’autonomie du système est également optimisée par les bons rendements en maïs (14 à 15 t/ha) et les soins apportés à la confection des silos. « L'entreprise nous aide à tasser l’ensilage. Nous avons vraiment très peu de pertes. » La hauteur des murs des silos couloirs est de 2,80 m et le tas d'ensilage ne les dépasse jamais de plus de 50 à 60 cm. En revanche, l’ensilage est stocké sans ajout de conservateur.

6000 euros investis pour le stockage du tourteau de colza

« L'EARL produit 9 000 litres de lait/ha de SFP contre 7 200 litres pour le groupe d'éleveurs en traite robotisée suivi par le Cerfrance de la Manche », précise Benoît Mouchard. L'achat de 180 tonnes de tourteau de colza par an couplé à une baisse du niveau de production des vaches se sont également révélés judicieux. « Nous avons investi 6 000 euros dans une cellule de stockage et une vis en 2013 pour pouvoir acheter le tourteau de colza en grandes quantités (6 livraisons de 30 tonnes par semi-remorque) et donc à meilleur prix (250 euros en moyenne la tonne en 2013 et 2014). Cet investissement a coïncidé avec l'arrêt de la distribution de concentré de production. Seuls le tourteau de colza et un tanné sont distribués aux vaches avec un maximum de 2,5 kg chacun pour les vaches à plus de 40 kg en hiver. » Cette solution simplifie également le travail, le tourteau de colza étant distribué à toutes les catégories d’animaux (vaches, génisses et taurillons).

Abandon de la ration sèche pour les génisses

Et pour être cohérent jusqu’au bout, les éleveurs n'ont pas hésité à baisser le niveau de production de leurs vaches (de 10 500 à 9 000 kg) et la fréquentation des robots en été : 2,2 traites avec 1 refus contre 2,7 traites et 2,2 refus en hiver. Le cas des génisses a également été étudié de près. « Avant, elles étaient en ration sèche et restaient dans le bâtiment la première année. Ça coûtait 1 500 euros pour obtenir une génisses capable de vêler 25 mois. Aujourd'hui on obtient les mêmes performances de croissance en hiver avec une ration à base d'ensilage de maïs (30 %), de foin (70 %),1 kg de tourteau de colza et 150 g de CMV. Elles sortent dès l'âge de 7 à 8 mois et pour optimiser leur croissance au pâturage, nous leur distribuons 2 kg d'orge par jour. »

Au final, « ces différents leviers ont permis de faire baisser le coût alimentaire de l'atelier lait de 16 euros/1 000 l entre 2012 et 2014 soit une économie de plus de 16 000 euros par an », souligne Benoît Mouchard. Sur la même période, la marge brute lait par hectare est passée de 1680 euros à 2327 euros. Mais dans le domaine, rien n'est acquis. Le coût alimentaire de 2015 est en effet remonté à 139 euros/1 000 l (+ 19 euros/1 000 l) à cause de la mauvaise qualité du maïs récolté en 2014. Et la marge brute est redescendue à 1783 euros/ha. « Les résultats d'analyses étaient bons mais les grains étaient trop avancés et mal éclatés. Les vaches valorisaient mal l'amidon, et ont chuté en lait. » Dans un premier temps, les éleveurs ont augmenté en vain les apports en correcteur azoté. « Ça n'a fait qu'augmenter le taux d'urée dans le lait. Puis Benoît nous a proposé de distribuer 1,5 kg/j/v d'orge et ça été efficace. »

Jouer sur les effectifs plutôt que le niveau de production

Reste qu'en fin de campagne il manquait 40 000 litres de lait. « D'autres éleveurs auraient cherché à les produire à tout prix, mais Stéphane et Thibault ont préféré continuer de produire à un coût raisonnable. » Échaudés par la non réalisation de leur droit à produire, les deux frères ont cependant décidé d'acheter cette année à titre d'essai 40 tonnes de tourteau tanné contenant du tourteau de soja. « Ce tourteau à 39 de protéines a coûté 339 euros/t, soit 8,70 euros par point de protéines. La différence avec du tourteau de colza (245 euros/t à 34 de protéine) n'est que de 1,50 euro par point de protéines. Son emploi ne devrait pas avoir une grosse influence sur la production des vaches mais plutôt sur les taux », estime cependant Benoît Mouchard. Les associés ont repris une exploitation au printemps dernier. Leur droit à produire a atteint un million de litre de lait. « Nous allons jouer sur l'effectif de vaches plutôt que sur le niveau de production. Nous avons assez de génisses grâce à l'utilisation de semences sexées sur toutes les génisses et certaines vaches. »

En chiffres

L'essentiel en 2014-2015

• 100 Prim' Holstein à 9 000 kg

• 9000 litres de lait/ha de SFP

• 22 ares de pâture/vl

• 26 % de maïs dans la SFP

• 139 euros/1000 l de coût alimentaire en 2015 contre 171 euros/1 000 l pour le groupe robot

Les principaux leviers

Le pâturage

Fin des concentrés de production

Baisse du niveau de production des vaches

Achat de matière première : tourteau de colza

Les rations des vaches laitières 

(((s'il n'y a pas assez de place pour faire un encadré je remettrai les rations dans le texte)))

Été

32 kg d'herbe pâturée

25 kg brut d'ensilage de maïs

5 kg d'enrubannage

1 kg d’orge

1,2 kg de colza au robot

1 kg de tanné au robot

Hiver

46 kg brut d’ensilage de maïs

3 kg d’enrubannage

2 kg de tourteau de colza

1,8 à 2 kg de colza au robot (1)

700 g de tourteau tanné (1)

(1) Avec un maximum 2,5 kg de chaque tourteau pour les vaches à plus de 40 kg de lait.

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